La mucoviscidose est un modèle de maladie monogénique à transmission autosomique récessive, dans lequel seuls les individus possédant deux allèles pathogènes hérités des deux parents sont atteints. Plus de 2 100 variants du gène CFTR sont rapportés à ce jour dans le monde.1 Certains n’entraînent aucune conséquence clinique et environ 40  % sont clairement associés à la mucoviscidose.1,2 D’autres sont associés à un spectre phénotypique allant de la mucoviscidose à des entités cliniques plus modérées appelées affections liées à CFTR (AL-CFTR) ou exclusivement associées aux AL-CFTR.3,4 Enfin, certains des variants les plus rares sont de signification clinique incertaine. Ainsi, la contribution des variants identifiés au phénotype présenté par le patient doit être évaluée à l’aide des outils adéquats4 - 6 pour délivrer une information claire au clinicien et aider au diagnostic et à la prise en charge de la famille en conseil génétique.

Rôles du conseil génétique

Le conseil génétique est délivré par un médecin généticien ou un conseiller en génétique, si possible spécialisé dans la mucoviscidose. Son objectif est de recueillir les informations permettant d’établir un arbre généalogique, d’expliquer les conséquences de la maladie en matière de soin, de prévention et de transmission au sein de la famille. Il peut intervenir dans différentes situations  : antécédent de mucoviscidose ou d’AL-CFTR dans une famille, suspicion échographique de mucoviscidose chez un fœtus en l’absence d’antécédent familial connu, enfant dépisté à la naissance par le programme national de dépistage néonatal, que le diagnostic de mucoviscidose puisse être posé ou non (Lire «  Dépistage néonatal de la mucoviscidose  : le diagnostic est-il toujours posé  ?  », page 846), identification d’un variant du gène CFTR chez un individu de la population générale dans le cadre d’un projet parental ou d’une analyse génétique plus large. Le message délivré lors de la consultation est adapté à chaque situation et doit tenir compte de l’état des connaissances les plus récentes sur les variants du gène CFTR.7,8 

Lorsque l’étude génétique conduit à l’identification d’un ou plusieurs variants associés à la mucoviscidose, l’objectif principal du conseil génétique est d’informer du risque de récurrence de la maladie lors de chaque grossesse et de présenter les options de prise en charge des couples à risque en cas de projet parental, grâce au diagnostic prénatal invasif ou non invasif,9 ou au diagnostic préimplantatoire. Si le ou les variants identifiés ne sont pas associés à la mucoviscidose, le conseil génétique permet d’expliquer les conséquences de l’identification de tels variants sur la descendance, notamment le risque de développer une AL-CFTR, et le fait qu’ils ne sont pas pris en compte pour le diagnostic prénatal ou préimplantatoire ou le conseil génétique aux apparentés. Enfin, si un variant de signification clinique incertaine est identifié, la consultation de conseil génétique permet d’aborder la notion d’incertitude liée à la présence de ce variant. Le recours au diagnostic prénatal ou préimplantatoire est alors évalué au cas par cas, si le risque de transmission de la mucoviscidose ne peut être exclu, d’après les données actuellement disponibles.

La révolution thérapeutique change-t-elle la donne en conseil génétique ?

Si le conseil génétique à la suite de l’identification de variants associés à la mucoviscidose semble le plus simple, l’émergence des thérapies modulatrices de CFTR, accessibles à un nombre croissant de patients (lire «  Révolution dans la thérapeutique de la mucoviscidose  », page 854), soulève de nouvelles interrogations de la part des patients, des familles et des soignants. La mucoviscidose pourrait-elle être désormais considérée comme une maladie «  curable  »  ? Le recours au diagnostic prénatal ou préimplantatoire serait-il alors encore justifié  ? En effet, la trithérapie, associant plusieurs modulateurs de CFTR, est efficace sur une grande variété de génotypes, même au-delà du cadre de l’autorisation de mise sur le marché initiale.10, 11 Toutefois, elle ne permet pas de traiter tous les patients (certains variants ne peuvent pas être corrigés par ces molécules). De plus, parmi les patients «  répondeurs  » au traitement, on constate une grande variabilité interindividuelle d’amélioration clinique, permettant de réduire les traitements symptomatiques ou la kinésithérapie, sans les interrompre complètement. Enfin, l’efficacité et la tolérance à long terme de ces traitements ne sont pas encore connues. Le conseil génétique doit aborder ces points de vigilance. L’information peut également être délivrée en collaboration avec les équipes des centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM), experts pour expliquer tous les aspects de la maladie et de sa prise en charge thérapeutique, lors d’une consultation spécifique.

Guider au mieux patients et familles dans leurs choix

Le conseil génétique occupe une place importante dans la prise en charge des patients et de leur famille. Les différents concepts génétiques pouvant être complexes, le généticien clinicien ou le conseiller en génétique est le plus à même de les expliquer. Enfin, les liens entre le conseil génétique et les professionnels des CRCM pourraient également être renforcés, afin de fournir une information complète sur la mucoviscidose et sa prise en charge à l’ère des modulateurs, et permettre aux personnes de prendre des décisions parfois difficiles de manière éclairée et la plus sereine possible.

Références
1. The Cystic Fibrosis Mutation Database. CFTR1. http://www.genet.sickkids.on.ca/
2. The Clinical and Functional Translation of CFTR (CFTR2). http://cftr2.org
3. Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). Évaluation diagnostique et prise en charge des affections liées ou associées à CFTR. Novembre 2021. https://urls.fr/pwoFwX
4. Raynal C, Corvol H. Variant classifications, databases and genotype-phenotype correlations. Arch Pediatr 2020;27 Suppl 1:eS13-eS18.
5. Claustres M, Theze C, des Georges M, et al. CFTR-France, a national relational patient database for sharing genetic and phenotypic data associated with rare CFTR variants. Hum Mutat 2017;38(10):1297-315.
6. Boussaroque A, Audrezet MP, Raynal C, et al. Penetrance is a critical parameter for assessing the disease liability of CFTR variants. J Cyst Fibros 2020;19(6):949-54.
7. Bieth E, Nectoux J, Girardet A, et al. Genetic counseling for cystic fibrosis: A basic model with new challenges. Arch Pediatr 2020;27 Suppl 1:eS30-eS34.
8. Bienvenu T, Lopez M, Girodon E. Molecular diagnosis and genetic counseling of cystic fibrosis and related disorders: New challenges. Genes (Basel) 2020;11(6):619. 
9. Gruber A, Pacault M, El Khattabi LA, et al. Non-invasive prenatal diagnosis of paternally inherited disorders from maternal plasma: Detection of NF1 and CFTR mutations using droplet digital PCR. Clin Chem Lab Med 2018;56(5):728-38.
10. Burgel PR, Sermet-Gaudelus I, Durieu I, et al. The French Compassionate Program of elexacaftor-tezacaftor-ivacaftor in people with cystic fibrosis with advanced lung disease and no F508del CFTR variant. Eur Respir J 2023:2202437.
11. Burgel PR, Sermet-Gaudelus I, Girodon E, Durieu I et al.The expanded French compassionate programme for elexacaftor-tezacaftor-ivacaftor use in people with cystic fibrosis without a F508del CFTR variant: A real-world study. Lancet Respir Med 2024;12(11):888-900.

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