Malgré la hausse de la prévalence des syndromes dépressifs chez les jeunes, la pertinence d’un dépistage régulier en soins primaires est débattue, en raison du risque de surdiagnostics (et de surtraitement) dans cette classe d’âge. Une étude américaine a comparé l’efficacité, mais aussi la rentabilité, de quatre stratégies de dépistage…

Un dépistage universel de la dépression – c’est-à-dire réalisé de manière systématique chez tous les adolescents – n’est pas sans controverses : s’il peut aider à un meilleur repérage, il pourrait aussi entraîner des risques de surdiagnostics et surtraitements pour les patients et de dépenses en vain pour le système de santé.

C’est pourquoi des chercheurs américains ont voulu mesurer l’efficacité et la rentabilité économique d’un dépistage systématique, en soins primaires, de la dépression des adolescents sur une période de 10 ans. Pour ce faire, ils ont simulé une population hypothétique de 1 000 adolescents et jeunes adultes âgés initialement de 12 ans et suivis jusqu’à 22 ans. Des caractéristiques comme le sexe et l’origine ethnique ont été prises en compte.

Une simulation médico-économique a été réalisée sur cette cohorte hypothétique à partir de données et estimations issues d’autres travaux, notamment la prévalence de la dépression des adolescents aux États-Unis, les taux de rémission ou récidive, le risque suicidaire, le coût des différentes stratégies de dépistage (consultations, traitements, hospitalisations…), mais aussi les coûts indirects de la dépression adolescente, comme le temps consacré aux soins par les aidants adultes – aboutissant donc à une productivité économique réduite à l’échelle sociétale.

Les chercheurs ont comparé quatre stratégies :

  • un dépistage universel une fois par an (recommandation de la Société américaine de pédiatrie) ;
  • un dépistage universel une fois tous les deux ans ;
  • un dépistage universel unique à 12 ans  ;
  • les « soins standard », qui ont servi de comparateur, définis comme un taux de dépistage annuel de 20 % de la population concernée, suivie d’un taux de traitement d’environ un tiers des personnes dépistées.

Un taux de traitement de 90 % a été supposé dans les trois premières stratégies.

Dans cette cohorte hypothétique, en comparaison à la stratégie « soins standard » :

  • le dépistage annuel a permis d’éviter 44 000 jours supplémentaires de dépression ;
  • le dépistage biennal a permis d’éviter 26 400 jours supplémentaires de dépression ;
  • le dépistage unique à 12 ans a permis d’éviter 16 500 jours supplémentaires de dépression.

Ces gains ont été ensuite exprimés en années de vie pondérées par la qualité (QALYs pour quality-adjusted life years) – un indicateur médico-économique courant pour mesurer l’efficacité d’une intervention. Ainsi, par rapport aux soins standard, le dépistage systématique permettait de gagner entre 20 et 60 années de vie en bonne santé : plus précisément, 23, 34 et 57 QALYs respectivement pour le dépistage unique à 12 ans, biennal et annuel.

Enfin, les coûts supplémentaires d’un dépistage systématique annuel par rapport aux soins standard étaient estimés à 58 000 dollars américains par QALY gagné (ou 76 dollars par jour sans dépression gagné). Comme ce coût est inférieur au seuil 100 000 dollars par QALY couramment utilisé comme un seuil de rentabilité médico-économique, l’intervention était jugée rentable. Le dépistage s’est révélé plus coût-efficace pour les femmes et pour les personnes d’origine comme hispaniques ou d’autres origines ethniques.

Les auteurs en ont conclu qu’un dépistage systématique annuel en soins primaires de la dépression adolescente a un bon rapport coût-efficacité. Ils suggèrent que cette stratégie pourrait devenir plus rentable encore en améliorant, bien sûr, l’accès aux thérapies validées. De futures études pourraient aussi déterminer si des facteurs telles que le sexe, l’orientation sexuelle, les comorbidités ou le niveau socioéconomique peuvent améliorer ces résultats.

Pour en savoir plus
Doan TT, Hutton DW, Wright DR. Cost-Effectiveness of Universal Routine Depression Screening for Adolescents in Primary Care. JAMA Health Forum 2025;6(5):e250711.

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