Les acides ribonucléiques utilisés pour la vaccination (ARNm) ou pour le développement de nouveaux médicaments (ARNm, ARN interférents, micro-ARN) sont des biomolécules particulièrement fragiles, sensibles aux exo- et endonucléases. Leur poids moléculaire élevé et leur caractère polyanionique sont autant de freins à leur pénétration intracellulaire : améliorer la stabilité de l’ARN et permettre un bon rendement de sa traduction en protéine sont des éléments indispensables à l’efficacité vaccinale. C’est la raison pour laquelle les vaccins et médicaments à base d’ARN ont mis longtemps à se développer, avant d’aboutir à une réalité clinique. Celle-ci est devenue aujourd’hui possible grâce au développement de nanoparticules lipidiques équipées de lipides ionisables (amines tertiaires ou quaternaires avec un pKa entre 6,2 et 6,5, un pH acide). L’encapsulation dans des nanovecteurs a, en effet, constitué une étape décisive pour l’efficacité de l’ARN, en promouvant son export du compartiment endosomal vers le cytoplasme cellulaire. Le mécanisme de l’échappement endosomal permet à l’ARN messager d’avoir un accès direct aux ribosomes au niveau desquels il se traduit en protéine. La production de la protection vaccinale est également facilitée par l’expression de fragments peptidiques à la surface des cellules immunocompétentes. D’autres lipides appelés « lipides helpers » sont utilisés pour permettre à l’ADN de quitter les endosomes.L’utilisation de l’ARNm ouvre également des perspectives séduisantes dans le domaine du médicament à condition que la protéine soit produite en quantité suffisante et sur le long terme et sachant que son expression peut être transitoire et/ou immunogène : production d’antigènes de tumeur dans l’immunothérapie du cancer, traitement du mélanome malin, de certaines maladies pulmonaires congénitales, d’anémies sévères. Des ARN non codants, petits ARN interférents (siARN) ou micro-ARN (miARN) peuvent inhiber l’expression d’une protéine pathologique et empêcher l’expression d’oncogènes à l’origine de certaines tumeurs. Le patisiran, premier médicament ARN approuvé pour le traitement de l’amyloïdose à transthyrétine, permet une amélioration significative chez environ 60 % des patients traités. Si les nanoformulations de l’ARN ouvrent des pistes intéressantes en matière de médicaments, de nombreuses difficultés restent à résoudre : maintien de l’efficacité de l’expression d’une protéine par voie intraveineuse, absence d’immunogénicité, développement de nanovecteurs fonctionnalisés spécifiques, nanovecteurs capables d’exporter un plus grand nombre de molécules d’ARN vers le cytoplasme cellulaire.

Patrick Couvreur, université Paris-Saclay, CNRS, institut Galien Paris-Saclay, Châtenay-Malabry, France.

28 juin 2022