Riches en nutriments et avec un impact écologique relativement faible, les œufs ont pourtant mauvaise presse en raison de leur teneur élevée en cholestérol. Mais qu’en est-il vraiment ? Un essai randomisé australien a évalué l’effet de la consommation quotidienne d’œufs sur le LDL.

La molécule de cholestérol, produite aux 3/4 par le foie et fournie pour le quart restant par l’alimentation, est vitale pour les membranes cellulaires animales… mais point trop n’en faut. Un taux anormalement élevé de cholestérol LDL (ou « mauvais cholestérol ») est un facteur de risque majeur d’athérosclérose.

C’est à cause de sa teneur élevée en cholestérol (200 mg par œuf) que l’œuf a longtemps eu mauvaise presse. Le débat fait rage par méta-analyses interposées : certains travaux trouvent un lien entre consommation d’œufs et mortalité ou maladies cardiovasculaires, tandis que plusieursméta-analyses ne rapportent pas de telles associations. Par ailleurs, les études récentes montrent que la richesse de l’alimentation en AG saturés influence davantage le cholestérol plasmatique que la consommation de cholestérol alimentaire. De fait, la régulation homéostatique du cholestérol permet de maintenir constant le taux de cholestérol circulant, indépendamment du niveau des apports alimentaires chez les sujets sains . Cela pourrait réhabiliter la consommation régulière d’œufs – tout du moins chez les personnes en bonne santé. En effet, l’œuf a une grande valeur nutritionnelle : non transformé, pauvre en AG saturés, riche en bons lipides et protéines, en minéraux (sélénium, fer, iode, phosphore…) et vitamines (A, B2, B5, B12...).

Afin de déterminer l’effet d’une alimentation saine riche en cholestérol alimentaire (fourni par les œufs) et bas en AG saturés sur la concentration plasmatique de LDL, des chercheurs australiens ont mené un essai randomisé contrôlé comparant trois régimes alimentaires :

  • A : un régime contrôle, représentatif de l’Australie, riche en AG saturés (12 % de l’apport énergétique) et en cholestérol (600 mg/jour), avec 1 œuf/semaine ;
  • B : un régime faible en AG saturés (6 % de l’apport énergétique) et riche en cholestérol (600 mg/jour), avec 2 œufs/jours ;
  • C : un régime sans œufs riche en AG saturés (12 % de l’apport énergétique) et faible en cholestérol (300 mg/jour).
 

Les participants étaient sains, non-fumeurs, de 18 à 60 ans, avec une concentration plasmatique de LDL < 135,3 mg/dL. Les critères d’exclusion comportaient l’allergie à l’œuf et les personnes ayant consommé plus de 5 œufs/semaine le mois d’avant.

Les 61 participants à l’inclusion (59 % de femmes ; âge moyen (± écart-type) = 39 ± 12 ans ; IMC = 25,8 ± 5,9 ; LDL = 105,0 ± 22,7 mg/dL) ont été randomisés pour suivre six combinaisons de régimes (ABC, ACB, BAC, BCA, CAB, CBA). Chaque participant suivait les 3 régimes de manière successive. Lors de chaque régime (qui durait 5 semaines), trois consultations avec un diététicien étaient programmées. L’adhérence aux régimes était autodéclarée sur la base d’un questionnaire. Le critère de jugement principal était le taux de LDL à l’issue de chaque régime.

Les résultats sont parus dans The American Journal of Clinical Nutrition le 6 mai 2025. En tout, 48 participants sont allés au bout des trois régimes – suffisamment pour obtenir la puissance statistique souhaitée. Dans l’analyse en intention de traiter, les chercheurs trouvent que le régime avec œufs était associé à des niveaux de LDL significativement plus bas que le régime contrôle (103,6 ± 3,1 mg/dL vs 109,3 ± 3,1 mg/dL ; p = 0,02), tandis qu’aucune différence significative n’a été observée entre le régime contrôle et le régime sans œufs (107,7 ± 3,1 mg/dL ; p = 0,52). Au niveau individuel, une relation significative a été trouvée entre la consommation d’AG saturés et le niveau de LDL, mais pas entre la consommation de cholestérol et le LDL.

Pour les auteurs, ces résultats indiquent que les AG saturés et non le cholestérol alimentaire augmentent le LDL.« En comparaison d’une diète riche en AG saturés avec 1 œuf/semaine, consommer 2 œufs/jour dans le cadre d’un régime pauvre en AG saturés limite la concentration de LDL, ce qui pourrait réduire le risque de maladie cardiovasculaire », avancent les auteurs. Toutefois, cette analyse porte sur un échantillon de petite taille d’individus sains et sans suivi extérieur de l’adhérence au régime. Il faut également souligner que certains des auteurs ainsi que ce travail de recherche ont été financés par le Egg Nutrition Center , une branche de l’American Egg Board, programme fédéral américain de promotion subventionné par les producteurs d’œufs.

Que disent les recos ?

Si les avis divergent encore sur la quantité d’œufs qu’une personne saine peut manger sans augmenter son risque CV, un œuf par jour semble acceptable, voire 2 œufs par jour . Les guidelines des différents pays européens, variables, sont résumées ici. De récentes suggestions de nouvelles recommandations françaises, issues du réseau action climat et de la société française de nutrition et visant à mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, et donc à diminuer la consommation d’aliments d’origine animale, sont plus prudentes et proposent 30 g/jour maximum – soit 3 à 4 œufs par semaine. Ce sont ces mêmes repères alimentaires qui ont été récemment choisis par l’Anses concernant les régimes lacto-ovovégétariens. Cela correspond également à la consommation maximale recommandée pour les personnes diabétiques ou souffrant d’hypercholestérolémie . De leur côté, les repères alimentaires de 2017 du HCSP précisent qu’aucun argument scientifique ne permet d’établir un repère ou une limite de consommation particulière pour les œufs, et qu’ils peuvent donc être consommés dans la mesure où ils n’entravent pas l’atteinte des autres repères de consommation. C’est ce que suggère également une revue avec méta-analyse parue en janvier 2025, qui considère que la qualité des études liant consommation d’œufs et événements de santé demeure très faible, et ne permet toujours pas de fournir des preuves suffisantes pour restreindre leur consommation.

Références
Karter S, Hill AS, Yandell C, et al. Impact of dietary cholesterol from eggs and saturated fat on LDL cholesterol levels: a randomized cross-over study.  Am J Clin Nutr 2025;122(1):83-91.
Pour en savoir plus :
Société française de nutrition. Comment concilier nutrition et climat ? 25 février 2024.
Geiker NRW, Larsen ML, Dyerberg J, et al. Egg consumption, cardiovascular diseases and type 2 diabetes.  Eur J Clin Nutr 27 septembre 2017.
Dehghan M, Mente A, Rangarajan S, et al. Association of egg intake with blood lipids, cardiovascular disease, and mortality in 177,000 people in 50 countriesAm J Clin Nutr 2020;11(4):795-803.

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