Le terme de dermatoses professionnelles regroupe les dermatoses provoquées par l’activité professionnelle et celles aggravées par le travail.

Les dermatoses professionnelles sont la première cause de maladies liées au travail,1,2 au premier rang desquelles les dermites de contact.1 Ces dernières se manifestent le plus souvent sous la forme d’un eczéma2,3 et sont très fréquemment d’origine irritative (dermite irritative de contact dans 70 à 80 % des cas).1,4 Elles peuvent également être d’origine allergique : dermite allergique de contact dans 30 à 40 % des cas, ou plus rarement urticaire de contact (5 %) et dermatite de contact aux protéines.2 Les dermatoses de contact professionnelles concernent dans 80 à 90 % des cas les mains ou parfois les parties découvertes (visage, décolleté…).4,5 

Il existe d’autres dermatoses professionnelles plus rares, qui ne sont pas évoquées ici : cancers cutanés (deuxième cause de dermatose professionnelle), éruptions acnéiformes, infections cutanées…6 

Physiopathologie des dermatoses  professionnelles 

Dermite irritative de contact

La dermite irritative de contact est une affection inflammatoire de la peau d’origine non allergique faisant suite à des contacts répétés et prolongés avec des irritants (fig. 1).7 Elle peut survenir dès la première exposition à un irritant fort. Le plus souvent, elle apparaît après des expositions répétées à des irritants faibles.1,6,8 Dans un contexte professionnel, les patients sont souvent exposés à plusieurs substances de façon simultanée. Une fois la barrière cutanée altérée, l’inflammation est entretenue, y compris au contact de produits auparavant tolérés.6 Les principaux irritants en milieu professionnel sont l’eau, le savon, les détergents, les désinfectants, les acides, les alcalins, les solvants, les frottements…1,4,7 

Dermite allergique de contact

La dermite allergique de contact est une réaction d’hypersensibilité retardée de type IV cytotoxique, nécessitant une phase de sensibilisation préalable à l’allergène, le plus souvent via un haptène. La réaction d’eczéma de contact survient alors classiquement dans les quarante-huit heures suivant le nouveau contact avec l’allergène. Les allergènes les plus courants en milieu professionnel sont les métaux (nickel, chrome, cobalt), les résines (époxys, méthacrylates), les conservateurs (isothiazolinones, libérateurs de formol…), les parfums, les agents de vulcanisation des caoutchoucs naturels et synthétiques.1 - 4 

Des allergènes émergents continuent cependant d’être identifiés. Les principaux secteurs d’activité concernés et les allergènes correspondants sont résumés dans le tableau 1.

Urticaire de contact

L’urticaire de contact est une réaction immédiate d’hypersensibilité de type I, médiée par l’immunoglobuline E (IgE) ou par activation directe des mastocytes lors du contact avec la substance incriminée. Dans de rares cas, une anaphylaxie peut survenir.8 

Les principales substances responsables de l’urticaire de contact en milieu professionnel sont les protéines d’origine végétale (latex, aliments, farine) ou animale (phanères d’animaux, viande, poisson…), plus rarement les produits chimiques (médicaments, parfums, cosmétiques).2,8  

Dermatite de contact aux protéines

La physiologie de la dermatite de contact aux protéines est encore incomplètement élucidée, avec des composantes d’hypersensibilité de types I (immédiate) et IV (retardée).8 

Les principales protéines responsables sont végétales (fruits, légumes, épices, plantes, farines, céréales, latex), animales (viande, poisson crustacés, phanères…) et les enzymes.8,9 

Facteurs de risque principalement liés à la profession

Les facteurs de risque des dermatoses professionnelles de contact sont ceux :

  • liés à l’activité professionnelle (importance de l’exposition [fréquence, durée], travail en milieu humide ;
  • liés au patient (terrain atopique [dermatite atopique ; une méta-analyse récente a révélé que les autres maladies atopiques ne semblaient pas augmenter significativement le risque de dermatose professionnelle de contact]).5 

Le travail en milieu humide se définit par le fait d’avoir les mains dans l’eau plus de deux heures par jour, de porter des gants plus de deux heures par jour, ou de se laver fréquemment les mains (plus de 20 fois par jour) ;6,8,10 il favorise l’apparition des dermites irritatives de contact.7 

Lorsque la dermite irritative de contact est installée, la barrière cutanée est altérée, ce qui favorise la pénétration des allergènes et la survenue secondaire d’un eczéma allergique de contact. 

Diagnostic : une véritable enquête !

Le diagnostic de dermatose de contact professionnelle repose en premier lieu sur l’anamnèse et la clinique, puis sur les résultats des tests allergologiques réalisés secondairement.

Anamnèse et clinique d’abord

L’anamnèse doit préciser les antécédents personnels du patient, ses activités professionnelles et personnelles, la description du poste et des produits manipulés, ainsi que les moyens de protection utilisés.3 La recherche d’un rythme professionnel et d’un possible déclencheur est indispensable (avant ou après le début de l’activité professionnelle, changement de poste ou de produit manipulé). La topographie initiale, l’évolution des lésions, l’existence de lésions similaires chez des collègues peuvent également orienter l’enquête.

L’examen clinique doit s’intéresser à tout le tégument. Les mains sont le plus fréquemment atteintes (fig. 1 et 2), les autres localisations principales sont les poignets, les avant-bras, le visage et les paupières. Il est souvent difficile de distinguer cliniquement une dermite irritative d’une dermite allergique de contact ; les différences entre ces deux entités sont résumées dans le tableau 2. 

Le mode d’exposition est le plus souvent direct lors de la manipulation (mains surtout), parfois par projections (bras, visage…), par voie aéroportée (visage et paupières : aérosols, poudres, vapeurs…) ou par contact manuporté (substance véhiculée par les mains ou contenue dans les gants, en contact indirect avec d’autres parties du corps, essentiellement le visage et les paupières) ou mixte. 

En cas d’allergie, l’eczéma peut secondairement s’étendre à d’autres régions du corps, voire se généraliser. 

Les dermatoses professionnelles disparaissent habituellement lors des congés. Mais les symptômes peuvent persister même après l’arrêt de l’exposition à l’allergène ou à l’irritant. Ils ont tendance à s’aggraver avec le temps si le contact est répété ou constant.

Bilan allergique ensuite

Tout eczéma chronique des mains doit faire réaliser un bilan allergologique en milieu spécialisé avec utilisation de patch-tests (ou tests épicutanés). Les substances testées sont regroupées sous forme de batteries, adaptées en fonction des contacts identifiés et/ou des allergènes suspectés.3 La batterie standard européenne, regroupant les allergènes les plus fréquents, est testée systématiquement, associée si besoin aux batteries spécifiques à réaliser dans des centres centres spécialisés. Des tests avec les produits manipulés par les patients dont la composition est connue peuvent également être faits, d’où l’intérêt de récupérer la fiche de sécurité des produits. En cas de positivité, il convient d’évaluer la cohérence clinique avant de conclure à un eczéma allergique de contact.

La clinique de la dermite de contact aux protéines est particulière, avec une atteinte initialement urticarienne, parfois œdémateuse immédiate au contact de l’allergène ; elle évolue vers un eczéma chronique, avec des exacerbations aiguës, quelques minutes après le contact avec la protéine causale.6 Les mains sont les plus souvent atteintes. Le diagnostic est obtenu, comme pour l’urticaire de contact, après réalisation de prick-tests, éventuellement complétés par un dosage spécifique d’IgE.9 

Prise en charge : prévention et éviction suffisantes ?

Le port des protections individuelles (gants, tabliers…) est une mesure souvent insuffisante.4  

L’éviction des allergènes identifiés et des irritants est une priorité. Cela peut passer par la substitution du produit incriminé ou par une adaptation du poste, en lien avec la médecine du travail.7 Parfois, une reconversion professionnelle est nécessaire.1  

Malgré l’éviction, la dermatose peut persister et doit être traitée. En première intention, des dermocorticoïdes de force adaptée sont appliqués sur les lésions le soir, associés à des émollients pluriquotidiens sur les zones atteintes.

D’autres traitements spécialisés de deuxième ligne, topiques (tacrolimus) ou systémiques (photothérapie, rétinoïdes, immunosuppresseurs, biothérapies…) peuvent être indiqués.4,8 

Pour les lésions d’urticaire, les anti-histaminiques sont le traitement de première intention.

Démarches de reconnaissance en maladie professionnelle 

Les patients salariés peuvent bénéficier d’une reconnaissance en maladie professionnelle si les critères des tableaux de maladies professionnelles sont respectés.

La déclaration en maladie professionnelle est effectuée par le patient auprès de sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Elle est appuyée par un certificat médical initial descriptif rédigé par le médecin ayant constaté la maladie. Si la dermatose et la substance incriminée sont inscrites dans un tableau de maladie professionnelle, avec un délai de prise en charge respecté, l’origine professionnelle est présumée (par exemple, tableau n° 65 du régime général : lésions eczématiformes de mécanisme allergique). Si l’une des conditions n’est pas remplie, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles est saisi par la CPAM pour donner un avis, après consultation du dossier, et établir un lien entre la maladie et le travail du salarié.

Après réception du dossier complet, la CPAM informe l’assuré de la reconnaissance ou non en maladie professionnelle dans un délai de quatre mois.

L’indemnisation comprend des prestations en nature (soins gratuits sans avance de frais), des prestations en espèces (indemnités journalières majorées en cas d’arrêt de travail prolongé), la protection de l’emploi (obligation renforcée pour l’employeur d’aménagement de poste ou de reclassement), des conditions particulières en cas de licenciement (indemnités doublées en cas d’inaptitude médicale prononcée par le médecin du travail au titre de la maladie professionnelle). 

Encadre

Que dire à vos patients ? 

La prévention des dermites de contact professionnelles passe par la réduction des contacts cutanés avec les irritants et les allergènes.

Le port d’équipements de protection adaptés est indispensable.

Lorsque l’allergie est confirmée, l’éviction doit être stricte, pour permettre une amélioration de la dermatose.

En cas de dermatose professionnelle, le médecin du travail est un acteur essentiel pour le maintien dans l’emploi.

Références 
1. Holness DL. Occupational Dermatosis. Curr Allergy Asthma Rep 2019;19(9):42. 
2. Crepy M, Rosenberg N. Dossier INRS. Allergies en milieu professionnel (extrait du site www.inrs.fr), 2009. 
3. Chu C, Marks JG, Flamm A. Occupational Contact Dermatitis. Dermatol Clin 2020;38(3):339‑49. 
4. Lampel HP, Powell HB. Occupational and Hand Dermatitis: A Practical Approach. Clin Rev Allergy Immunol 2019;56(1):60‑71. 
5. Schütte MG, Tamminga SJ, De Groene GJ, et al. Work-related and personal risk factors for occupational contact dermatitis: A systematic review of the literature with meta-analysis. Contact Dermatitis 2023;88(3):171‑87.
6. Crepy M, Nosbaum, A, Bensefa-Colas. Dermatoses professionnelles. EMC - Pathologie professionnelle et de l’environnement 2013;8(4).
7. Jacobsen G, Rasmussen K, Bregnhøj A, et al. Causes of irritant contact dermatitis after occupational skin exposure: a systematic review. Int Arch Occup Environ Health 2022;95(1):35‑65.
8. Karagounis TK, Cohen DE. Occupational Hand Dermatitis. Curr Allergy Asthma Rep 2023;23(4):201‑12. 
9. Goossens A. Dermatite de contact aux protéines. Rev Fr Allergol 2009;49(3):125‑8.
10. Hamnerius N, Svedman C, Bergendorff O, et al. Wet work exposure and hand eczema among healthcare workers: A cross-sectional study. Br J Dermatol 2018;178(2):452‑61.

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essentiel

Une dermatose chronique des mains doit faire rechercher une origine professionnelle.

Les dermatoses professionnelles les plus fréquentes sont les dermatoses de contact. Il peut être difficile de différencier cliniquement une dermite irritative d’une dermite allergique de contact.

Les dermites irritatives favorisent l’apparition des dermites allergiques.

Les professionnels les plus exposés sont ceux de la coiffure, de l’onglerie, de la santé, de l’alimentation, du BTP et du nettoyage.

Le travail en milieu humide et l’atopie sont des facteurs de risque de dermatose professionnelle.

Le diagnostic de dermatose de contact doit être précoce afin de permettre une prise en charge médicale et sociale rapide.