La bronchiolite aiguë est une affection responsable de très nombreuses consultations aussi bien en médecine de ville qu’aux urgences hospitalières, mais également d’hospitalisations dans un contexte d’offre de soins de plus en plus tendue. Il apparaît ainsi essentiel de préciser les données cliniques permettant son diagnostic et l’évaluation de sa gravité, ainsi que la place très limitée des examens complémentaires. La prise en charge est symptomatique, centrée sur la désobstruction des voies aériennes supérieures et l’optimisation de l’alimentation ainsi que les conseils de surveillance et de prévention.

Éléments diagnostiques 

Un diagnostic résolument clinique

Quand l’évoquer ? 

La bronchiolite aiguë se caractérise chez le nourrisson par la survenue d’un épisode aigu de gêne respiratoire (toux, polypnée, signes de lutte), habituellement précédé d’une rhinite.1 Au vu de l’étiologie virale, un contage intrafamilial ou sur le lieu de garde est souvent retrouvé. Le virus respiratoire syncytial (VRS) est l’agent infectieux le plus souvent en cause, mais d’autres virus peuvent être incriminés. Le VRS est très contagieux et peut atteindre toutes les tranches d’âge avec des manifestations variables. Ainsi, même s’il existe un caractère épidémique saisonnier, le diagnostic peut être fait à tout moment de l’année, y compris en été. 

Le diagnostic repose sur l’observation d’une gêne respiratoire d’apparition progressive, accompagnée selon les cas de wheezing et/ou d’un frein, de polypnée et/ ou de signes de lutte respiratoire, avec à l’auscultation des sibilants et/ou des crépitants. La fréquence du diagnostic en période épidémique ne doit pas faire banaliser cette nécessaire analyse sémiologique, permettant d’écarter les diagnostics différentiels : hépatomégalie en cas d’insuffisance cardiaque, normalité de l’auscultation dans les dyspnées sine materia (anémie aiguë…). 

Les experts du groupe de travail de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2019 ont ciblé leurs recommandations au premier épisode aigu survenant avant l’âge de 12 mois. Pour rappel, la conférence de consensus de 2000 avait choisi la tranche d’âge de 1 à 24 mois. Le diagnostic de bronchiolite aiguë existe bien évidemment avant l’âge de 1 mois; c’est par ailleurs un critère de vulnérabilité, avec un risque de tableau sévère nécessitant un recours hospitalier (risque d’apnées). À noter qu’à cet âge, une attention particulière est portée sur l’éventualité d’un autre diagnostic (infection néonatale, insuffisance cardiaque…). 

Bronchiolite ou asthme ? 

La plupart des recommandations internationales sur la bronchiolite aiguë ciblent également le nourrisson âgé de moins de 1 an. En cas d’épisodes répétés (avec période nette de résolution des symptômes), et/ou après l’âge de 1an, il existe une probabilité plus forte qu’il s’agisse d’un tableau de dyspnée sifflante avec bronchoconstriction sur un terrain prédisposé, c’est-à-dire un asthme viro-induit.2 Ces deux entités partageant la même sémiologie (dyspnée expiratoire avec sibilants), on évoquera préférentiellement une crise d’asthme en cas de second épisode avec atopie personnelle ou familiale au 1er degré (notamment après 6-9 mois) et/ou en cas de survenue après l’âge de 1 an. Cibler le bon cadre nosologique rationnalise la stratégie thérapeutique, à savoir l’utilisation ou non des bronchodilatateurs de courte durée d’action. Ils sont justifiés en cas d’asthme (bronchospasme) avec une amélioration symptomatique attendue; ce qui n’est pas le cas lors d’un premier épisode de bronchiolite aiguë. Dans les situations intermédiaires précitées (second épisode chez un nourrisson atopique ou survenue après 1 an), seule une évaluation thérapeutique positive justifie leur pour suite.

Quelle check-list initiale ? 

Les recommandations ont proposé un ensemble de données anamnestiques et cliniques regroupées en critères de gravité et en critères de vulnérabilité reliés au terrain (tableau 1).3 Elles contribuent à apprécier le niveau de gravité de l’épisode de bronchiolite, et ainsi de guider le degré de prise en charge initiale et les modalités de surveillance adaptée, en sachant que l’évolution à court terme est assez imprévisible. 

Contrairement au consensus sur la bronchiolite aiguë de 2001 où une fréquence respiratoire (FR) ≥ 60/min était une indication d’hospitalisation, un nourrisson avec une FR entre 60 et 69/min (critère de gravité modérée) pourra être surveillé en ambulatoire, avec une vigilance accrue pendant les 48 premières heures au moyen d’une consultation quotidienne par un acteur de santé de premier recours (médecin, professionnel de PMI, kinésithérapeute…) avec une réévaluation médicale dans les 24 heures en présence de critère de vulnérabilité, dans les 48 heures dans les autres cas. À noter qu’un nourrisson d’âge < 2 mois avec une FR ≥ 60/min sera quant à lui hospitalisé systématiquement. Les formes légères de bronchiolite, prises en charge en ambulatoire, bénéficieront du même type de vigilance accrue en présence de critères de vulnérabilité (figure), en s’assurant de la bonne compréhension des parents quant aux éléments de surveillance. 

L’enjeu est donc de bien orienter les patients au sein du maillage ville-hôpital dont l’efficience repose avant tout sur la disponibilité des acteurs de premier recours et leur organisation, afin d’adapter la prise en charge au niveau de gravité (si besoin réévalué régulièrement) et ainsi éviter l’engorgement des services d’urgence et d’hospitalisation qui doivent être réactifs pour les cas les plus graves. 

Une place très limitée des examens complémentaires 

Cliché thoracique 

Un cliché thoracique de face n’est habituellement pas indiqué en cas de bronchiolite aiguë, y compris fébrile. Il est à discuter en cas de forme grave et/ou d’évolution inhabituelle, de doute avec un autre diagnostic, ou en cas de comorbidités. La mise en évidence d’une opacité peut témoigner d’un trouble de ventilation et/ou d’un foyer infectieux le plus souvent viral, ne justifiant que rarement une antibiothérapie ciblée. 

Identification du virus 

La recherche d’un virus par test de diagnostic rapide au cabinet médical ou par analyse PCR multiplex en milieu hospitalier n’est pas recommandée en pratique courante mais peut être effectuée dans le cadre d’études de surveillance épidémiologique. Dans certaines situations et en fonction de la période épidémique, l’identification virale peut argumenter des mesures spécifiques de prise en charge : surveillance plus rapprochée sur 2-4 jours (pour un nouveau-né avec rhinite VRS+), possible limitation d’examens complémentaires tels que l’examen du liquide céphalo-rachidien (pour un nouveau-né fébrile avec signes de bronchiolite et virus tel que VRS, adénovirus, métapneumovirus, influenzae, SARS-CoV-2), prescription d’un antiviral selon indications (grippe).

 Autres bilans 

Les autres examens biologiques ne sont habituellement pas indiqués. Leur prescription sera à discuter en cas de contexte infectieux prolongé (NFS-CRP), de signes digestifs associés ou de gravité de la bronchiolite en milieu hospitalier (ionogramme sanguin, gaz du sang), ou encore du terrain.

Principes thérapeutiques 

Une prise en charge symptomatique 

Désobstruction des voies aériennes supérieures 

Assurer la désobstruction des voies aériennes supérieures en cas de rhinite et de bronchiolite semble logique, d’autant que la respiration des jeunes nourrissons est principalement nasale. L’instillation nasale de sérum physiologique, telle que souvent proposée, a finalement été peu étudiée. Elle apparaît utile pour améliorer le confort respiratoire, les prises alimentaires et la qualité du sommeil. L’évaluation de la FR et de la SpO2 des jeunes nourrissons doit par ailleurs être faite après sa réalisation. La technique d’instillation nasale est à montrer aux familles.1 En milieu hospitalier, des aspirations nasopharyngées sont parfois pratiquées mais doivent être limitées et peu profondes en raison de leur caractère invasif et du risque d’effets indésirables. 

Fractionnement de l’alimentation 

Les difficultés alimentaires sont la conséquence de la détresse respiratoire en lien avec l’obstruction des voies aériennes supérieures et inférieures (essoufflement à la prise des tétées ou du biberon, toux parfois émétisante) et parfois d’une co-infection digestive durant les épidémies hivernales. Elles sont prédictives du risque d’hypoxie. Le maintien d’une hydratation ainsi que d’apports caloriques suffisants est nécessaire, particulièrement au cours d’une pathologie infectieuse respiratoire. Le fractionnement de l’alimentation habituelle est recommandé en première intention, sans épaississement du lait. Chez le bébé allaité, si le fractionnement des tétées est inefficace, le lait maternel peut être tiré par la mère (l’administration du lait tiré est conseillée par certains via une pipette afin de préserver l’allaitement, il convient cependant de ne pas faire couler le lait trop fort et de ne pas laisser de l’air dans la pipette en raison du risque de fausse-route). En cas de difficultés persistantes sur trois repas consécutifs, un recours hospitalier est nécessaire pour débuter une alimentation entérale continue ou discontinue. L’hydratation intraveineuse est réservée aux formes les plus sévères ou en cas d’échec de la nutrition entérale. 

Surveillance de l’évolution 

La transmission de conseils de surveillance aux familles en s’assurant de leur bonne compréhension (voir plus bas) ainsi que les réévaluations cliniques régulières adaptées aux critères de gravité et de vulnérabilité constituent le pilier du suivi d’une affection dont l’évolution peut être rapidement péjorative. Le retentissement de l’infection à VRS atteint son acmé habituellement dans les 48 premières heures après le début des signes respiratoires bas. Hors comorbidités, une attention particulière est portée au nourrisson d’âge < 2 mois. L’aide des réseaux ville-hôpital impliquant l’ensemble des acteurs de santé (médecins, kinésithérapeutes, personnels soignants de crèche et de PMI…) est essentielle. La période aiguë s’étale habituellement sur 7 à 10 jours. À moyen terme, il est important de s’assurer d’une normalisation complète des signes dans un délai maximal de 4 à 6 semaines. La persistance d’une polypnée de repos et/ou de signes de luttes, d’un wheezing et/ou d’une toux quotidienne, d’une auscultation anormale, nécessite une radiographie thoracique et un avis spécialisé pneumo-pédiatrique (diagnostic différentiel, bronchiolite oblitérante). 

Une absence de recommandations pour les autres mesures 

Kinésithérapie respiratoire

Le document de la HAS de 2019 n’a pas retenu d’indication à la kinésithérapie respiratoire en cas de bronchiolite aiguë, que ce soit en ambulatoire (manque de données) ou en hospitalisation (études ne la soutenant pas). Très relayée par les médias, cette «non-recommandation» a été l’occasion pour le groupe de travail de réaffirmer le besoin d’études de bonne qualité méthodologique mais aussi de souligner l’importance de l’implication des professionnels de santé (dont les kinésithérapeutes) dans la réévaluation et l’éducation thérapeutique des familles, comme souligné précédemment.1 

Traitements aérosolisés 

L’administration de bêta-2 mimétiques (salbutamol, terbutaline) n’est pas recommandée lors d’un premier épisode de bronchiolite aiguë avant l’âge de 12 mois, en raison de l’absence de données suffisantes sur les profils répondeurs (dépendant probablement de plusieurs paramètres : âge, atopie, environnement, gravité, présence de sibilants). En pratique, c’est l’appréciation du cadre nosologique probable qui va argumenter l’essai d’un bêta-2 mimétique, notamment lors d’un second épisode de dyspnée sifflante avant l’âge de 12 mois et/ou chez l’enfant plus âgé. La poursuite de sa prescription n’est justifiée qu’en cas d’effet positif. Sous forme nébulisée, ce traitement est susceptible d’entraîner une désaturation, le plus souvent transitoire. 

De même, les nébulisations de sérum salé hypertonique ou celles d’adrénaline ne sont pas retenues dans les recommandations françaises car elles n’ont pas prouvé leur efficacité dans plusieurs études.

Autres molécules 

Les corticoïdes systémiques ou inhalés, de même que l’azithromycine à visée anti-inflammatoire, ne sont pas indiqués. Les antibiotiques à visée anti-infectieuse, y compris en cas de fièvre et/ou d’opacité radiographique ne sont le plus souvent pas justifiés dans cette pathologie virale. Enfin, la prescription de médicaments antitussifs et de fluidifiants est contre-indiquée.

Communication auprès des parents

Pourquoi et comment expliquer la maladie ?

Si la plupart des parents ont entendu parler de la bronchiolite, ils n’ont en revanche aucune connaissance de sa cause, de ses mécanismes, des mesures de prévention, de surveillance et de prise en charge. Bien qu’elle soit récurrente et concerne près de 1 nourrisson sur 3, les familles s’avèrent légitimement inquiètes lorsque leur enfant en est atteint: jeune âge, difficultés respiratoires toujours anxiogènes, notamment les signes de lutte, absence de traitement curatif disponible. Elles consultent dès les premiers signes et s’étonnent souvent de la non-prescription de médicaments (antibiotique, salbutamol) ou de kinésithérapie respiratoire. Cette attitude fait écho à nos prises en charge médicales encore disparates, conséquence de recommandations non renouvelées pendant vingt ans et mal suivies, et de l’absence de traitement étiologique efficace.

Les mesures de prévention sont essentielles et doivent être expliquées dès la maternité et à chaque consultation des premiers mois de vie. La pandémie de SARS-CoV-2 a mis en lumière auprès de la population certaines mesures «de bon sens » envers un jeune nourrisson: se laver les mains avant/après contact avec l’enfant notamment en cas de fratrie, ne pas l’embrasser sur les joues ou les mains, limiter les visites et les lieux de contamination (transports en commun, magasins…), faire porter un masque et/ou éloigner les personnes ayant des signes d’infection respiratoire haute ou basse.

La physiopathologie est à expliquer simplement: «Le virus attaque la surface des petites bronches, qui produisent des sécrétions qui s’évacuent mal. Le responsable est un virus; les antibiotiques ne sont d’aucune efficacité; et malheureusement aucun remède spécifique n’existe. Les voies respiratoires étant bouchées par du mucus, la toux ainsi que les instillations nasales vont contribuer à dégager l’enfant; à la différence de l’asthme, les bronches ne sont pas resserrées: le salbutamol n’est donc pas utile. La principale conséquence est un essoufflement, avec des difficultés lors des repas; fractionner les prises peut aider l’enfant à s’alimenter suffisamment.»

Quels conseils de surveillance et de suivi donner ?

Lorsque l’état clinique du nourrisson permet une prise en charge ambulatoire, il convient d’expliquer aux familles le rationnel conduisant à cette conclusion, mais aussi le caractère possiblement évolutif à court terme (heures ou jours), les modalités prévues de réévaluation systématique, et surtout les signes devant conduire à reconsulter à tout moment. Cette démarche permet de mieux appréhender pour les parents une éventuelle orientation hospitalière après une aggravation symptomatique.

Les recommandations de 2019 ont proposé une fiche destinée aux parents synthétisant les signes requérant une nouvelle consultation. Voir un médecin si l’enfant est fatigué, moins réactif ou très agité; si sa respiration est devenue plus rapide, s’il devient gêné pour respirer ou qu’il creuse son thorax; s’il boit moins bien sur plusieurs repas consécutifs. Appeler le 15/112 si l’enfant fait des pauses respiratoires, si sa respiration devient lente ou qu’il reste très gêné pour respirer; s’il ne réagit plus, est très fatigué, geint; s’il devient tout bleu autour de la bouche, s’il fait un malaise.1 Une infographie est également disponible sur mpedia.org, le site d’information de l’Association française de pédiatrie ambulatoire.4 Une réévaluation avec le médecin de l’enfant est nécessaire à 1 mois de l’épisode afin de s’assurer de la normalisation de l’état clinique. Une toux légère peut être observée dans l’intervalle. 

CONCLUSION 

La bronchiolite est une maladie très fréquemment rencontrée chaque hiver par les nourrissons et donc par leurs médecins. Son diagnostic doit toutefois être argumenté avec rigueur pour chaque cas, afin de ne pas méconnaître une pathologie plus rare. L’évaluation de la gravité, fondée sur des critères anamnestiques et cliniques, est essentielle pour décider de l’orientation et des modalités de suivi (tableau 2). Tous les soignants de première ligne ont un rôle de pédagogie indispensable auprès des familles. 

Cet article fait partie d'un supplément ayant bénéficié du soutien strictement institutionnel de Sanofi, sans intervention de leur part dans l’élaboration du sommaire, le choix des auteurs et la rédaction des articles.

Les auteurs remercient les Drs Kochert et Mazenq pour leur amicale relecture du manuscrit. 

  

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Ressources complémentaires 

 

Synthèse 

Résumé

La bronchiolite aiguë est une affection très courante chez le nourrisson. Son impact chaque année sur les consultations de ville et le recours aux urgences hospitalières est majeur. L’analyse des données cliniques permet de confirmer aisément le diagnostic et d’apprécier la gravité au moment de l’évaluation, conditionnant la suite de la prise en charge. Dans tous les cas, des conseils simples de surveillance devront être donnés aux familles compte tenu de l’évolution potentiellement rapide des signes, notamment chez les plus jeunes nourrissons et ceux présentant des critères de vulnérabilité.