La 23e édition des JNMG, congrès organisé par La Revue du Praticien, s’est ouverte avec une conférence sur l’encadrement de la fin de vie. Au-delà des positionnements « pour » ou « contre » le projet de loi récemment proposé en France, les intervenants – un médecin de terrain français et un belge, ainsi qu’une philosophe – ont abordé les questions de fond, illustrées d’exemples de la « vraie vie » : au regard du cadre législatif déjà en vigueur, que peut-on attendre d’une nouvelle loi ? pourquoi ces évolutions et qu’apporteraient-elles ? quelle est la place des médecins traitants ? Enfin, quelles leçons tirer des pays ayant légalisé l’aide à mourir ?

Si les remous politiques ont ralenti l’avancée du projet de loi, les situations de fin de vie continuent de préoccuper sur le terrain : on a compté 675 000 décès en 2022 et la Cour des comptes a estimé en 2017 que les personnes susceptibles de recevoir des soins palliatifs représenteraient 60,6 % des décès. 

Il est bien clair que tout le territoire français (métropolitain et ultramarin) n’est pas couvert uniformément par l’offre en soins palliatifs : le Centre national fin de vie soins palliatifs (CNFVSP) estime que 11,1 lits sont disponibles pour 100 000 habitants (dont un quart en unité de soins palliatifs [USP], les autres étant des lits identifiés de soins palliatifs [LISP]).1 Vingt et un départements n’ont ainsi pas d’USP, et l’objectif affiché par le précédent gouvernement était de couvrir tout le pays en 2025.

Une offre insuffisante, donc, et qu’il convient d’étoffer, quelle que soit la décision de légiférer ou non sur une aide active à mourir.

D’après le CNFVSP, cette aide active à mourir désigne « tout acte ayant pour finalité de provoquer la mort d’une personne, à sa demande, lorsqu’elle est atteinte d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale. »2

La loi Claeys-Leonetti permet de couvrir la plupart des situations de fin de vie : « À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :

  • lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ;
  • lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. »3
 

Mais cela peut-il aussi être applicable hors milieu hospitalier, c’est-à-dire à domicile ou en établissement médicosocial ? La décision peut, en effet, se heurter là à la difficulté d’estimer la durée de vie restante ainsi qu’à la crainte de sortir du cadre légal.4 C’est dans ce contexte nébuleux que le débat peut s’ouvrir, avec trois protagonistes impliqués depuis plusieurs années.

Perrine Galmiche, philosophe et doctorante en santé publique, est l’auteure de Panorama des législations sur l’aide active à mourir dans le monde, au 31 janvier 2022, édité par le CNFVSP.5

Le Dr Sylvain Bouquet, vice-président du Collège de la médecine générale, est médecin de famille en Ardèche. Il connaît la réalité de terrain, la raconte volontiers et sans langue de bois.

Le Pr François Damas a l’expérience de vingt ans de légalisation de l’aide à mourir en Belgique. Il affirme le besoin de libérer la parole des patients – et donc leur demande.

Accompagner le patient jusqu’à sa mort selon les modalités souhaitées pourrait participer du soin ? Si l’on compare à la Belgique, 2,5 % des décès en moyenne pourraient être concernés en France. Bien entendu, si le choix est fait d’autoriser l’aide active à mourir dans notre pays, il s’agira de ne laisser aucune place aux dérives. Ce choix ne doit certainement pas non plus être guidé par des considérations économiques ni être mené aux dépens du développement de l’offre en soins palliatifs ! À ces conditions, un nouveau texte pourrait-il permettre de libérer la parole, voire, pour certains, initialement réfractaires de peur d’obstination déraisonnable, d’accepter les soins palliatifs ? La discussion est lancée…

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