Dans un contexte de recrudescence des IST bactériennes, la HAS instaure une nouvelle stratégie prophylactique, disponible pour certains patients à haut risque. Quelles en sont les modalités pratiques ? Quid de la surveillance du risque de résistances bactériennes ?

Les diagnostics d’IST bactériennes augmentent constamment depuis quelques années. La surveillance épidémiologique en France montre une recrudescence depuis une dizaine d’années des infections à Chlamydia et gonocoque, et depuis 2020 pour la syphilis. Les données les plus récentes (2023) montrent qu’entre 2021 et 2023 :

  • l’incidence des diagnostics d’infections à Chlamydia trachomatis augmente uniquement chez les hommes. Le taux d’incidence reste toutefois beaucoup plus important chez les femmes de 15 à 25 ans ;
  • celle des infections à gonocoque augmente aussi bien chez les hommes que chez les femmes, quelle que soit la classe d’âge. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) restent les plus concernés, avec des taux de positivité constatés dans les CeGIDD entre 5 et 6 fois plus élevés que ceux des hommes ou femmes hétérosexuels ;
  • celle de la syphilis augmente aussi chez les hommes et les femmes, bien que les HSH restent les plus touchés (taux de positivité 6 à 8 fois plus élevés).

De nouvelles stratégies préventives ont donc fait l’objet de recherches ces dernières années. Parmi elles, l’administration de doxycycline en prophylaxie post-exposition a été évaluée dans plusieurs essais, notamment en France et aux États-Unis. Elle vient d’être recommandée par la HAS pour certaines populations à risque, avec une attention particulière qui devra être portée à l’émergence possible de résistances bactériennes.

Chlamydioses et syphilis sont les IST concernées, puisque la sensibilité à la doxycycline des bactéries en cause (C. trachomatis et T. pallidum) ne semble pas menacée à ce jour. En revanche, les infections à gonocoques ne sont pas concernées en raison de la résistance de N. gonorrhoeae à cet antibiotique, acquise depuis longtemps. Les IST virales (HPV, HSV) sont par définition exclues.

Chez quels patients ?

Certains patients de sexe masculin (HSH et femmes transgenres) peuvent bénéficier de cette prescription. Si cette prophylaxie n’est pas recommandée de façon systématique dans cette population, la HAS préconise de la prescrire dans une démarche de décision partagée en cas de haut risque d’IST, à savoir :

  • en cas de multipartenariat : rapports avec au moins deux partenaires (hommes cisgenres ou femmes transgenres) au cours des 12 derniers mois ;
  • et ayant eu au moins deux épisodes d’IST bactériennes à C. trachomatis, N. gonorrhoeae ou T. pallidum au cours des 12 derniers mois.

Cette prophylaxie n’est pas recommandée chez les femmes cisgenres ou hommes transgenres, ni chez les hommes ayant uniquement des rapports avec des femmes, les études n’ayant pas porté sur ces populations.

Quelles modalités ?

La HAS recommande des modalités de prise proches de celles utilisées dans les essais cliniques, à savoir :

  • doxycycline 200 mg per os (deux comprimés en prise unique), au plus tôt après le rapport sexuel sans préservatif et jusqu’à 72 h au plus tard, sans dépasser 3 prises par semaine (hors AMM) ;
  • et de l’associer à la prévention combinée et à une surveillance particulière :
    • conseils de réduction des risques, dépistages répétés et traitement du VIH et des IST, vaccinations contre les IST, prévention du VIH par PrEP,
    • dépistage des IST tous les 3 mois et traitement curatif de toute IST selon les recommandations actuelles. Il est impératif de réaliser un test de guérison après traitement curatif pour s’assurer de l’absence d’émergence d’IST résistantes à la doxycycline.

Cette prescription devrait tenir compte des éventuels effets indésirables et interactions avec les médicaments ou substances psychoactives, des retentissements potentiels sur les résistances bactériennes et sur les comportements, et enfin du manque de données sur le schéma de prise optimal en l’état actuel des connaissances.

En particulier, conscient qu’un usage non réglementaire de la doxycycline dans cette indication existe déjà et que ces recommandations peuvent l’accroître, le groupe de travail de la HAS insiste sur la nécessité de mettre en place des études de suivi des impacts collectifs et individuels, notamment en matière de résistances bactériennes et des conséquences (positives ou négatives) sur les indicateurs épidémiologiques.

Pour en savoir plus
HAS. Doxycycline en prévention des infections sexuellement transmissibles bactériennes. 29 janvier 2025.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. IST : des nouveautés !  Rev Prat (en ligne) 3 septembre 2024.
Martin Agudelo L. L’incidence des IST dépistées en MG a doublé en 2 ans.  Rev Prat (en ligne) 15 décembre 2023.

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