Le logo Nutri-Score peut figurer sur les emballages des aliments depuis 2017. Cet outil de santé publique fait régulièrement l’objet de remises en cause. Certaines informations fausses circulent activement. Dissection de quatre affirmations erronées.

C’est en octobre 2017 qu’a été signé l’arrêté interministériel reconnaissant Nutri-Score comme le logo d’information nutritionnelle recommandé par les pouvoirs publics français pour être apposé sur la face avant des emballages des aliments. La ­signature de cet arrêté d’adoption de ce logo coloriel à cinq classes de qualité nutritionnelle, allant du vert (associé à la lettre A) pour la plus favorable à l’orange foncé (associé à la lettre E) pour la plus défavorable, constituait l’épilogue d’une longue bataille de près de quatre ans pendant laquelle de puissants lobbies ont tout fait (ou presque) pour bloquer puis retarder la mise en place de cet outil de santé publique.
À côté de son utilisation directe par les consommateurs, il peut être précieux pour les professionnels de santé, notamment les médecins, qui peuvent l’utiliser dans le cadre de la prise en charge nutritionnelle de leurs patients afin de les aider à améliorer la qualité nutritionnelle de leur alimentation.

Un outil de santé publique simple et validé

L’idée de base du Nutri-Score est sim­ple : traduire les données incompréhensibles et souvent illisibles figurant sur le tableau de composition nutritionnelle (rendu obligatoire par une réglementation européenne) situé au dos des emballages sous forme d’un logo coloriel synthétique facilement visible et interprétable sur la face avant des emballages, et ainsi compréhensible pour tous.1 Sa finalité est d’offrir aux consommateurs une réelle transparence sur la qualité nutritionnelle globale des aliments préemballés, leur permettant, en quelques secondes lors de l’acte d’achat, de reconnaître et de comparer la qualité nutritionnelle des aliments et d’orienter leurs choix vers les alternatives de meilleure qualité nutritionnelle. Nutri-­Score permet de différencier la ­qualité nutritionnelle des aliments ayant un même usage (par exemple, au sein des plats composés, des ­aliments consommés en dessert ou au petit déjeuner, des différentes boissons…), ou à l’intérieur d’un même groupe, entre divers aliments (par exemple entre différentes céréales du petit déjeuner, entre différentes huiles…), voire entre des aliments du même type mais de marques différentes (fig. 1).
L’intérêt du Nutri-Score et sa supériorité par rapport aux autres logos nutritionnels existants ou proposés par des groupes de pression ont été très largement démontrés dans plus de 50 études publiées dans des revues scientifiques internationales2 démontrant ainsi la validité du score sous-tendant son calcul (notamment son association avec des critères de santé dans des grandes études de cohorte) ainsi que l’efficacité de son format graphique, et notamment sa supériorité par rapport aux autres logos.3 Son intérêt a été démontré dans de multiples contextes d’études – réalisées en supermarchés virtuels, en magasins expérimentaux en conditions réelles, à grande échelle dans de vrais supermarchés, en restauration collective – avec des résultats très cohérents mettant en évidence son efficacité mais aussi ses meilleures performances par rapport aux autres options de logos.

Déploiement sur la base du volontariat en France et en Europe

Lorsqu’il a été proposé en 2014 dans un rapport remis à la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, aucune entreprise ne soutenait le Nutri-Score. Mais grâce à la pression des consommateurs (ils sont plus de 90 % à le plébisciter) et aux nombreux travaux scientifiques démontrant son utilité et la volonté des autorités de santé publique (ministère de la Santé, Santé publique France), aujourd’hui plus de 800 marques (dont certaines initialement très hostiles) se sont engagées à l’apposer sur leurs emballages.4 Mais de grands groupes agroalimentaires (notamment Ferrero, Mars, Mondelez, Coca-­Cola, Lactalis, Kraft Foods Group, Unilever International…) continuent à refuser de l’afficher sur leurs produits.
Nutri-Score poursuit toutefois son déploiement en Europe : après la France en 2017, il a été adopté officiellement par la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse, mais toujours sur la base du volontariat en raison d’une réglementation européenne votée en 2011 (sous la pression des lobbies) qui ne permet pas aux États membres de rendre obligatoire l’affichage d’un logo d’information nutritionnelle sur les aliments. Mais aujourd’hui la volonté de la Commission européenne de changer cette réglementation dans le cadre de sa stratégie Farm to fork en mettant en place un logo nutritionnel unique et obligatoire pour l’ensemble des pays européens d’ici à 2023 a soudainement réveillé les ­lobbies industriels qui se satisfaisaient jusqu’à présent du caractère facultatif du Nutri-Score. Un front d’opposants s’est ainsi créé pour empêcher que Nutri-Score soit choisi comme le logo obligatoire pour l’Europe et essayer de le dénaturer là où il a déjà été adopté sur une base ­volontaire. On y retrouve les grands groupes agroalimentaires toujours opposés comme Coca-Cola, Ferrero, Mars, Mondelez, Kraft Foods Group, Lactalis… ; des filières agricoles, ­notamment celles des fabricants de fromage et de charcuterie, adhérentes à la puissante organisation syndicale et professionnelle européenne Copa Cogeca ; et un pays – l’Italie – transformé en État lobbyiste, du fait de la proximité de son gouvernement avec de puissants acteurs du secteur industriel agro­alimentaire (notamment Ferrero) et de certains secteurs agricoles (comme ceux du parmesan, du gorgonzola, du prosciutto…). En France, la Confédération générale du roquefort (avec en arrière-plan ­Lactalis, n° 1 mondial des produits laitiers et qui commercialise 70 % des volumes de roquefort) et d’autres filières de production de fromage et de charcuterie AOP/IGP (appellation d'origine protégée et indication géographique protégée) se sont montrées également particulièrement actives dans le lobbying anti-Nutri-Score et ont mobilisé beaucoup de forces politiques (notamment des élus des zones de production) pour pousser à l’exemption de leurs produits du Nutri-Score. Cette demande ne repose sur aucun fondement scientifique et de santé publique puisque le caractère traditionnel ne recouvre en rien les propriétés nutritionnelles d’un aliment…
Comme il est habituel dans leur mode d’action, les lobbies utilisent et font circuler de nombreuses fake news visant à discréditer Nutri-Score, parfois reprises par des personnes de bonne foi qui ne connaissent pas ­suffisamment la problématique des logos nutritionnels ou par certaines défendant des intérêts économiques ou parfois idéologiques. C’est pourquoi il est important de démystifier ces fake news

Des infox tentent de discréditer Nutri-Score

« Nutri-Score pénalise les aliments traditionnels »

Un exemple de fake news largement relayé dans les médias et les réseaux sociaux, et souvent repris par des ­personnalités politiques pour des ­raisons électoralistes, affirme que Nutri-­Score « pénaliserait » les aliments traditionnels. Mais en réalité Nutri-­Score ne fait que prendre en compte la composition nutritionnelle des aliments, qu’ils soient traditionnels, porteurs de labels (AOP/IGP, bio, Label rouge…) ou non. C’est pour cela que des aliments traditionnels avec une appellation d’origine qui ont une composition plutôt favorable sont donc classés sur cette base en A par Nutri-Score, comme les lentilles du Puy, les pommes du Limousin, le riz de Camargue, les mogettes de ­Vendée ou les noix de Grenoble… En revanche, si les fromages ou les charcuteries (AOP/IGP ou non) sont majoritairement classés Nutri-Score D ou E, c’est du fait de leur richesse en graisses saturées et en sel. Ceci n’indique absolument pas qu’ils ne doivent pas être consommés, mais le fait d’être classés Nutri-Score D ou E ne fait que rappeler que ces produits doivent l’être en quantité limitée (ou à une moindre fréquence) ou doivent amener à des rééquilibrages dans le reste du repas ou la journée/semaine alimentaire.
Donc ce n’est pas parce qu’un aliment est traditionnel, rattaché au terroir, produit selon un savoir-faire souvent ancestral et qu’il fait partie du patrimoine culinaire (des notions importantes sur lesquelles les producteurs peuvent communiquer) qu’il faut refuser aux consommateurs la trans­parence nutritionnelle et donc afficher le Nutri-Score. En effet, les labels AOP/IGP n’intègrent pas dans leur définition, et donc dans leur attribution, la notion de « qualité nutritionnelle » (ce n’est pas leur rôle). Il est donc faux de laisser entendre que le fait d’afficher ces labels conférerait à ces produits alimentaires une qualité nutritionnelle qu’ils n’ont pas. Même avec un label AOP ou IGP, un Label rouge, ou le fait d’être bio, les charcuteries ou les fromages restent riches en acides gras, en sel et en calories. Faire partie du patrimoine gastronomique régional n’a rien à voir avec le fait d’avoir une qualité nutritionnelle favorable à la santé. Ces aliments comme tous les autres doivent donc également jouer le jeu de la transparence nutritionnelle et ne peuvent être exemptés de l’affichage du Nutri-­Score, qui doit venir en complément des labels reflétant d’autres qualités des produits. En revanche, l’affichage du Nutri-­Score aux côtés des labels d’origine est tout à fait cohérent avec le concept de « consommer moins mais mieux »… Pour un même budget, s’il faut finalement limiter sa consommation comme l’indique Nutri-­Score, ces autres labels permettent d’orienter les choix dans ces catégories vers des produits qualitatifs, locaux, artisanaux. Bien évidemment, rien n’empêche de communiquer sur le fait que, parmi les fromages, il est intéressant de privilégier ceux qui sont AOP ou IGP par rapport à ceux qui ne le sont pas, mais pas en occultant la réalité de leur composition nutritionnelle. Il est préférable de promouvoir la notion de « consommer moins mais mieux ».

« Nutri-Score ne tient pas compte de l’ultratransformation, des additifs… »

Parmi les faux arguments avancés par les opposants à Nutri-Score revient souvent la notion qu’il n’intègre pas dans son calcul le degré d’ultratransformation (et la présence des additifs qui lui sont associés). En ­réalité, l’ultratransformation et la composition nutritionnelle sont deux dimensions différentes des ­aliments qui ont, chacune, la capacité de retentir sur la santé des individus par des mécanismes différents. C’est pour cela que, comme pour tous les autres logos nutritionnels, Nutri-­Score renseigne uniquement sur la composition/qualité nutritionnelle des aliments, et n’intègre pas dans son calcul les autres facteurs influençant la santé : ultratransformation, présence d’additifs, de composés néotransformés ou de résidus de ­pesticides. Aussi importants soient-ils, ces éléments ne sont intégrés dans aucun logo nutritionnel dans le monde, car il n’est pas possible de les prendre en compte dans le calcul d’un indicateur unique et donc de les agréger dans un même logo. On ne peut donc (hélas) demander à un logo de synthétiser à lui seul ces différentes composantes même si ce serait, à l’évidence, le rêve de tout scientifique du domaine de la nutrition de santé publique. Ce n’est pas par hasard, et sûrement pas par incompétence, qu’aucune équipe de recherche dans le monde, aucune structure de santé publique, aucun comité d’experts ­national ou international, ni même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pu concevoir un tel indicateur synthétique. C’est une limite des logos nutritionnels qu’il faut accepter.
En revanche, la notion d’aliments ultratransformés est également une information importante qui doit faire l’objet d’une communication spécifique complémentaire à celle des logos, qui ne renseignent que sur la dimension nutritionnelle. Il faut donc admettre que des informations complémentaires sur les aliments (Nutri-­Score, aliments ultratrans­formés, aliment bio) soient fournies graphiquement aux consommateurs de façon séparée avec une communication adaptée.
Bien que Nutri-Score se concentre uniquement sur l’information nutritionnelle des consommateurs, cela représente déjà beaucoup en matière de santé publique, comme le rappellent les études de cohorte pros­pectives (dont certaines portent sur plus de 500 000 personnes suivies pendant plus de 15 ans), qui montrent au niveau individuel que consommer des aliments bien classés par Nutri-Score est associé à une plus faible mortalité et à un moindre risque de développer des maladies chroniques : cancers, maladies cardiovasculaires, obésité…2, 3
Bien évidemment, laisser entendre que Nutri-Score favorise les produits ultratransformés et finalement nuirait à la santé relève totalement de la désinformation !

« Nutri-Score est calculé pour 100 g et non par portion »

Un autre argument mis en avant par les lobbies pour discréditer Nutri-­Score est le fait qu’il soit calculé pour 100 g alors qu’on ne mange pas 100 g de fromage, 100 g de saucisson, 100 g de mayonnaise ou 100 g de pâte à tartiner… Mais ce choix s’explique simplement : les données sur la compo­sition nutritionnelle des aliments accessibles et donc utilisables pour construire un logo nutritionnel quel qu’il soit sont celles présentes dans le tableau nutritionnel obligatoire situé sur la face arrière des emballages. Ce tableau est défini par la réglementation européenne. Or ces données sont toujours présentées pour 100 g (ou 100 mL). En effet, définir des tailles de portion est impossible car elles devraient être adaptées selon les besoins énergétiques qui diffèrent en fonction de l’âge, du sexe, de la période de croissance pour les enfants, de la grossesse, de l’activité physique... Comme les tailles des ­portions ne sont pas standardisées, lorsqu’elles figurent dans le tableau nutritionnel, à côté des données pour 100 g, elles sont fixées par les fabricants eux-mêmes. Ceux-ci les définissent très souvent bien en dessous des parts réellement consommées, ce qui comporte un risque de manipulations : il suffit aux industriels de fixer de petites tailles de portion pour réduire artificiellement aux yeux du consommateur les quantités de gras, de sucre ou de sel. De la même façon que les fabricants de céréales pour le petit déjeuner suggèrent des portions de 30 g, alors qu’il est constaté que la majorité des adolescents consomment 60 ou 80 g par portion, pour les fromages les rares fabricants qui affichent une portion proposent généralement 30 g, ce qui est peu, ­notamment pour les grands amateurs de cet aliment.
Pour comparer des produits entre eux, il est en effet nécessaire de se rapporter à une valeur de référence. Par exemple, lorsque l’on compare les prix des produits alimentaires, on se réfère systématiquement au prix au kilo, justement pour s’affranchir des aléas liés au poids de chaque ­présentation. Alors même qu’on ne consomme pas systématiquement 1 kg d’un produit alimentaire… En ce qui concerne la qualité nutritionnelle, la prise en compte d’une quantité standard, telle que 100 g, est le meilleur choix pour procéder à une comparaison valide entre les aliments sans induire d’erreur d’estimation. Ce dénominateur commun permet ainsi de comparer 100 ml d’huile d’olive à 100 ml d’une autre huile ; 100 g de céréales du petit déjeuner à 100 g d’autres céréales ; 100 g d’une pizza à 100 g d’une autre pizza ; 100 g d’emmental à 100 g de maroilles, de roquefort ou de mozzarella…

« L’huile d’olive est moins bien classée que des céréales pour le petit déjeuner, or l’huile d’olive est bien plus saine… Idem pour la comparaison du saumon fumé et des frites ! »

Encore une des fake news largement relayées. Elle compare ce qui n’est pas comparable. Il faut garder à l’esprit que la finalité d’un logo nutritionnel comme Nutri-Score n’est pas de classer les aliments en « aliments sains » ou « aliments non sains », en valeur absolue, comme le ferait un logo binaire (bien vs mal), ce qui serait discutable. En effet, cette propriété est liée à la quantité consommée de l’aliment et la fréquence de sa consommation, mais également à l’équilibre alimentaire global des individus. L’équilibre nutritionnel ne se fait pas sur la consommation d’une prise alimentaire, ni même sur un repas ou sur un jour… Ces notions complexes ne peuvent, bien sûr, être résumées par un logo nutritionnel attribué à un produit spécifique d’une marque donnée…
La finalité du Nutri-Score est de fournir aux consommateurs une infor­mation, en valeur relative, qui leur permet, d’un simple coup d’œil, de pouvoir comparer la qualité nutritionnelle des aliments afin d’orienter leurs choix au moment de l’acte d’achat. Mais cette comparaison n’a d’intérêt que si elle est pertinente, notamment si elle porte sur des aliments que le consommateur est amené à comparer dans la vraie vie au moment de son acte d’achat ou de sa consommation. Il est très peu probable que le consommateur envisage de consommer de l’huile d’olive à son petit déjeuner, ni d’assaisonner sa salade avec des céréales ! En réalité, le consommateur a besoin de pouvoir comparer la qualité nutritionnelle des aliments qui ont une pertinence à se substituer entre eux et sont souvent dans les mêmes rayons de supermarchés ou à proximité les uns des autres. S’il souhaite choisir les éléments de son petit déjeuner, il est important, comme illustré dans la figure 1, qu’il puisse comparer des aliments de caté­gories différentes mais consommés à cette occasion, par exemple du pain de mie, des viennoiseries, des céréales ou des biscuits ; et, bien sûr, qu’il puisse avoir accès à des informations claires sur la qualité nutritionnelle au sein des grandes catégories ou en fonction des marques, pour pouvoir ainsi comparer différentes céréales pour le petit déjeuner entre elles par exemple, ou les différentes viennoiseries industrielles ou les pains de mie en fonction des marques…
Selon le type de céréales pour le petit déjeuner, il existe une très grande variabilité de qualité nutritionnelle avec des Nutri-Score allant de A à E selon le type de céréales ou selon les marques.
Si le consommateur souhaite choisir une huile, il les compare entre elles (ou éventuellement avec le beurre). Il peut alors constater que les huiles d’olive et de colza ont le meilleur score possible pour les matières grasses ajoutées et qu’il n’y a pas d’alternative A ou B (une huile, même d’olive ou de colza, c’est tout de même 100 % de matières grasses ; fig. 2).
L’autre élément de tromperie sous-jacent de ce type de comparaisons ­illégitimes repose sur le fait qu’elles jouent sur des stéréotypes en matière de croyance ou de perception des aliments.
L’image des frites (souvent liée à celle des fast-foods) est dans l’imaginaire populaire plutôt perçue comme négative sur le plan nutritionnel, alors que celle d’aliments « traditionnels » comme le roquefort, le jambon serrano ou les sardines (tout comme le saumon fumé) bénéficient d’une ­perception plutôt favorable. Pourtant, il suffit de regarder l’étiquette de l’aliment pour se rendre compte de la réalité de la composition nutritionnelle. Il est tout à fait normal que le roquefort ou le jambon serrano soient classés E compte tenu de leur richesse en graisses saturées et en sel. De même que le saumon fumé soit classé D, fait largement repris comme une critique du Nutri-­Score, est tout à fait « normal » compte tenu de sa richesse en sel (2,5 à 3,5 g de sel/100 g), à la ­différence du saumon frais, qui est ­classé A, ce qui n’est jamais indiqué dans les messages mettant en cause la classification du saumon fumé par Nutri-­Score.
Les critiques concernant les frites touchent à la fois à l’irrationnel (l’image négative des frites rattachée aux fast-foods) et là encore à l’incompréhension de la manière dont s’établit un logo nutritionnel et quel peut être son rôle. En effet, par définition, le Nutri-­Score (comme tous les autres logos nutritionnels) n’est qu’une traduction des valeurs nutritionnelles déclarées à l’arrière du paquet, qui se réfère aux aliments tels que vendus. Il est demandé au fabricant la transparence sur le produit qui est mis sur le marché, mais ce dernier ne peut tenir compte et/ou anticiper la variabilité des modes de préparation, d’utilisation ou de consommation pour son produit.
Par exemple, pour les frites surgelées, plusieurs modes de cuisson sont possibles, et l’utilisation d’une recette standardisée serait réductrice par rapport aux modes de consommation constatés dans la population. La cuisson au four des frites précuites surgelées (le plus souvent classées B par Nutri-Score) n’a pas d’impact sur la composition nutritionnelle, et le Nutri-­Score n’est pas modifié dans ce cas après cuisson (il reste B). En revanche, dans le cas des frites surgelées (non précuites) classées le plus souvent A par le Nutri-Score (ce sont simplement des pommes de terre épluchées et coupées), l’information sur le mode de cuisson est donnée sur les emballages et recommande une cuisson en friteuse. Dans ces conditions, le Nutri-Score passera, selon les huiles de cuisson (plus ou moins riches en acides gras saturés) à B ou au maximum à C. L’ajout de sel par la suite peut lui aussi impacter la note, mais ne peut raisonnablement pas être anticipé lors de l’achat du produit. Il apparaît donc nécessaire dans le cadre exclusif des aliments ne pouvant être consommés tels qu’achetés (telles que les frites surgelées non précuites), et pour lesquels est indiqué sur l’emballage un mode de cuisson spécifique et détaillé susceptible d’impacter le Nutri-­Score, que le fabricant alerte les consommateurs de la modification induite sur le Nutri-­Score. Il devrait préciser le Nutri-­Score du produit tel que vendu (correspondant aux éléments qui sont sur l’étiquetage nutritionnel) et ajouter une mention sur le score final, en donnant la lettre du Nutri-Score obtenue par le produit après cuisson selon les modalités recommandées sur l’emballage (pour les frites, la modification aboutit à passer à une classe supérieure du Nutri-Score après cuisson en friteuse).

Et bien d’autres…

Il existe, en fait, beaucoup d’autres fake news diffusées par les lobbies dont certaines sont incroyablement fantaisistes, voire complotistes : Nutri-­Score s’opposerait à l’alimentation méditerranéenne, aurait été créé pour pénaliser les produits made in Italy, assurerait la main-mise de l’Europe sur nos assiettes, serait créé par les grands industriels pour promouvoir la junk food
Malgré l’absurdité de ces arguments, qui, hélas, font parfois l’objet d’une instrumentalisation politique, des éléments de réponse et l’analyse de leurs mécanismes sont détaillés sur le blog : nutriscore.blog.

Un soutien scientifique européen

La crainte d’une l’obligation d’afficher Nutri-Score sur tous les aliments en Europe a ainsi fait émerger un nouveau discours des opposants qui s’appuie sur diverses fake news surfant sur des croyances populaires qu’ils détournent (« les aliments traditionnels sont obligatoirement favorables », « on ne mange pas 100 g des différents aliments », « les frites, c’est très gras », « le saumon fumé, c’est très bon pour la santé »…). Mais ce qui est frappant ­aujourd’hui, c’est que – au-delà des fake news qu’il contribue à disséminer, et de la non-prise en considération du soutien des associations de consommateurs (notamment le Bureau européen des unions de consommateurs [BEUC], qui regroupe 46 associations de consommateurs européennes) –, le discours des lobbies et de ceux qui le relaient nie totalement l’importance de la science qui sous-tend le Nutri-­Score. Notamment de très nombreuses études ont démontré son intérêt. Les lobbies ne respectent pas non plus le soutien de la communauté scientifique : 417 scientifiques européens et 30 associations d’experts de toute l’Europe ont signé un appel demandant à la Commission européenne d’adopter le Nutri-Score en tant que logo nutritionnel obligatoire pour l’Europe.5 Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’OMS, sur la base des données scientifiques disponibles, a souligné la supériorité du Nutri-Score par rapport aux autres logos nutritionnels et appelé à son adoption en Europe.6 En France, 42 sociétés savantes et associations de santé représentant des milliers d’experts et acteurs de santé publique ont apporté leur soutien au développement du ­Nutri-Score.7 Plus de 1 000 professionnels de santé français ont également lancé un appel pour lutter contre le lobbying visant à dénaturer Nutri-Score.8

Les infox auront-elles raison de l’utilisation du nutri-score au niveau européen ?

Les détracteurs du Nutri-Score affichent une négation totale de la science et de l’avis des scientifiques. Pire, on voit que les lobbies économiques et leurs relais politiques, tous sans compétence scientifique particulière, ne se gênent pas pour s’improviser nutritionnistes et s’exprimer sur des points relevant de la science afin de critiquer Nutri-Score. Ils se positionnent sur des questions que bien évidemment les scientifiques se sont déjà posées (sur les aliments ultratransformés, les additifs, les ­portions, les éléments à intégrer dans le calcul d’un logo…) et sur lesquelles ils ont établi leurs décisions, en s’appuyant sur des bases scientifiques (c’est leur métier !), afin de construire et valider Nutri-Score.
On assiste donc aujourd’hui à une nouvelle forme de lobbying dans laquelle les acteurs économiques et politiques se substituent sans complexe aux experts en santé publique et donnent leur avis sur ce que devrait être ou ne pas être un logo nutritionnel, mettant en cause les choix des scientifiques experts du domaine ! Et pourtant, seules les données scientifiques réelles émanant de vrais experts sans liens d’intérêts financiers devraient guider les décisions politiques dans le domaine de la santé publique… Alors quel sera le poids de ces lobbies économiques et politiques dans la décision finale de l’Union européenne par rapport à l’obligation d’afficher Nutri-­Score en Europe ? Et, s’ils ne bloquent pas la décision européenne, obtiendront-ils une exemption pour certains produits ? Dans quelques mois, nous pourrons savoir si les auto­rités politiques en France et en Europe choisiront la santé publique ou les intérêts économiques ! 

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Résumé

Le Nutri-Score est un logo d’information nutritionnelle adopté officiellement en France pour être apposé sur la face avant des emballages des aliments. Il est destiné à permettre aux consommateurs de comparer la qualité nutritionnelle des aliments et les aider à orienter leurs choix vers les alternatives de meilleure qualité nutritionnelle. Il s’agit d’un outil de santé publique fondé sur la science. Mais les lobbies agroalimentaires s’opposent à son déploiement et font circuler de nombreuses fake news visant à discréditer Nutri-Score. Ces fake news sont parfois reprises par des personnes de bonne foi qui ne connaissent pas suffisamment la problématique des logos nutritionnels ou par certains acteurs défendant des intérêts économiques ou parfois idéologiques. Cet article vise à démystifier quelques-unes de ces fake news largement relayées par les lobbies.