La France consacre 11,8 % de son produit intérieur brut (PIB) à la santé, se classant deuxième en Europe, après l’Allemagne. En 2023, la dépense courante de santé au sens international (DCSi) a atteint 325 milliards d’euros, soit 4 600 euros par habitant. Les dépenses hospitalières représentent le principal poste, avec 122,1 milliards d’euros financés à 93,5 % par des fonds publics. Entre 2010 et 2023, la part des ménages dans le financement des soins a diminué de 10,5 à 7,5 %, reflétant un renforcement de la solidarité publique.Depuis les années 1950, le financement des hôpitaux a évolué, passant du prix de journée au budget global, puis à la tarification à l’activité. Malgré une réduction de 80 000 lits en vingt ans, le nombre d’hôpitaux reste stable, à près de 3 000. La pandémie de Covid- 19 a provoqué une hausse exceptionnelle des dépenses. Cette augmentation est liée à des mesures spécifiques, telles que le financement garanti, le dépistage, la vaccination et les accords du Ségur de la santé, qui ont injecté 19 milliards d’euros d’investissements et permis la revalorisation salariale des soignants.La pandémie a bouleversé le fonctionnement hospitalier, nécessitant des circuits dédiés pour les patients Covid, la réorganisation des services et une hausse des capacités de réanimation. La baisse d’activité (de - 2 à - 5 %) a été compensée par le mécanisme de « garantie de financement », assurant aux établissements un budget équivalent à l’année précédente, même en cas de diminution de leur activité. Les accords du Ségur de la santé ont aussi permis des revalorisations salariales et des recrutements supplémentaires, répondant aux besoins criants de renforcement du système de santé.L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), instauré en 1996, encadre les dépenses hospitalières et de soins. Jusqu’en 2019, ce mécanisme a permis de maintenir la progression des dépenses en dessous des objectifs parlementaires grâce à des incitations tarifaires et au développement de l’ambulatoire. Cependant, la période Covid a entraîné un dépassement massif des objectifs, accentué par les mesures d’urgence sanitaires et les accords du Ségur de la santé.Les comptes financiers des hôpitaux publics se sont dégradés, avec un déficit atteignant 1,3 milliard d’euros en 2022, le pire niveau depuis 2005. Près de 65 % des établissements publics sont déficitaires, les charges de personnel augmentant de 5,1 %, tandis que les recettes progressent seulement de 4,1 %. En 2024, le déficit des hôpitaux a été de 3,5 milliards pour 1,1 milliard d’euros pour les seuls CHU, menaçant leur capacité à rembourser leurs dettes.Des réformes profondes sont nécessaires, notamment des financements fondés sur des objectifs de santé publique, la qualité et le paiement forfaitaire des parcours de soins, pour garantir la pérennité du système hospitalier.Il faut s’interroger sur l’organisation régionale des soins : nombre d’hôpitaux dans les villes, complémentarité des hôpitaux, de l’hospitalisation à domicile et de la médecine de ville, permanence des soins, qui est devenue quasi uniquement hospitalière.
Cyrille Colin, épidémiologie, économie de la santé, université Lyon- 1, Lyon, France
28 janvier 2025