Le sepsis est une dérégulation de la réponse immunitaire à une infection, entraînant un dysfonctionnement vital d’organes. Son incidence annuelle en France est d’environ 403/100 000, le taux de décès de 23 %, de séquelles de 15 %, et le coût moyen de 16 000 € par hospitalisation. Un tiers des survivants meurt dans l’année qui suit l’épisode aigu et 50 % ont des séquelles (déficiences physiques, cognitives et mentales). Chez l’enfant, les séquelles neurocognitives peuvent altérer les apprentissages et le développement.
Pour la première fois, des recommandations françaises pour la prise en charge du sepsis en amont des urgences préhospitalières ont été coordonnées par la Société de réanimation de langue française. Portant sur un parcours de soins intégré incluant ville et hôpital, elles concernent les nouveau-nés, les enfants et les adultes. L’objectif est de réduire le poids sanitaire, économique et social du sepsis.
Facteurs de risque
Sont particulièrement à risque de développer un sepsis les patients en ambulatoire ayant une infection suspectée ou documentée et ayant un ou plusieurs facteurs de risque (exemples dans le tableau).
Dépister
Chez l’adulte
Chez un patient adulte en ambulatoire ayant une infection suspectée ou documentée, une valeur ≥ 3 du score clinique, composé des 6 variables suivantes, est associée au risque de progression vers un sepsis (1 point par variable) :
- âge > 65 ans ;
- température > 38 °C ;
- pression artérielle systolique ≤ 110 mmHg ;
- fréquence cardiaque > 110/min ;
- saturation périphérique en O2 ≤ 95 % ;
- troubles des fonctions supérieures.
Il n’est pas recommandé de mesurer les concentrations plasmatiques de lactate ni la CRP ni la procalcitonine (PCT) pour identifier précocement le sepsis. En l’absence de facteur de risque, pas de prélèvements microbiologiques systématiques, sauf en cas de suspicion d’infection urinaire (réaliser dans ce cas un ECBU). Pratiquer une hémoculture et/ou ECBU et/ou ECBC en cas de facteurs de risque de sepsis (tableau), si les conditions d’organisation médico-technique locale permettent une prise en charge appropriée et sans délai du patient, des échantillons et de l’examen (le prélèvement d’hémocultures doit comporter un total de 4 à 6 flacons).
Chez l’enfant
Chez l’enfant de moins de 1 mois, toute fièvre doit faire suspecter la possibilité d’un sepsis et justifie un adressage sans délai aux urgences pédiatriques pour évaluation.
Chez l’enfant de 1 à 3 mois, toute fièvre doit faire considérer la possibilité d’un sepsis et justifie un avis médical dans les 6 heures. En dehors des heures ouvrables ou en cas d’indisponibilité d’un médecin en ambulatoire, un appel au centre 15 permet d’orienter les familles vers une structure de garde (CAPS) ou d’urgences.
Chez un enfant fébrile quel que soit son âge, rechercher (enfant entièrement déshabillé) :
- apparition et extension de purpura ecchymotique ou nécrotique ;
- troubles de conscience ou changement de comportement ;
- signes de mauvaise perfusion périphériques : TRC allongé, marbrures, extrémités froides ;
- augmentation de la fréquence respiratoire et tachycardie ;
- baisse de la pression artérielle.
En cas d’anomalie (à l’exception d’une tachycardie isolée), demander un avis auprès du centre 15. Attention : se fier à l’évaluation parentale concernant le comportement ou le teint inhabituel.
Chez l’enfant en ambulatoire suspect de sepsis, organiser d’emblée un transfert vers les urgences après contact avec le centre 15 (pas d’examen microbiologiques).
Prévenir
Trois mesures permettent de prévenir une septicémie :
- Respecter le calendrier vaccinal, à tous les âges. Pour les populations à risque de sepsis, pratiquer également : les vaccinations contre les bactéries encapsulées (pneumocoque, méningocoque, Haemophilus), la grippe et le SARS-CoV- 2 chez l’adulte ; rotavirus et grippe chez l’enfant.
- Connaître les facteurs de risque, en cas d’infection, d’évolution vers un sepsis (tableau).
- Respecter les règles d’hygiène.
Attention : en cas de suspicion clinique de purpura fulminans, quel que soit l’âge, l’administration immédiate d’une antibiothérapie parentérale (IV ou IM), ainsi qu’un transfert immédiat dans une structure hospitalière est recommandé. Chez un patient (enfant ou adulte) en ambulatoire ayant une infection suspectée ou documentée, n’administrer ni AINS ni corticoïdes pour prévenir le sepsis.
Prendre en charge précocement
La devise est « agir sans délai ».
- En ville :
- Contacter le 15 sans délai.
- Ne pas réaliser d’examen complémentaire chez l’enfant.
- Prélever, chez l’adulte en ambulatoire, avec facteur de risque de sepsis, hémoculture (au moins 40 mL, que l’on peut prélever d’emblée en une fois et repartir dans deux ou trois paires de flacons aérobie et anaérobie) et/ou ECBU et/ou ECBC.
- Transporter de façon médicalisée les patients, quel que soit l’âge, vers un établissement disposant de soins critiques.
- À l’hôpital :
- Au mieux dans la première heure :
- pose d’une voie d’abord veineuse ou intra-osseuse ;
- prélèvement d’une hémoculture et d’un taux de lactate ;
- antibiothérapie intraveineuse ;
- restaurer l’hémodynamique.
- Admettre en soins critiques en l’absence de résolution des variables cliniques après traitement initial.
- Au mieux dans la première heure :
Prévenir les séquelles
- Dès les 48 premières heures de l’hospitalisation pour sepsis :
- débuter un programme de réadaptation standardisé et progressif (+ réadaptation respiratoire si sepsis pulmonaire initial ou recours à la ventilation artificielle) ;
- puis adapter la prise en charge de réadaptation et préparer l’orientation si nécessaire vers une structure de réadaptation, par une équipe mobile de médecine physique et de réadaptation ou, à défaut, par une équipe référente sur site ou de proximité.
- En post-aigu :
- orienter les patients en fonction de leurs besoins de réadaptation au mieux vers des structures comprenant : kinésithérapeute, APA, ergothérapeute, orthophoniste, neuropsychologue, psychologue, diététicien, travailleur social et une coordination médicale par un médecin MPR ;
- suivi ambulatoire formalisé et organisé en amont, si possible avec l’aide d’une équipe mobile de réadaptation ou de gériatrie ;
- organiser la consultation de suivi dans les 3 mois qui suivent la sortie d’hospitalisation.
Suivi au long cours
Réaliser une évaluation psychologique systématique après le retour à domicile.
Assurer un suivi clinique post sepsis a minimaà 3 mois et 1 an de l’hospitalisation, comportant une évaluation des déficiences et limitations d’activité, des douleurs chroniques. Chez le nouveau-né et l’enfant : suivi annuel, en coordination avec le suivi habituel des enfants (impliquant le pédiatre et le MG), comportant une évaluation des déficiences cognitives et physiques, des limitations d’activité, des douleurs chroniques et une évaluation psychologique. Une attention particulière doit être portée au risque de stress post-traumatique de l’enfant et de sa famille et au retentissement sur le neurodéveloppement de l’enfant.
Poursuivre les interventions de réadaptation en ambulatoire selon les besoins des patients (orientation vers un service d’aide sociale de proximité dans le cas de situations précaires et/ou à risque).
Réinsertion scolaire en lien avec le médecin scolaire, par, si besoin, l’établissement d’un certificat médical qui sera envoyé, en cas de séquelle, à la maison départementale de personnes handicapées (MDPH).
Deux fiches à destination des MG
HAS. Prise en charge du sepsis du nouveau-né, de l’enfant et de l’adulte : recommandations pour un parcours de soins intégré – argumentaire. 29 janvier 2025.