La transmission par aérosols du SARS-CoV-2 est désormais admise, les preuves s’accumulant depuis des mois ; mais, bien qu’elle préside à la mise en place de la mesure de prévention centrale qu’est le port du masque, elle n’est toujours pas considérée comme la modalité principale de transmission par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

 

Si une telle hiérarchie est en effet difficile à établir, et la controverse par conséquent difficile à trancher, de nombreux scientifiques militent pour la reconnaissance de cette transmission comme moyen principal de diffusion du virus, avec ce qu’elle implique en termes de prévention. Ils plaident en particulier pour l’établissement d’une dichotomie claire entre les gouttelettes et les aérosols, que beaucoup d’avis officiels considèrent comme un continuum, rendant peu claires les recommandations et entravant ainsi l’efficacité des mesures de protection. 

La limite se situe à 100 μm. Au-delà, les particules de salive et de fluide respiratoire excrétées quand un individu tousse, éternue et, en moindre mesure, parle, se déplacent comme un projectile dans l’air (« gouttelettes »), et peuvent ainsi se déposer dans la bouche, les narines et les yeux de toute personne se situant à 1-2 m de la personne, mais autrement tombent aussitôt au sol. En deçà, les particules, plus légères, peuvent rester dans l’air de quelques secondes à plusieurs heures, et voyager de plus longues distances, infectant un sujet quand elles sont inhalées par le nez ou la bouche.

Un groupe d’experts sous la direction de José Luis Jiménez, professeur de chimie à l’université du Colorado aux États-Unis, a donc pris l’initiative de s’adresser directement au public. Ces experts, les mêmes qui avaient écrit en juillet une lettre ouverte à l’OMS demandant la reconnaissance de la transmission aéroportée du nouveau coronavirus, répondent aux questions les plus importantes concernant ce mode de diffusion, au moyen d’un document en libre accès disponible sur le lien https://tinyurl.com/FAQ-aerosols et régulièrement mis à jour. Petite sélection.

1. Quels facteurs contrôlent la quantité d’aérosols infectieux exhalés ?

Au-delà des variations de la contagiosité d’un individu au cours de l’infection (le pic se situant 2 à 3 jours avant l’apparition des symptômes, quand symptômes il y a), la taille des aérosols et la quantité de virus excrété varient d’un individu à l’autre, ainsi que selon l’activité réalisée : moins d’excrétion par la respiration et plus par la parole, le chant ou les cris, et très probablement par l’activité physique aérobie. La combinaison de ces facteurs et du lieu de l’émission peut ainsi résulter en ce que l’on appelle des « évènements de super propagation ».

2. Combien de temps les aérosols demeurent-ils dans l’air intérieur ? Et combien de temps le SARS-CoV-2 y est-il infectieux ?

Cela dépend principalement de trois facteurs : la taille de l’aérosol, l’encombrement de la pièce et le mouvement d’air.

On trouve, par exemple, du virus dans de très petits aérosols (< 1 micron), qui peuvent flotter dans l’air plus de 12 heures, mais qui peuvent pour la même raison être plus vite évacués d’une pièce…

Alors à quelle vitesse l’air d’une pièce est-il renouvelé ? La question est complexe, car quand on ventile, l’air entrant se mélange à l’air à l’intérieur, et la vitesse à laquelle les aérosols seront évacués dépend de l’environnement de la pièce. Par exemple, dans les résidences, 95 % de l’air intérieur sera remplacé dans un laps d’entre 30 minutes… et 10 heures ! Dans les établissements publics, le processus pourrait prendre entre 12 minutes et 2 heures, et dans les hôpitaux, cela prendrait en moyenne 5 minutes.

Quant à l’infectiosité du virus dans l’aérosol, sa durée serait de 1 à 2 heures dans une pièce à température moyenne de 20 °C, selon de nombreuses études. C’est pourquoi les sujets à risque, s’ils doivent se rendre dans des endroits publics fermés, devraient privilégier le moment d’ouverture le matin – car, alors, soit les aérosols exhalés la veille auront été évacués, soit le virus aura perdu son infectiosité.

3. La température affecte-t-elle la survie du virus dans l’air ? Et l’humidité ?

Les basses températures favorisent la survie du virus, alors que les températures hautes réduisent sa viabilité (d’où, par exemple, les évènements super propagateurs constatés dans les abattoirs).

L’humidité, elle, pourrait être en quelque sorte un facteur protecteur, pour plusieurs raisons. D’abord, les virus à enveloppe lipidique, comme le SARS-CoV-2, survivraient mieux dans un environnement sec. De plus, la quantité d’eau et la taille des particules respiratoires dépendent des conditions d’humidité ambiante : si celle-ci est supérieure à 85 %, les aérosols sont plus grands, ce qui les fait « tomber » plus vite. Mais ces facteurs n’influencent, bien entendu, que la transmission de longue distance et dans les lieux partagés, et n’affecte pas la transmission de proximité. Par ailleurs, notons qu’un environnement sec peut être, au contraire, un facteur favorisant les infections, en raison des lésions épithéliales, de la diminution de la clairance mucociliaire et de l’augmentation de la production de mucine qu’il peut engendrer.

4. Combien de temps ai-je besoin d’inhaler un aérosol infectieux pour être infecté ?

Il est peu probable qu’une bouffée d’air inhalé par-ci par-là entraîne une infection. Le temps que l’on passe à proximité ou dans un endroit partagé avec une personne infectée a une incidence sur la quantité de virus réellement inhalé, ce qui dictera le risque d'être infecté.

S’il n’y a pas de consensus sur la durée précise, elle semble être de l’ordre de quelques minutes. Bien que plusieurs recommandations officielles évoquent un seuil de 15 minutes en parlant à proximité avec une personne infectée, ce n’est pas étayé par des preuves, et peut donner un faux sentiment de sécurité pour des durées inférieures mais potentiellement contagieuses.

5. Comment peut-on se protéger de la transmission par aérosols en intérieur ?

Il ne sera jamais possible d’annihiler le risque, mais on peut toujours le réduire, c’est pourquoi il est important de prendre le plus de mesures possibles, en évitant ou réduisant autant que faire se peut les situations qui facilitent l’inhalation de l’air expiré des autres. En particulier :

– les espaces encombrés ;

– une très grande proximité avec les autres ;

– les environnements à faible ventilation ;

– les longues durées d’exposition ;

– les lieux où les gens ne portent pas de masque ;

– parler fort, crier ou chanter ;

– la fréquence respiratoire élevée (par exemple, l’activité physique aérobie en salle).

Chacune de ces caractéristiques augmente potentiellement la concentration d’aérosols que l’on peut inhaler en milieu intérieur. Il est donc recommandé, quand on se trouve dans ces situations, d’en réduire au maximum la durée pour diminuer le risque d’exposition.

Pour en savoir plus

FAQs on Protecting Yourself from COVID-19 Aerosol Transmission (version du 1er octobre 2020).

Jee C. This scientist made a Google Doc to educate the public about airborne coronavirus transmission. MIT Technology Review, 2 octobre 2020.

Voir aussi

Zafra M, Salas J. A room, a bar and a classroom: how the coronavirus is spread through the air (animations). El País, 29 ooctobre 2020.

L.M.A., La Revue du Praticien

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