Dus à l’infection par des papillomavirus humains, les condylomes anogénitaux sont les IST les plus fréquentes dans le monde : près de 5 % de la population a des lésions cliniques et une infection latente est estimée chez 25 % de la population de moins de 25 ans. Plus fréquents chez les patients immunodéprimés, infectés par le VIH et multipartenaires, ils concernent cependant toute personne en période d’activité sexuelle. Le risque de contamination après un seul contact sexuel est très élevé (60 à 70 %) et la période d’incubation peut aller de quelques semaines à plusieurs années.
Des lésions visibles sont observées dans environ 10 % des infections ; dans la grande majorité des cas, une élimination virale naturelle spontanée s’effectue en quelques mois. Si les génotypes les plus souvent incriminés (HPV- 6 et HPV- 11 dans plus de 90 % des cas) sont à faible risque oncogène, une cotransmission avec d’autres HPV oncogènes est possible et peut mimer cliniquement un condylome.
Le principal enjeu de la prise en charge est le traitement des récidives, dont le taux est élevé (30 à 60 % des cas selon les études). Après avoir conduit une revue de la littérature récente et des guidelines internationales, la HAS vient d’émettre des recommandations, hiérarchisant et cadrant les (nombreux) traitements disponibles, selon la localisation des lésions et le profil du patient.
Diagnostic et bilan
Le diagnostic est clinique, le plus souvent simple car les lésions sont très caractéristiques. Il en existe trois types principaux : acuminés (figures 1, 2 et 3), papuleux (fig. 4) et plans.
Les localisations les plus fréquentes sont : chez l’homme, pénis, prépuce externe et interne, gland et région périanale (même sans pratique sexuelle anale), plus rarement scrotum et plis inguinaux ; chez la femme, vulve, périnée et région périanale, associées dans un tiers des cas à des atteintes cervicales ou vaginales. Les localisations orales, laryngées ou conjonctivales sont rares chez l’immunocompétent.
Le bilan loco-régional recherche une atteinte multifocale, indispensable pour identifier d’éventuelles lésions aux sites pour lesquels un risque néoplasique est identifié, et d’autant plus chez les patients immunodéprimés. Ainsi :
- l’anuscopie est systématique en cas de lésions périanales, pour les deux sexes ;
- le frottis ou test HPV est systématique en cas d’atteinte du col ;
- l’urétroscopie est indiquée en cas de symptômes urinaires ou si le pôle supérieur des lésions n’est pas visualisé par éversion des berges du méat ;
- la biopsie a des indications limitées : doute diagnostique, infiltration lésionnelle, lésions endocanalaires anales ou atypiques (atteinte maculo-papuleuse rouge ou leucoplasique, macules acidophiles sur base érythémateuse…), formes résistantes au traitement.
Principaux diagnostics différentiels : marisques, molluscums contagiosums, kystes sébacés, psoriasis génital, lichen plan, papilles endo-anales, certains cancers débutants.
Le dépistage des IST et l’examen des partenaires sont recommandés.
Chez l’enfant, les condylomes sont le plus souvent de contamination non sexuelle, mais la recherche de sévices sexuels doit être envisagée en présence de lésions anogénitales. L’examen de la famille à la recherche de condylomes est aussi recommandé.
Quel traitement selon les localisations des lésions et le profil du patient ?
L’objectif du traitement est de faire disparaître les lésions visibles (leur régression spontanée est possible mais imprévisible). L’éradication virale est illusoire car il n’existe pas de traitement antiviral efficace contre les HPV.
Le principal enjeu est le taux élevé de récidives puisque tous les traitements ont un taux d’échec considérable (30 à 60 %) qui rendent la surveillance indispensable. Presque toutes surviennent dans la première année et plus de 80 % dans les 6 mois suivant la rémission initiale.
Il existe 3 grands types de traitement :
- immunomodulateurs, notamment imiquimod, plus rarement interférons ;
- chimiques : podophyllotoxine, acide trichloracétique, 5 -fluorouracile… ;
- physiques (destructeurs ou ablatifs) : cryothérapie, laser, chirurgie…
Le choix est fonction du profil du patient et des lésions (localisation, nombre).
En première intention, en population générale, la HAS recommande de traiter les condylomes péniens et vulvaire par : cryothérapie +/- imiquimod 5 % crème ou podophyllotoxine 0,5 % solution (possibilité de prescrire l’un ou l’autre soit en association à la cryothérapie, soit en alternative à celle-ci). L’encadré ci-dessous en précise les modalités d’application.
Pour les localisations anale, urétérale, ou vaginale, d’autres traitements peuvent être utilisés en première ligne aussi : laser CO2, électrochirurgie.
En deuxième ligne, des traitements chimiques ou physiques peuvent être employés (acide trichloracétique, 5 -fluorouracile, laser ou photothérapie dynamique…), leur choix dépendant notamment de l’évolution des lésions (condylomes réfractaires ou récurrents).
Chez les patients immunodéprimés, les mêmes traitements que pour la population générale peuvent être utilisés, tout en respectant les contre-indications.
Chez la femme enceinte, l’abstention thérapeutique est une alternative à discuter en fonction de la taille, du nombre et de la localisation des condylomes. Si la décision se porte sur le traitement, des contre-indications et précautions sont à observer :
- pour les condylomes acuminés, préférer, quel que soit le terme de la grossesse, un traitement physiqueen 1re ligne ;
- l’imiquimod peut être prescrit, maispréférer une utilisation après 10 SA (fin de l'organogenèse) et éviter son utilisation en intravaginal ;
- le 5 -fluorouracile ne doit pas être utilisé pendant la grossesse ni chez les femmes en âge de procréer sans contraception efficace ; la podophyllotoxine est contre-indiquée pendant la grossesse et l’allaitement, selon l’AMM (effets antimitotiques).
L’algorithme ci-contre résume la prise en charge de 1re, 2e et 3e lignes, en précisant les contre-indications et particularités pour les femmes enceintes, les patients immunodéprimés et les enfants.
L’information du patient est cruciale : elle permet notamment d’éviter les confusions (infection par HPV/maladie/cancer) en soulignant le caractère bénin des condylomes et d’expliquer les modes de contamination et le degré de contagiosité élevé (transmission possible de condylomes externes « non couverts » par le préservatif ou lors des « préliminaires » sans préservatif ; ou encore lors de contacts non sexuels : objets de toilette souillés, sauna, jacuzzi…).
Modalités d’utilisation de l’imiquimod et la podophyllotoxine
Imiquimod 5 % (Aldara)
Application topique la nuit, laisser poser entre 6 et 10 heures, puis rincer le matin.
À utiliser 3 fois par semaine, pendant 3 jours non consécutifs (par exemple lundi, mercredi puis vendredi), pendant 16 semaines maximum. En pratique, l’efficacité clinique est rarement significative avant 2 mois (poursuivre le traitement avant de conclure à un échec).
Prescrire une crème cicatrisante ou émolliente permet de palier l’érythème local pour éviter un arrêt intempestif du traitement (à appliquer les jours sans imiquimod).
Réévaluation : quelques semaines après le début du traitement pour observance et tolérance.
Podophyllotoxine 0,5 % (Condyline)
Application 2 fois par jour (matin et soir) pendant 3 jours consécutifs, avec précaution sur le condylome avec l’applicateur (éviter contact avec la peau saine), puis laisser sécher. Le traitement ne doit pas être rincé. L’applicateur doit être changé à chaque utilisation.
Une couche protectrice de crème neutre traitement (vaseline ou pommade à base de zinc) peut être appliquée avant le traitement pour protéger les muqueuses saines ou la peau à proximité d’une irritation cutanée et/ou une ulcération.
Le traitement peut être répété chaque semaine pendant 5 semaines successives maximum.
Réévaluation : à la fin d’un cycle (à 4 - 5 semaines).
Contre-indications : grossesse, allaitement, enfants.