Les recommandations françaises de 2013 sont-elles toujours adaptées et d’actualité ?
En janvier 2013, l’Ansm et la HAS diffusaient des recommandations de bonne pratique « Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 » (encadré),1 réactualisant celles de 2006 (HAS).
Elles n’ont pas fait l’unanimité dans la communauté médicale, particulièrement chez les diabétologues.
Certains membres des groupes de travail et de lecture n’ont pas souhaité les endosser. Une des critiques était que 41 recommandations sur 45 provenaient d’un « accord d’experts » donc « sans niveau de preuve en l’absence d’études adéquates ». Cependant, malgré cette faible validité, la plupart ont été bien accueillies, notamment celles sur l’individualisation du contrôle glycémique et sa réévaluation, la place des mesures hygiénodiététiques et de l’éducation thérapeutique, la prise en compte globale (médicale, sociale, familiale, culturelle) du patient, et les hypoglycémies préoccupantes chez les personnes âgées.

Des choix discutables ?

Prescrire la metformine en première intention fait consensus, c’est d’ailleurs une recommandation de grade B (fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve). En revanche, d’autres choix ont été perçus comme très restrictifs, contrastant fortement avec la prise de position émise 1 an auparavant par l’Association américaine du diabète (ADA) et l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD), partagée par la Société francophone du diabète.2 Pour ces instances, les objectifs glycémiques doivent être individualisés, comme le dit la HAS, selon de multiples critères (motivation, risque d’hypoglycémie, durée du diabète, espérance de vie, comorbidités, complications cardiovasculaires, ressources). Cependant, et contrairement à la HAS, le choix médicamenteux de 2e intention est fait parmi l’ensemble des traitements oraux, les analogues du GLP-1 (exénatide, Byetta, Bydureon ; liraglutide, Victoza) et l’insuline. Il est individualisé et tient compte des avantages et désavantages de chaque molécule.
Il est clair que des considérations financières ont guidé la HAS en 2013. En privilégiant les médicaments les plus économiques et en restreignant la prescription des « nouvelles » classes, HAS et Ansm souhaitaient contenir le coût des antidiabétiques en France, celui-ci ayant fortement augmenté, passant de 381,5 millions d’euros en 2008 à 631,5 en 2013 (hors insuline). Cette préoccupation paraît légitime, même si la croissance de la population française et celle du diabète de type 2 n’ont pas été intégrées au calcul. Cependant, les objectifs financiers ne doivent pas faire oublier la nécessité de proposer aux patients la stratégie la plus efficace et la mieux adaptée.
De nouvelles données publiées depuis doivent probablement conduire à renouveler les recommandations ou du moins à rectifier les dernières.

Sulfamides en 2e intention

Selon la HAS : « Si l’objectif glycémique n’est pas atteint malgré une mono- thérapie par metformine, l’association metformine + sulfamide hypoglycémiant est recommandée en surveillant la prise de poids et la survenue d’hypoglycémies » (encadré). Cela est fondé sur les recommandations du NICE (National Institute for health and Care Excellence, autorité de santé britannique) publiées en 2008, date à laquelle n’était disponible aucun inhibiteur de DPP4 (ou gliptine : sitagliptine, Januvia, Xelevia ; vildagliptine, Galvus ; et saxagliptine, Onglyza, commercialisés aujourd’hui en France). Un seul analogue du GLP-1 était sur le marché.
Le choix des sulfamides en 2e intention est justifié par leur faible coût, leur sécurité d’emploi (comme en témoigne l’expérience accumulée avec ces molécules) et leur efficacité comparable à celle des autres ADO. Le coût est donc encore un argument de poids. Celui des inhibiteurs de DPP-4 a, certes, diminué d’environ 30 % mais il reste 4 fois plus élevé en moyenne que celui des sulfamides. Cependant, les dépenses liées aux hypoglycémies sévères provoquées par ces molécules ne sont pas prises en compte dans ces analyses, de même que celle due à l’autosurveillance glycémique, rendue nécessaire par ce risque.
Concernant la sécurité d’emploi, de nombreuses données rassurent quant à l’innocuité des gliptines. Les études de tolérance imposées par la FDA ont montré la sécurité cardiovasculaire de la sitagliptine, en particulier chez les patients diabétiques à haut risque cardiovasculaire. De même, l’excès de cancer pancréatique sous incrétine n’a pas été confirmé par les données de pharmacovigilance, notamment françaises.
Au vu de ces résultats et des avantages de cette classe (pas d’hypo- glycémie, effet neutre sur le poids, peu de contre-indication), sa place devrait probablement être reconsidérée au-delà du simple argument financier.
à noter que dans les nouvelles recommandations du NICE (2015) le choix de la seconde ligne thérapeutique est laissé à l’appréciation du médecin.3

NPH : insuline basale de 1re intention ?

Autre pierre d’achoppement : la préférence donnée à une insuline intermédiaire (NPH) lors de la mise en place d’une insulinothérapie basale. La encore, la motivation est probablement économique mais cette molécule, développée il y a plus de 50 ans, a toujours montré une efficacité comparable à celle des analogues lents les plus « modernes ». Mais l’argument financier est ténu, les bio- similaires ayant fortement contribué à baisser le prix de l’insuline. Celui de la glargine, biosimilaire de Lantus (Abasaglar) est quasi comparable à la NPH. De plus, avec ces analogues lents, les hypoglycémies nocturnes sont moins fréquentes et, là encore, l’économie générée n’a pas été prise en compte. Les plus récents, la glargine U300 (Toujeo) et le degludec (commercialisé en France en association avec le liraglutide : Xultophy) ont un risque d’hypoglycémie plus faible que les premiers analogues lents, cette baisse étant similaire à celle observée entre NPH et Lantus.
L’étude DEVOTE a ainsi montré, pour un contrôle glycémique similaire, une diminution de 40 % des hypo- glycémies sévères sous degludec par rapport à Lantus (glargine U100 ; 280 vs 472 événements) chez 7 637 diabétiques de type 2.4 On peut donc supposer que le bénéfice de ces nouvelles molécules en termes d’hypoglycémies est majeur par rapport à la NPH (même si aucune étude n’a fait la comparaison directe), il l’est aussi pour la qualité de vie et l’Assurance maladie. Même si le degludec seul n’est pas disponible actuellement en France, il est probablement temps de reconnaître les avantages de ces analogues lents de l’insuline.

Place des analogues du GLP-1

En 2013, elle était restreinte aux patients en échec de bi- ou trithérapie orale et dont l’IMC est supérieur à 30. Notons que dans l’arbre décisionnel de la HAS, leur prescription n’est suivie d’aucune recommandation en cas de non-efficacité.
Aujourd’hui, c’est le traitement le plus cher mais les preuves de son bénéfice se sont accumulées ces dernières années. En particulier, il a démontré un intérêt après échec d’une insulinothérapie basale : comparé aux insulines rapides (recommandées par la HAS), l’équilibre glycémique est similaire mais avec moins d’hypoglycémie et l’avantage d’une perte de poids (vs une prise). Argument supplémentaire, la baisse sous liraglutide (Victoza) de la mortalité et des événements cardiovasculaires chez des diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire.5 Même si ces atouts sont difficilement quantifiables financièrement, ils peuvent relativiser le coût plus important de cette classe thérapeutique dans une optique d’amélioration de la santé à plus long terme.
Encadre

Messages clés des recommandations 2013

RÉFÉRENCES
1. HAS, Ansm. Recommandation de bonne pratique. Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2. Janvier 2013. www.has-sante.fr

2. Position des experts ADA-EASD sur la prise en charge de l’hyperglycémie chez les patients diabétiques de type 2 : une stratégie centrée sur le patient. Médecine des Maladies Métaboliques 2017;6(S2):3-25.

3. NICE guideline (NG28). Type 2 diabetes in adults: management. December 2015. https://https://www.nice.org.uk/guidance/ng28

4. Marso SP, McGuire DK, Zinman B, et al. Efficacy and safety of Degludec versus Glargine in type 2 diabetes. N Engl J Med 2017;377:723-32.

5. Marso SP, Daniels GH, Brown-Frandsen K, et al. Liraglutide and Cardiovascular Outcomes in Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2016;375: 311-22.

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essentiel

Selon la HAS et l’Ansm, les sulfamides hypoglycémiants sont recommandés en 2 ligne, la NPH est la première insuline et les analogues du GLP-1 ont une place limitée et mal définie, choix guidés par des considérations économiques (et parfois scientifiques).

➜ et une baisse des coûts des nouveaux traitements (inhibiteurs de DPP-4, analogues du GLP-1, biosimilaires, analogues lents de l’insuline) remettent en cause leur pertinence.

➜ (moins d’hypoglycémies, baisse de mortalité pour certains), il n’est pas sûr qu’à long terme l’argument économique ne soit pas en faveur des nouvelles classes.

➜est probablement nécessaire pour individualiser davantage le traitement.