Parmi la soixantaine de cannabinoïdes présents dans le cannabis sativa indica se trouvent essentiellement des terpénophénols, dont le delta-9-trans tétrahydrocannabinol (Δ9-THC) constitue le principal produit psychoactif chez l’homme. De nombreux dérivés synthétiques du Δ9-THC existent, sous le nom générique anglo-saxon de « spices », qui tous se lient sur les mêmes récepteurs CB1 et CB2. Diverses données ont attiré l’attention sur les risques épigénétiques, jusqu’alors méconnus, de l’exposition au cannabis : le « tagage » épigénétique des spermatozoïdes chez les hommes exposés au THC ; la raréfaction des récepteurs D2 dans le noyau accumbens (striatum ventral) de foetus humains dont la mère consommait du cannabis ; la reproduction expérimentale de ces modifications épigénétiques chez le rat, qui présente alors une appétence redoublée pour les drogues morphiniques. Ces constats se complètent d’autres modifications épigénétiques, telles qu’une surexpression de la proenképhaline et des modifications des récepteurs des cannabinoïdes, du glutamate, du GABA, ou de protéines impliquées dans la plasticité synaptique. Ils rendent compte de l’appétence pour les toxiques des adolescents héritiers de ces traits épigénétiques, leurs parents s’étant adonnés au cannabis. Ils rendent compte également de divers troubles psychiques, voire psychiatriques, en relation avec des modifications de leur maturation cérébrale. Il est fortement suspecté que la prise de cannabis facilite l’escalade toxicomaniaque. Les mécanismes moléculaires précis par lesquels le THC induit des modifications post-traductionnelles des histones restent à élucider, tout en indiquant qu’il a été récemment montré qu’il entraîne une hypométhylation de l’ADN du gène codant la protéine (associée au versant post-synaptique) DGLAP2. En conclusion, les modifications épigénétiques induites par le cannabis peuvent obérer l’existence de son consommateur (cognition, pathologies psychiatriques, immunité) et, de façon préconceptionnelle ou per-gravidique, affecter sa descendance (vulnérabilité aux toxicomanies, autisme, schizophrénie via la protéine DLGAP2).Jean Costentin, Académie nationale de médecine
8 décembre 2020