L’augmentation, depuis quelques années, de l’incidence de cette maladie en Europe ainsi qu’une extension géographique des zones endémiques fait craindre une diffusion plus large en France. C’est pourquoi l’Anses a émis des recos pour réduire le risque de transmission.

Augmentation des cas en France et en Europe

L’encéphalite à tiques est due à un flavivirus transmis à l’homme majoritairement par piqûre de tiques du genre Ixodes . La contamination peut aussi résulter de la consommation d’aliments à base de lait non pasteurisé  : lorsque les tiques porteuses piquent des animaux producteurs de lait, ce dernier peut être contaminé.

Si elle reste rare en France (une trentaine de cas par an), le nombre de cas déclarés augmente ces dernières années. Ils sont passés de 30 en 2021 – année où elle est devenue une maladie à déclaration obligatoire – à 36 en 2022, puis 39 en 2023, selon les dernières données disponibles de Santé publique France. Les cas de 2023, dont deux tiers étaient autochtones, témoignaient d’une extension du virus au-delà de sa zone de circulation historique qu’est l’Alsace.

La transmission par consommation de produits au lait cru est rapportée dans l’Hexagone depuis 2020, alors qu’elle n’avait pas été documenté auparavant. Le foyer infectieux de 2020 (40 cas dans l’Ain, en lien avec la consommation de fromage de chèvre au lait cru) a, par ailleurs, concerné un département où la circulation du virus n’était pas connue jusque-là. En 2023, un tiers des patients infectés ont rapporté la consommation de produits au lait cru, mais il n’a pas été possible de déterminer si cela avait été la source de contamination, en raison d’une exposition concomitante aux tiques.

Parallèlement, en Europe, depuis les années 2010, on observe une augmentation du nombre de cas, ainsi qu’une extension géographique des zones endémiques vers le nord et l’ouest, d’après la surveillance du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). L’augmentation du nombre de cas, en France comme en Europe, est liée à une probable augmentation de l’incidence de la maladie, mais peut-être aussi à l’amélioration du diagnostic. Cette maladie est actuellement endémique dans de nombreux pays d’Europe de l’Est, en Scandinavie, ainsi qu’en Allemagne, en Suisse ou encore en Italie. La quasi-totalité des cas déclarés surviennent entre mai et novembre.

Les causes de cette tendance sont encore mal connues et probablement multiples. En France, alors que les tiques vectrices sont déjà présentes dans tout l’Hexagone (sauf sur le pourtour méditerranéen), plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’expansion géographique du virus. Par exemple, la fragmentation du paysage entraîne davantage de contacts des animaux domestiques et des humains avec les tiques, mais aussi la fréquentation accrue des forêts par la population générale. En revanche, le dérèglement climatique ne semble pas jouer un rôle prépondérant.

Tous ces éléments font craindre une augmentation de la transmission de ce virus en France dans le futur. Étant donné ce risque et les conséquences parfois graves de la maladie (voir ci-après), l’Anses a lancé une alerte et refait le point sur les mesures de gestion du risque qui devraient être mises en place.

Une maladie dont les séquelles sont parfois graves

L’infection symptomatique concernerait entre 10 et 30 % des personnes contaminées. Dans ces cas, après une incubation d’une à deux semaines, la maladie débute brutalement, avec un syndrome pseudogrippal : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires ou articulaires, nausées. Ces signes ont concerné un quart des cas rapportés en France en 2023.

Chez 20 à 40 % des malades, une atteinte neurologique survient secondairement : méningite ou méningoencéphalite (90 % des cas français rapportés en 2023), myélite, parésie ou paralysie des membres. Les signes cliniques de l’atteinte du système nerveux central comprennent : prostration ou agitation, tremblements, troubles du comportement, de la vigilance ou de la conscience, parfois convulsions voire coma.

La prise en charge est symptomatique ; il n’existe aucun antiviral spécifique.

Le décès est rare avec le sous-type viral européen (< 1 %), mais la convalescence est longue et les séquelles peuvent atteindre jusqu’à 40 % des cas. Il s’agit principalement de paralysies et troubles du comportement, pouvant persister plusieurs années.

Par ailleurs, l’Anses a estimé à 3 millions d’euros annuels le retentissement économique de cette maladie en France (effet conjoint de la prise en charge médicale, de la perte de revenu ou de temps dus à la maladie et de la diminution de la qualité de vie en cas de séquelles invalidantes).

Personnes à risque et modes de prévention

Certains professionnels sont plus à risque car exposés aux tiques : bûcherons, agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, gardes-chasse, etc., dans les régions où le virus est présent. Selon l’expertise récente de l’Anses, les professionnels du secteur forestier ont 13 fois plus de risque d’être infectés que la population générale.

Cependant, le risque existe pour toutes les personnes se rendant en forêt pour des activités de loisir.

Quant à la contamination par voie alimentaire, l’Anses a conclu que :

  • la consommation de lait cru et de produits laitiers à base de lait cru de chèvre entraîne un risque plus important que celle de produits laitiers issus d’autres animaux. En effet, ils ont été à l’origine de la majorité des cas de transmission alimentaire en Europe ;
  • en France, la région Auvergne-Rhône-Alpes est la plus concernée par ce risque, en raison de la circulation avérée du virus et du grand nombre d’élevage de chèvres ayant un accès fréquent à l’extérieur.
 

La prévention de cette maladie repose sur la protection antivectorielle : vêtements couvrants (chemise, pantalon long mis dans les chaussettes, voire guêtres, chaussures fermées), de couleur claire pour mieux repérer les tiques ; répulsifs cutanés ; examen de la peau au retour de forêt.

Deux vaccins inactivés contre l’encéphalite à tiques sont commercialisés en France. Actuellement, ils sont recommandés uniquement chez les voyageurs (adultes et enfants) séjournant en zone rurale ou boisée dans les pays endémiques, du printemps à l’automne, particulièrement en cas d’activités récréatives ou professionnelles en plein air.

Nouvelles recos de l’Anses

La première mesure recommandée par l’Anses pour lutter contre l’encéphalite à tiques est l’amélioration de la surveillance du virus, pour mieux connaître les zones ou les élevages infectés et ainsi y déployer les mesures de prévention adaptées en amont de toute contamination humaine.

En effet, la surveillance actuelle, qui repose essentiellement sur l’identification de cas humains de la maladie, ne suffit pas car cela est un indicateur trop tardif de la présence du virus dans un territoire.

Pour la même raison, l’agence recommande d’intégrer à la stratégie de surveillance des espèces animales sentinelles domestiques et sauvages, comme les chèvres, les vaches et les chevreuils, et de surveiller les produits laitiers et les tiques elles-mêmes.

Par ailleurs, pour éviter les infections humaines dans les zones concernées, l’agence recommande les actions suivantes :

  • pour éviter la contamination du lait : limiter l’exposition aux tiques des ruminants, grâce à l’installation de clôtures empêchant les contacts avec les zones boisées ou les haies, ou par la rotation des pâtures ; pasteurisation du lait dans les situations d’urgence (survenue de cas humains par transmission alimentaire, détection du virus dans le lait collecté) ;
  • pour éviter la transmission du virus par piqûre de tique :mieux informer la population générale, les travailleurs exposés et les professionnels de santé sur les moyens de prévention, les risques et les symptômes de cette maladie. L’Anses recommande aussi que toute personne qui le souhaite puisse se faire vacciner, et particulièrement les personnes les plus exposées (travailleurs forestiers, éleveurs et personnes pratiquant des activités de loisir en forêt).
 

Enfin, plusieurs laboratoires de l’Anses mènent actuellement des recherches pour élucider les mécanismes de circulation et de transmission, mieux identifier les zones à risque et mieux détecter le virus dans les produits laitiers.

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