Dans des expériences portant sur des souris femelles n’ayant que leur chromosome X d’origine maternelle activé, des chercheurs américains ont mis en évidence que ces dernières subissaient un vieillissement cérébral accéléré. La cause probable en est l’inactivation épigénétique, sur le X maternel activé, de gènes contribuant à la cognition.
Les femelles mammifères portent majoritairement deux chromosomes X, alors qu’un seul est suffisant et nécessaire pour le bon fonctionnement de l’organisme. Par un mécanisme dit de « compensation de dose », un des deux chromosomes X est donc inactivé aléatoirement de manière épigénétique peu après le début du développement embryonnaire. À la naissance, les femmes ont ainsi une proportion variable de cellules ayant soit un chromosome maternel (Xm) actif, soit un chromosome paternel (Xp) actif.
L’inactivation préférentielle de Xm ou de Xp n’est pas forcément sans influence sur la santé, puisque la présence dans l’organisme d’une seule version de X activée pourrait augmenter la vulnérabilité en cas de dysfonction de cet X activé. En outre, les chercheurs soupçonnent l’inactivation de Xm d’avoir des conséquences négatives sur la santé cognitive. Par exemple, des études sur les femmes atteintes du syndrome de Turner (ayant un seul chromosome X) montrent que celles ayant conservé Xm montrent un plus grand déficit cognitif que celles ayant conservé Xp.
Afin de déterminer si l’activation du Xm est bien associée à une altération de la cognition et au vieillissement cérébral, des chercheurs américains ont élevé ensemble deux lignées de souris femelles : des souris contrôle ayant subi une inactivation naturelle du chromosome X – ayant donc un mélange Xm-Xp – et des souris génétiquement modifiées n’ayant que Xm comme chromosome X actif. Ils leur ont fait passer des tests comportementaux cognitifs, dans lesquels les jeunes souris Xm réussissent aussi bien que les souris contrôle, avant de voir leur performance et notamment leur mémoire se détériorer en vieillissant. Les deux groupes ne diffèrent en rien d’autre.
Soupçonnant que cet effet cognitif de Xm s’expliquait par des gènes du chromosome X impliqués dans la cognition et inactivés spécifiquement sur le chromosome Xm actif, les chercheurs ont repéré neuf de ces gènes épigénétiquement inactivés chez les souris Xm. En les réactivant grâce à la technique CRISPR chez les souris Xm adultes, ils ont observé une amélioration de la cognition et de la mémoire des souris Xm.
Ces données suggèrent, selon les auteurs, que « les femelles avec un biais vers l’activation de Xm, même en l’absence de mutation, pourraient voir leurs fonctions cognitives décliner, en particulier avec l’âge, ou avoir un risque accru de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer », par rapport à celles ayant un ratio Xm/Xp plus équilibré.
Rosier F. Chromosome X : un rôle inattendu dans le vieillissement cognitif. Le Monde 29 janvier 2025.