Selon l’Organisation mondiale des médecins généralistes (Wonca) en 2024, l’échographie sur le lieu de soins (point-of-care ultrasound [POCUS]) est de plus en plus utilisée en soins primaires.1  

De nombreux spécialistes, tels que les urgentistes, internistes, gastroentérologues, endocrinologues, gynécologues, cardiologues, angiologues, rhumatologues ou urologues s’en servent en routine.

L’échographie clinique ciblée est utilisée lors de l’examen clinique, directement sur le lieu de soin, au cabinet médical ou au domicile du patient.

Son utilité a été démontrée pour exclure ou écarter les urgences médicales,2 poser des diagnostics de complexité faible à modérée3 et assurer le suivi de maladies aiguës et chroniques sans avoir besoin de recourir aux infrastructures hospitalières.

Comment l’utiliser en médecine générale ?

Dans certains pays d’Europe (Danemark et Allemagne), aux États-Unis et au Canada, les médecins généralistes pratiquent l’échographie depuis longtemps, et les travaux scientifiques étayant cette pratique sont nombreux.

En France, de nombreux travaux de thèse se sont intéressés au cadre et à l’utilisation de l’échographie en médecine générale. En 2013, le Dr Marie Lemanissier a établi une première liste d’indications d’échographie pour le médecin généraliste (liste Sonostetho).4 Depuis, les praticiens se forment et la liste s’étend. 

En 2023, les Drs Louis Camard et Mariela Skendi ont réalisé un travail sur une liste de compétences en échographie clinique ciblée.5 Le premier niveau concerne surtout la recherche des signes de complication et d’urgence quand l’examen clinique n’est pas suffisant pour poser un diagnostic. Mais ces compétences peuvent s’enrichir en fonction du niveau de formation du médecin et concerner différents domaines, comme les troubles hépatobiliaires, urinaires, gynéco-obstétricaux, vasculaires… Cette liste n’est pas exhaustive et peut s’étendre à d’autres domaines, selon les appétences du médecin : troubles musculosquelettiques, pulmonaires et des parties molles. 

L’échographie peut ainsi, par exemple, aider au diagnostic devant une douleur abdominale (colique hépatique, colique néphrétique...), une douleur pelvienne (torsion ovarienne, grossesse extra-utérine...), une masse sous-cutanée, une suspicion de rupture tendineuse ou de nodule thyroïdien clinique, ou en cas de toux…

Ce qu’il n’est pas possible de faire

L’utilisation de l’échographie clinique ciblée en soins primaires n’est pas sans limites, rappelle également la Wonca. Comme pour les autres examens physiques (par exemple, l’auscultation pulmonaire, la palpation thyroïdienne...), les échographies dépendent de l’opérateur. Sans une formation adéquate et une utilisation continue, l’échographie au point d’intervention peut conduire à une fausse assurance, à une surdétection ou à un surdiagnostic et donc à un surtraitement.6 

Une compétence à valoriser

 Plus-value dans l’exercice  

L’échographie en médecine générale ne se substitue pas à l’expertise du radiologue ; ses objectifs sont d’approfondir l’examen clinique – et, par conséquent, d’améliorer la pertinence de l’adressage et du parcours de soins –, d’affiner un diagnostic et d’enrichir la relation entre médecin et patients. En effet, l’échographie permet à ces derniers de visualiser directement les structures concernées, ce qui peut faciliter la compréhension de leur état de santé et renforcer la confiance dans le plan de traitement proposé par le médecin.

Modalités de cotation

Concernant le gain financier, dès lors que le médecin sait réaliser une échographie formelle avec les coupes standard, une interprétation, un compte rendu et des images, il peut coter selon la classification commune des actes médicaux (CCAM) comme les autres spécialistes (à l’exception des échographies obstétricales au-delà de 11 semaines d’aménorrhées [SA], qui nécessitent un diplôme universitaire spécifique).

Le groupe de travail « échographie » du Collège de la médecine générale (CMG) travaille – non sans mal – à la création d’un acte particulier d’échographie clinique ciblée qui, comme l’électrocardiogramme ou le frottis, s’ajouterait à la consultation. La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) s’est récemment retranchée derrière l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2022 qui estime ne pas avoir assez de recul pour évaluer la pertinence de l’échographie clinique ciblée.7 

Où et comment se former ?

Un consensus d’experts du groupe échographie du CMG et de la Société nationale d’échographie en médecine générale (SNECHO-MG) a conclu que quatre jours (30 heures) de formation en présentiel constituent une base pour démarrer l’échographie. Mais il est évident qu’on ne devient pas expert en trente heures. Des formations complémentaires et continues sont nécessaires, d’autant que la médecine évolue. L’obligation est d’ailleurs inscrite dans le code de déontologie (article R. 4127 - 70 - Omnivalence du diplôme et limites) : «  Tout médecin est, en principe, habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. »

Beaucoup de formations indépendantes des constructeurs répondent aux fiches de cadrage du développement professionnel continu (DPC) et au cahier des charges du Fonds d’assurance formation de la profession médicale (FAF-PM). Tous les organismes agréés proposant l’échographie dans le cadre de la formation continue ont un catalogue qui permet au médecin de suivre un cursus approfondi. 

Le diplôme interuniversitaire d’échographie est, quant à lui, davantage destiné aux médecins généralistes qui veulent aller plus loin dans leur pratique (journées dédiées, vacations hospitalières dans le cadre d’un exercice mixte, ou réorientation vers une carrière d’échographiste).

Quel équipement privilégier ?

Le coût d’un appareil varie de 1 000 euros pour une sonde ultraportable à plus de 25 000 euros pour un appareil plus performant, en fonction du nombre de sondes. Démarrer avec un appareil ultra-portable permet de se « faire la main » et développer des compétences. En revanche, il apparaît déraisonnable de vouloir faire de l’échographie formelle avec de tels appareils. 

Dès lors qu’on est persuadé, après une première formation d’initiation, que cette technologie est utile et peut s’intégrer dans la pratique, il est préférable d’investir rapidement dans un appareil de bonne facture dont les images sont satisfaisantes et permettent de progresser plus rapidement.

Responsabilité professionnelle

La majorité des assurances de responsabilité civile professionnelle ne majorent pas les cotisations pour cette pratique, dès lors qu’elle s’inscrit dans le cadre de la médecine générale (c’est-à-dire pas d’échographie au-delà de la 11e SA, qui nécessite un diplôme universitaire spécifique).

Références 
1. Poppleton A, Tsukagoshi S, Vinker S, et al. World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners and Family Physicians (WONCA) Europe position paper on the use of point-of-care ultrasound (POCUS) in primary care. Prim Health Care Res Dev 2024;25:e21.
2. Andersen CA, Holden S, Vela J, et al. Point-of-care ultrasound in general practice: A systematic review. Ann Fam Med 2019;17(1):61-9.
3. Sorensen B, Hunskaar S. Point-of-care ultrasound in primary care: A systematic review of generalist performed point-of-care ultrasound in unselected populations. Ultrasound J 2019;11(1):31.
4.Marie Lemanissier. Validation d’une première liste d’indications d’échographies réalisables par le médecin généraliste : l’échographe, deuxième stéthoscope du médecin généraliste ? Université Paul-Sabatier (Toulouse), faculté des sciences médicales Rangueil, thèse d’exercice. 2013. 
5. Louis Camard. Échographie clinique ciblée en médecine générale : consensus d’experts français autour d’une liste de compétences. Sorbonne université (Paris), faculté de médecine, thèse d’exercice. 2023.
6. Andersen C, Brodersen J, Rudbæk T, et al. Patients’ experiences of the use of point-of-care ultrasound in general practice – a cross-sectional study. BMC Fam Pract 2021;22(1):116. 
7. Haute Autorité de santé. Évaluation de l’utilisation de l’échoscopie (ou échographie clinique ciblée) par le médecin généraliste. 2022 : https://bit.ly/4cRs1U9.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

L’échographie clinique ciblée est destinée à être utilisée directement sur le lieu de soin (au cabinet médical ou au domicile du patient) en ­complément de l’examen clinique.

Elle permet au médecin généraliste d’exclure ou d’écarter les urgences médicales, de poser des diagnostics de complexité faible à modérée et d’assurer le suivi de maladies aiguës et chroniques.

Elle ne se substitue pas à l’expertise du radiologue, et sa qualité dépend de l’opérateur.

Un consensus d’experts a conclu que trente heures de formation en présentiel constituent une base pour démarrer l’échographie, à compléter par d’autres formations tout au long de l’exercice.