La cardiotoxicité liée à la chimiothérapie est en augmentation du fait, d’une part, du vieillissement de la population et, d’autre part, d’une meilleure efficacité du traitement anti­cancéreux. Les anthracyclines représentent la base du traitement dans de nombreux can­cers solides et hématologiques. Leur toxicité cardiaque aboutit à une cardiomyopathie hypokinétique. De nombreux traitements associés et/ou adjuvants favorisent l’atteinte cardiaque. Il en est de même de la radiothérapie associée. La fréquence dépend du type d’anthracyclines, de la dose et des facteurs de risque de cardiotoxicité des patients (anté­cédents et/ou des facteurs de risque cardio­vasculaires). Il est important de détecter pré­cocement cette cardiotoxicité afin de mettre en place un traitement efficace rapidement. En collaboration avec le groupe « insuffisance cardiaque et cardiomyopathie » de la Société française de cardiologie, un registre national d’évaluation de l’état cardiovasculaire des patients programmés pour une chimiothéra­pie aux anthracyclines associées ou non à un traitement par le trastuzumab a été mis en place. Cinq centres ont participé à l’étude (Grenoble, Marseille, Bordeaux, Lyon, Nice). Deux cent dix-huit patients ont été inclus (72 % femmes, âge moyen 66 ans). En ce qui concerne les antécédents cardiovasculaires, 9 % des patients avaient une coronaropathie, 7 % une insuffisance cardiaque, et 5 % des troubles du rythme. Pour les facteurs de risque cardio­vasculaires, 48 % des patients présentaient une HTA, 26 % une hypercholestérolémie, 26 % un diabète et 32 % un surpoids, voire une obésité. À l’échocardiographie, 4 % des patients avaient une fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) inférieure à 50 % et, sur le plan biologique, 10 % des patients avaient une valeur de la troponine supérieure à la limite supérieure du laboratoire. Ces ré­sultats soulignent l’intérêt de développer des centres d’oncocardiologie avec des équipes multidisciplinaires afin d’optimiser la prise en charge des patients nécessitant une chimio­thérapie potentiellement cardiotoxique.

Dr Pierre Gibelin, cardiologue, université Côte d’Azur, Nice, France

26 avril 2022