Le décret est paru au Journal officiel : depuis le 1er novembre 2024, la prise en charge de certains produits de santé est conditionnée à la justification, par le médecin, que leur prescription respecte les indications remboursables ou les recommandations de la HAS. Que faut-il savoir en pratique sur cette mesure déjà critiquée par plusieurs syndicats de médecins ?

Applicable depuis le 1er novembre, cette disposition a été prise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Le décret n° 2024 - 968 du 30 octobre stipule ainsi que, pour ouvrir le droit au remboursement d’un produit de santé, le prescripteur doit renseigner les « éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription », soit sur l’ordonnance soit sur un document joint présenté au pharmacien et transmis à la caisse d’assurance maladie dont relève le patient. Le même esprit animait l’article 16 du PLFSS pour 2025 (avec une extension aux actes de biologie, d’imagerie et les transports), qui a pourtant été repoussé par les députés lors de l’examen du texte lundi 4 octobre.

Le principe n’est pas nouveau :l’article L. 162 - 19 - 1 du Code de la sécurité sociale précisait déjà, avant cette modification, que la prise en charge par l’Assurance maladie d’un produit de santé pouvait être subordonnée au renseignement, par le prescripteur, sur l’ordonnance ou un formulaire joint, de ces mêmes justifications quant à la pertinence de l’indication, lorsque le produit a « un intérêt particulier pour la santé publique, un impact financier pour les dépenses d’assurance maladie ou un risque de mésusage ». Toutefois, il n’existait aucun produit soumis aux exigences de cet article, d’après la Fédération des médecins de France.

Le nouveau décret ajoute que, lorsque ces éléments n’ont pas été portés sur l’ordonnance, le prescripteur doit y joindre un document indiquant si la prescription respecte les indications ouvrant droit au remboursement ou les recommandations de la HAS (article R161 - 45). Un téléservice sur AmeliPro y sera dédié.

Quelles implications pour la pratique ?

Contactée par La Revue du Praticien, la Caisse nationale d’assurance maladie a précisé que :

  • Il s’agira d’un formulaire en ligne en 3 questions à renseigner « concomitamment à la prescription du médicament […], permettant de guider le prescripteur pour vérifier les critères clés et s’assurer que le médicament est bien prescrit dans son indication thérapeutique remboursable (ITR)  ». Ce justificatif doit ensuite être imprimé et remis au patient en même temps que l’ordonnance pour présentation au pharmacien afin que le médicament soit pris en charge.
  • Pour l’entrée en vigueur de ce dispositif, qui se fera avant la fin de l’année 2024 sur Amelipro, c’est la prescription initiale des agonistes du GLP- 1 qui est visée (sémaglutide [Ozempic], dulaglutide [Trulicity], liraglutide [Victoza], exénatide [Byetta]) pour « éviter le mésusage de ces molécules et garantir leur disponibilité pour les patients diabétiques ».

D’autres produits de santé pour lesquels sont observés « du mésusage, du sur-recours ou du gaspillage » pourraient être aussi concernés à l’avenir, selon la Cnam.

Une mesure critiquée par les médecins

Le syndicat UFMLS a dénoncé un décret « méprisant et déconnecté de la réalité du terrain » qui aggravera la surcharge de travail administratif « injustifiée et chronophage » des médecins.

Le syndicat MG France, quant à lui, a déclaré qu’il demanderait à la ministre de la Santé de « corriger cette erreur profonde » aux conséquences délétères pour l’accès aux soins.

Pour la Fédération de médecins de France (FMF), cette mesure, destinée à « faire respecter le nouveau dada de l’Assurance maladie, les ITR ou indications thérapeutiques remboursables », ne vise qu’à faire des économies. En effet, le dispositif permet de repérer plus facilement les prescriptions non conformes aux ITR – qui sont parfois plus restreintes que les indications des AMM – pour faire en sorte qu’elles ne soient pas remboursées dans un premier temps (à l’heure actuelle, pour ces prescriptions, il faut noter NR [non remboursable] sur l’ordonnance, à défaut de quoi l’Assurance maladie se fait rembourser par la suite). La FMF rappelle donc qu’il n’est pas question de devoir indiquer pour chaque traitement son indication précise.

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