Comment cette initiative est-elle née ?
En suivant l’épidémie en Chine et en Corée du sud, j’ai compris rapidement qu’il était indispensable de traquer le virus pour interrompre la chaîne de transmission. Le dépistage des professionnels de santé était une priorité. Mi-mars, je me suis donc rapproché de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du 17e et du maire de cet arrondissement, Geoffroy Boulard, pour organiser un centre dédié à la détection. Il fallait tout d’abord trouver un lieu adéquat. Lors d’une réunion à la mairie, j’ai vu qu’il y avait un parking, avec une entrée et une sortie indépendantes. Je me suis dit : « C’est ça qu’il faut faire, un drive-in ! » Les avantages sont multiples : c’est un espace non confiné, on n’a pas besoin d’une salle d’attente, la voiture est une barrière de protection. J’ai impliqué l’Ordre des médecins de Paris, le Réseau bronchiolite Île-de-France et 4 laboratoires d’analyses biologiques. Au début, nous n’avions pas assez de réactifs pour les tests PCR ; après, on les a eus, mais il nous manquait du matériel de protection pour les préleveurs… Ce n’est que le vendredi 27 mars qu’on a pu commencer à faire les tests.
Comment ça marche en pratique ?
Après prise de rendez-vous sur Doctolib, le soignant passe par 3 étapes : accueil, assuré par des kinés ; stand médecin où le test est prescrit ; puis, à partir d’une 3e tente, un biologiste fait le prélèvement nasopharyngé, le professionnel testé restant dans son véhicule. Cette organisation permet une grande fluidité : nous pouvons faire jusqu’à 170 tests dans la journée ! Au total sont impliqués 4 laboratoires avec 8 pharmaciens biologiques, 34 kinésithérapeutes, 21 médecins qui y participent à tour de rôle. Le centre est ouvert du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.
Qui peut se faire dépister ?
Tous les professionnels de santé : médecins, infirmières, kinés, pharmaciens, chirurgiens, dentistes, sages-femmes, podologues, orthoptistes, orthophonistes. Depuis quelques jours, on peut recevoir aussi les personnels qui travaillent dans les Ehpad, dans les instituts médico-éducatifs, les ambulanciers. Les profils des soignants sont très hétérogènes… Au début, nous avons reçu de nombreux chirurgiens-dentistes, catégorie très touchée par le Covid, car le virus est probablement aérosolisé lors des soins dentaires. L’objectif est de pouvoir donner des réponses aux soignants : êtes-vous porteurs ? Si oui, que faire pour vous, pour votre entourage, pour vos patients ? Faut-il rester ou pas dans la chaîne de soins ?
Justement, les médecins doivent-ils ou non continuer à travailler ? Les messages ne sont pas très clairs…
En effet, chaque jour nous avons des recommandations qui invalident celles de la veille. Les soignants qui sont dans une filière Covid peuvent continuer à travailler sans toutefois contaminer leur entourage proche. Ceux qui ne sont pas dans des services Covid doivent rester chez eux ! C’est de la simple pratique épidémique (détecter, isoler, traiter).
Connaissez-vous la sensibilité du test par RT-PCR ?
Selon les labos, il y a 15 % de faux négatifs. Une partie serait due à une technique de prélèvement non optimale (il faut enfoncer l’écouvillon jusqu’au cavum, et cela dans les 2 narines). L’avantage de le réaliser dans une voiture, c’est que le patient ne peut pas reculer ! Une autre raison de ces faux négatifs est que parfois le virus, une fois passé dans les bronches, n’est plus dans le nasopharynx, ou alors il a une concentration inférieure au seuil de détection (100 copies/mL).
Ces tests sont-ils remboursés ?
Pour l’instant, ils le sont uniquement chez les patients ayant des symptômes, mais les choses sont en train de changer. J’ai écrit à la Cnam pour obtenir la prise en charge du dépistage des professionnels de santé asymptomatiques, qui ont été en contact avec des cas. Il faut absolument débusquer les porteurs du virus, et les retirer de la chaîne de contamination. Trouver une seule personne positive qui se balade car elle pense ne pas être contaminée, ça veut dire éviter plusieurs centaines d’infections à la fin du mois. Ça veut dire sauver des vies. À ce jour, nous n’avons pas du tout la photographie réelle du nombre de personnes touchées ; la seule façon de le savoir, c’est de faire un dépistage de masse.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
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