Il y a près de 4 millions d’asthmatiques en France  ; pour la grande majorité, cette maladie a un impact modéré sur leur vie, mais pour 10  % d’entre eux (chiffre possiblement sous-estimé) cela représente un lourd fardeau. Des solutions existent  : une expertise pneumologique est particulièrement indiquée chez ces patients.

Et si ce n’était pas de l’asthme ? Quand le doute subsiste

«  Tout ce qui siffle n’est pas de l’asthme. »  Derrière cet aphorisme se cache une réalité. Dans une étude canadienne en soins primaires, Aaron et al. ont mis en évidence de façon très rigoureuse (deux tests de provocation bronchique consécutifs) qu’un tiers des patients ayant un diagnostic d’asthme et un traitement de fond quotidien n’avaient pas d’hyperréactivité bronchique.1 Un diagnostic différentiel doit ainsi être recherché en cas de toux isolée, bronchorrhée persistante, volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) inférieur à 40  %.

Un degré plus élevé de certitude diag­nostique est la clé pour une adhésion optimale aux actions d’éducation et aux thérapeutiques proposées. À l’inverse, une faible observance du traitement par corticostéroïdes inhalés et/ou au plan d’action est un facteur de risque de décès par asthme.2 Par ailleurs, un diag­nostic incertain peut exposer le patient à une iatrogénie conséquente, notamment vis-à-vis des risques liés à la corticothérapie orale.

Le fléau de la surutilisation des bronchodilatateurs de court délai d’action

Les recommandations internationales de la Global Initiative for Asthma 2023 (GINA)2 ont acté la fin de l’utilisation des bronchodilatateurs (bêta-agonistes) de court délai d’action (BDCA) seuls en guise de traitement de secours (lire «  Prise en charge de l’asthme de l’adulte  », page 743). L’étude observationnelle multinationale SABINA a démontré qu’une surutilisation de ces molécules (salbutamol, etc.) est associée à un faible contrôle de l’asthme et à une surmortalité, et ce dès trois boîtes de sprays de BDCA par an seulement  ; l’association est plus forte encore avec un spray par mois.3,4 Cette surutilisation, signe d’un asthme non contrôlé et/ou d’une mauvaise perception des symptômes par le patient, motive une évaluation pneumologique, d’autant que des stratégies alternatives plus efficaces existent («  MART  », lire «  Prise en charge de l’asthme de l’adulte  », page 743, et «  Prévention et prise en charge des exacerbation sévères de l’asthme », page 748).

Corticoïdes oraux : plus de 500 mg/an, c’est trop !

Des cures courtes et itératives de corticostéroïdes oraux sont aussi, voire plus, délétères qu’une corticothérapie à dose minimale au long cours, en matière de morbi-mortalité.5 Le risque est réel et significatif dès la dose cumulée annuelle de 500 mg de prednisone (soit dès deux cures de 40 à 50 mg pendant cinq jours par an), si une comorbidité existe (obésité, diabète, ostéoporose, etc.).6 Ce risque est devenu inacceptable car les traitements biologiques de l’asthme permettent désormais une épargne cortisonique. Le calcul de la dose cumulée annuelle à chaque consultation permet de se faire une idée de la sévérité de l’asthme du patient  ; il peut être utile de contacter le pharmacien pour la connaître précisément  !

Profil de l’asthmatique à « risque »

D’autres éléments permettent de dresser un profil des patients dits «  à risque  »  : à risque d’exacerbations sévères, de développement d’un trouble ventilatoire persistant ou de décès par asthme (tableau). 

Bien sûr, la prise en charge des intoxications inhalées (tabac, cannabis, e-cigarette, etc.) est un point clé, et chaque patient dépendant devrait bénéficier d’une évaluation tabacologique.

Connaître la trajectoire du patient est également pertinent  : la prématurité, un petit poids de naissance, un VEMS initialement bas au diagnostic ou encore un passage aux urgences dans l’année sont des éléments péjoratifs.

Les comorbidités non contrôlées telles que l’obésité, le reflux gastro-œsophagien ou les allergies impactent négativement le contrôle de l’asthme.

Enfin, les patients ayant un phénotype dit «  T2  » (inflammation de type 2), avec une hyperéosinophilie circulante, une valeur de la FeNO élevée (fraction expirée du monoxyde d’azote), une polypose nasale ou une hypersécrétion de mucus (évaluable en tomodensitométrie) sont davantage à risque d’événements négatifs. Le pneumologue est à même de préciser et/ou compléter ce profil. Il doit être consulté en cas d’éléments inquiétants et dès le palier 4 de GINA.

Références
1. Aaron SD, Vandemheen KL, FitzGerald JM, et al. Reevaluation of diagnosis in adults with physician-diagnosed asthma. JAMA 2017;317(3):269‑79. 
2. Global Initiative for Asthma (GINA) 2023. GINA Main Report. https://ginasthma.org/2023-gina-main-report/
3. Nwaru BI, Ekström M, Hasvold P, et al. Overuse of short-acting β2-agonists in asthma is associated with increased risk of exacerbation and mortality: A nationwide cohort study of the global SABINA programme. Eur Respir J2020;55(4):1901872. 
4. Bateman ED, Price DB, Wang HC, et al. Short-acting β2-agonist prescriptions are associated with poor clinical outcomes of asthma: The multi-country, cross-sectional SABINA III study. Eur Respir J 2022;59(5):2101402. 
5. Heatley H, Tran TN, Bourdin A, et al. Observational UK cohort study to describe intermittent oral corticosteroid prescribing patterns and their association with adverse outcomes in asthma. Thorax 2023;78(9):860‑7.
6. Bourdin A, Adcock I, Berger P, et al. How can we minimise the use of regular oral corticosteroids in asthma? Eur Respir Rev Off J Eur Respir Soc 2020;29(155):190085. 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés