Les gliomes de bas grade (tumeurs cérébrales lentement évolutives – sur plusieurs années – de l’adulte) génèrent des mécanismes de neuroplasticité (c’est-à-dire un remodelage des cartes neurosynaptiques) permettant une compensation fonctionnelle prolongée et donc entraînent peu de symptômes neurologiques. Une fois le seuil de neuroplasticité atteint, une crise d’épilepsie inaugurale révèle souvent la maladie. En l’absence de traitement, la tumeur se transforme inéluctablement en gliome de haut grade, ce qui engage le pronostic fonctionnel, puis vital, six à sept ans environ après le diagnostic. Les mécanismes précis et le moment de cette mutation restent à ce jour incompris, mais le volume tumoral est un élément important du pronostic, ce qui justifie le recours à une chirurgie précoce. Celle-ci permet des bons résultats en matière d’espérance de vie, au prix d’exérèses parfois itératives.Actuellement, un changement de paradigme a été introduit dans la pratique chirurgicale afin de prioriser la qualité de vie des patients : la résection est désormais réalisée selon des limites fonctionnelles et non plus selon les limites anatomiques de la tumeur, lesquelles sont en réalité indéfinissables. Autrement dit, l’exérèse est guidée non plus par l’imagerie oncologique mais par l’identification et le respect des structures cérébrales qui sont cruciales pour la fonction. La chirurgie éveillée permet une cartographie par stimulation électrique directe à la fois corticale et axonale pendant que le patient effectue un bilan neurocognitif tout au long de la résection. Il est ainsi possible de bénéficier d’une carte fonctionnelle individuelle des réseaux neuronaux impliqués dans le mouvement, le langage, la cognition (conscience visuo-spatiale, fonctions exécutives, attention...) et l’émotion. Si les stimulations électriques directes génèrent un trouble fonctionnel transitoire pendant la durée de la stimulation, avec récupération immédiate dès l’arrêt de cette dernière, cela signifie que la structure neurale doit être sauvegardée. Une réduction significative du taux de déficit postopératoire sévère permanent (type hémiplégie ou aphasie) a été observée (moins de 1 %), avec 94 % de retour au travail. Si une reprogression tumorale survient, une ou plusieurs chirurgies complémentaires peuvent être envisagées de la même façon.
Hugues Duff au, neurochirurgie, CHU de Montpellier, France
24 septembre 2024