Le rôle de l’alimentation dans les troubles psychiatriques – par des mécanismes divers – est de plus en plus documenté. Quels sont les aliments et les supplémentations qui ont fait leurs preuves et que recommander aux patients en pratique ? Le point avec le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l’AP-HM.

L’effet de l’alimentation sur le fonctionnement du cerveau et la survenue des pathologies psychiatriques est de mieux en mieux connu et étayé par les études. Toutefois des recommandations alimentaires précises ne figurent pas encore dans les recommandations françaises sur la prise en charge de la dépression (2019) – qui soulignent en revanche la place primordiale d’autres interventions hygiénodiététiques comme l’activité physique. Que sait-on aujourd’hui et comment appliquer ces connaissances en pratique quotidienne ?

Quelles sont les données ?

L’axe intestin-cerveau a fait l’objet de nombreux travaux ces dernières années, suggérant que des perturbations au niveau intestinal augmentent le risque de dépression, selon des mécanismes complexes et nombreux  : modulation des voies impliquées dans l’inflammation, stress oxydatif, microbiote intestinal, métabolisme du tryptophane (précurseur de la sérotonine), influence sur le système immunitaire, etc. Le rôle du microbiote intestinal, par exemple, est pointé dans des études sur des modèles animaux ; chez l’être humain aussi, des études observationnelles ont relevé une composition moins diverse du microbiote des patients ayant des troubles psychiatriques par rapport aux sujets contrôles sains.

Le lien entre l’alimentation et le risque de dépression a été montré dans des études observationnelles : alimentation inflammatoire-occidentale associée à un risque accru de dépression (méta-analyse de 20 études) ; alimentation méditerranéenne associée à une diminution de 33 % du risque de dépression (méta-analyse de 40 études) ; rôle protecteur d’une alimentation « saine » – riche en fruits, légumes, céréales complètes… – même chez les personnes ayant un risque génétique de dépression (étude avec randomisation mendélienne sur la cohorte UK BioBank), entre autres…

Certains nutriments particuliers ont même montré une efficacité contre les symptômes dépressifs en tant que traitement adjuvant, dans des méta-analyses d’essais randomisés : notamment les oméga- 3 sous forme d’EPA (environ 2 g/j), mais aussi le méthylfolate (15 mg/j) ou encore la vitamine D (50 000 UI/semaine).

Que faire en pratique ?

Les règles hygiénodiététiques à prescrire en première ligne dans le traitement de la dépression doivent inclure les recommandations nutritionnelles aussi bien que les conseils d’activité physique. Ainsi, un antidépresseur ne devrait plus être prescrit de façon isolée – d’autant plus que les réponses à ces derniers sont très hétérogènes selon les patients.

Le régime méditerranéen – riche en légumes, légumineuses, huiles d’olive, de colza, de lin, un peu de viande et de poisson… – doit être conseillé à ces patients, compte tenu des données de la littérature (efficace en curatif et en prévention), de même que la limitation des aliments pro-inflammatoires tels que sucres rapides et graisses saturées et l’évitement de produits ultratransformés. Les régimes « flexitarien » et DASH (conseillé en cas d’HTA), qui sont similaires à l’alimentation méditerranéenne, sont aussi bénéfiques pour la santé mentale.

Il est certes difficile de motiver un patient ayant une dépression à adopter ces changements comportementaux de façon durable : pour contourner cet obstacle, il est utile d’insister plutôt sur ce qu’on peut « augmenter » (ajout d’aliments sains) plutôt que sur les restrictions, et de célébrer chaque changement et chaque « petit pas ».

Quant aux compléments alimentaires, des recommandations internationales (2022) pointent l’efficacité, en tant que traitement adjuvant – et toujours associées aux changements de mode de vie – de :

  • la supplémentation en acides gras oméga 3 (niveau de preuves : +++) : 1 à 2 grammes/jour d’EPA ou d’EPA-DHA ; particulièrement intéressante car l’alimentation permet difficilement d’atteindre les apports recommandés (250 mg/j de DHA et 250 mg/j d’EPA) puisqu’il faut limiter les poissons gras à 1 fois/semaine ;
  • le zinc (++) : environ 5 - 10 mg/j (attention aux surdosages…)
  • le méthylfolate (++) : 15 mg/j
  • la vitamine D (+) : 1 500 UI/j (pouvant monter jusqu’à 4 000 UI/j) ; intéressant aussi car la grande majorité des personnes en France sont carencées pendant l’hiver ;
  • les probiotiques peuvent être intéressants, mais les souches les plus pertinentes en cas de dépression n’ont pas été bien déterminées.

D’après
Fond G. Hygiénodiététique et psychiatrie. JNMG 10 octobre 2024.

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