Dans un contexte marqué par l’accélération des crises sanitaires, environnementales et climatiques, la transition du système de santé devient une nécessité impérieuse. Longtemps centrée sur une approche médicale technique et curative, la santé publique évolue aujourd’hui vers une vision plus intégrée et systémique, tenant compte des interactions entre la santé humaine, animale et environnementale, soulignant la nécessité d’une approche globale et interdisciplinaire face aux défis contemporains.
L’intégration de ces nouveaux déterminants de santé entraîne une refonte des cadres réglementaires et législatifs à l’échelle internationale, européenne et nationale. Ils peuvent concerner le soin, la logistique des établissements de santé, leur consommation de ressources ou l’organisation du système de soins.
Les principales obligations déontologiques, réglementaires et légales qui structurent la transformation écologique et durable du système de santé représentent des défis, avec l’adoption de nouvelles normes, mais aussi des opportunités, par une approche intégrée de la santé, fondée sur une prise en compte élargie des facteurs environnementaux, sociaux et économiques.
Organisation des Nations unies et ses COP : un objectif en commun
Depuis 1992, l’Organisation des Nations unies (ONU) s’est dotée d’une convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), point de départ d’une surveillance accrue du changement climatique. Les signataires de cette convention organisent annuellement les conferences of the parties (COP) dont les plus marquantes sont celles de Kyoto et son protocole signé en 1997, entré en vigueur en 2005. Ce dernier avait fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’environ 5 % entre 2008 et 2012 par rapport à 1990. Ce objectif a été reconduit lors de la COP18 de Doha, pour une deuxième période, de 2013 à 2020. Enfin, la COP21 s’est tenue en 2015 et a donné naissance à l’ambitieux Accord de Paris,1 entré en vigueur en novembre 2016, puis ratifié en 2018 ; ses objectifs contraignants se déclinent selon trois piliers principaux dont le premier concerne le maintien d’une augmentation de la température mondiale nettement en dessous de 2 °C d’ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels et une limitation de cette augmentation à 1,5 °C pour parvenir à zéro émission nette d’ici à la fin du siècle. Or, au vu des trajectoires suivies, cet objectif est inatteignable ! L’enjeu est désormais de s’en écarter le moins possible…
Institution de l’ONU, la Banque mondiale a publié en 2017 un rapport intitulé « Climate-smart healthcare : low-carbon and resilience strategies for the health sector »2 dans lequel elle revient sur les impacts sanitaires du dérèglement climatique sur des systèmes de santé précaires. Elle insiste sur l’opportunité de développer un système de santé bas carbone et ses vertus sur les déchets, les transports, l’énergie et la qualité des soins. Le second objectif est d’augmenter la résilience aux effets du changement climatique. Elle propose une série d’actions pour lesquelles elle évalue les bénéfices de santé et environnementaux.
Organisation mondiale de la santé : des recommandations et des stratégies
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) intègre le développement durable dans ses politiques de santé publique en cohérence avec l’agenda 2030 des Nations unies et ses 17 objectifs de développement durable (ODD),3 parmi lesquels :
- bonne santé et bien-être (ODD 3) : assurer une vie en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ;
- eau propre et assainissement (ODD 6) : assurer l’accès à l’eau potable et l’amélioration des infrastructures sanitaires ;
- énergie propre et d’un coût abordable (ODD 7) : promouvoir des infrastructures énergétiques durables, notamment dans les hôpitaux et établissements de santé ;
- consommation et production responsables (ODD 12) : inciter à réfléchir aux habitudes et usages en matière de consommation, de production de déchets, à l’impact environnemental et social de l’ensemble de la chaîne de valeur des produits ;
- lutte contre les changements climatiques (ODD 13) : renforcer la résilience et la capacité d’adaptation des pays face aux aléas et catastrophes climatiques avec un focus sur le renforcement des capacités des pays les moins avancés.
En cohérence avec ces objectifs, l’OMS a émis des recommandations4 et mis en place plusieurs stratégies et initiatives, parmi lesquelles :
- « La santé dans toutes les politiques », une approche intégrée pour inclure la santé dans les politiques environnementales et climatique ;
- en association avec le National Health Service (NHS) anglais, le programme « Zéro émission nette en santé » qui encourage les États à réduire l’empreinte carbone du secteur de la santé ;
- le cadre d’action sur le changement climatique et la santé qui vise à améliorer la résilience des systèmes de santé face aux catastrophes environnementales ;
- l’initiative pour des établissements de santé écologiques et résilients qui propose des standards pour la gestion des infrastructures de santé durable.
Union européenne : des engagements et un cadre législatif naissants
L’Europe s’engage à travers une politique générale régie par le Pacte vert pour l’Europe (European Green Deal)5 dont l’objectif est la neutralité carbone d’ici à 2050. Elle a également élaboré, en 2021, une stratégie sur l’adaptation au changement climatique qui vise notamment à rendre les systèmes de santé plus résilients aux impacts climatiques. En outre, la santé environnementale au sens large est abordée : par exemple, le Plan européen de lutte contre le cancer de 2021 tend à réduire l’exposition aux substances toxiques et aux polluants environnementaux.
Sur le plan de la législation européenne,6 les émissions industrielles et, par extension, celles des hôpitaux et des industries pharmaceutiques sont réglementées (directive 2010/75/UE) ; le règlement REACH (2006) vise à restreindre l’utilisation de produits chimiques dangereux dans le secteur de la santé et encadre la gestion des déchets médicaux et leur revalorisation (directive 2008/98/CE). La stratégie pharmaceutique pour l’Europe de 2020 encourage une production de médicaments plus durable et la réduction des déchets pharmaceutiques. Enfin, concernant les dispositifs médicaux, la directive 2019/904 et le règlement sur les dispositifs médicaux (MDR ; 2017/745) renforcent les exigences environnementales et promeuvent des alternatives durables en remplacement des plastiques à usage unique.
En périphérie du Parlement européen, des associations comme Health Care Without Harm (HCWA) exercent un lobbying pour promouvoir une écoconception des soins et une santé durable.7
Réglementations françaises pour un objectif de neutralité carbone en 2050
En France, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ainsi que la feuille de route « Stratégie nationale bas-carbone » qui en découle, fixent des objectifs de réduction des émissions de GES avec des cibles spécifiques et temporellement définies, dans l’optique d’atteindre la « neutralité carbone » d’ici à 2050. Les étapes intermédiaires prévues sont une réduction de 40 % des émissions de GES entre 1990 et 2030, avant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 (- 75 %).
En outre, un ensemble de lois et de régulations viennent soutenir la transformation écologique du système de santé en France. La liste présentée n’est pas exhaustive mais vise à souligner les principales actions législatives et réglementaires qui accompagnent la transition écologique dans ce secteur clé.
Bilan carbone, énergie et bâtiment
Les entreprises comptant plus de 500 salariés en métropole et les établissements publics de plus de 250 salariés sont tenus de réaliser un bilan des émissions de GES (Beges) tous les quatre ans pour les établissements privés et tous les trois ans pour les établissements publics. Ce bilan doit inclure à la fois les émissions directes (énergie utilisée pour le chauffage ou le parc de véhicules de l’établissement) et indirectes (générées par l’ensemble des achats et transports des usagers et du personnel de l’établissement) et doit être accompagné d’un plan d’action visant à réduire ces émissions. En cas de non-conformité, des sanctions financières peuvent être appliquées, conformément à l’article L229 - 25 du code de l’environnement.
À ce jour, bien qu’il n’existe pas d’obligation légale en matière de réduction des émissions de GES des structures, plusieurs dispositifs sont en place pour encourager l’efficacité énergétique et la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Le décret tertiaire (n° 2019 - 771 du 23 juillet 2019), par exemple, oblige à réduire la consommation énergétique des bâtiments de 40 % d’ici à 2030, de 50 % d’ici à 2040 et de 60 % d’ici à 2050, sur une donnée de référence postérieure à 2009. Les bâtiments tertiaires, parmi lesquels figurent les établissements sanitaires et médico-sociaux, représentent environ 18 % des émissions de CO2 en France. Le système de santé représente, pour sa part, 8 % des émissions nationales et le bâtiment 13 % des émissions du secteur.8
De plus, une incitation à adopter une gestion responsable et durable des achats a été mise en place pour les établissements soumis au code de la commande publique ayant des dépenses annuelles supérieures à 50 millions d’euros, c’est-à-dire l’intégralité des groupements hospitaliers de territoire : l’adoption d’un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) [articles L2111 - 3 et D2111 - 3 du code de la commande publique] est obligatoire depuis octobre 2024.
Gestion des déchets
L’agence de la transition écologique (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie [Ademe]) a estimé qu’en 2010 les établissements de santé en France produisaient environ 700 000 tonnes de déchets,8 représentant 3,5 % du total national. Parmi ceux-ci, 150 000 tonnes étaient des déchets d’activités de soins à risque infectieux (Dasri),9 dont le traitement génère trois fois plus d’émissions de GES en raison de la température plus élevée nécessaire pour leur traitement.10
L’article L541 - 1 du code de l’environnement établit une hiérarchisation stricte dans la gestion des déchets, priorisant la réduction et la prévention de leur production, suivies par la préparation à la réutilisation, le recyclage, la valorisation énergétique et enfin l’élimination. Cette hiérarchisation doit être scrupuleusement respectée par les établissements de santé. À cette fin, la loi encourage une réduction des déchets à la source, tout en optimisant les filières de tri, notamment en divisant les déchets en huit flux obligatoires : papier/carton, métal, plastique, verre, bois, fractions minérales, textiles et plâtre.
La gestion des déchets dans les établissements de santé présente des spécificités liées à leur activité, nécessitant la mise en place d’autres filières impératives : le papier confidentiel, les Dasri et déchets médicamenteux, les déchets dangereux, les biodéchets...
Les établissements de santé sont également tenus de gérer leurs déchets et effluents de manière à protéger la santé humaine et l’environnement, en contrôlant le niveau de pollution des eaux effluentes. L’article L1331 - 10 du code de santé publique leur impose de surveiller régulièrement leurs effluents, notamment en ce qui concerne les résidus médicamenteux. La maîtrise de la quantité d’antibiotiques excrétés dans les eaux usées dans le cadre de la politique de lutte contre l’antibiorésistance commence par la juste prescription des traitements ; elle fait l’objet, dans le manuel de certification, d’un critère impératif sur la pertinence des antibiotiques qui doit être réévaluée et argumentée (critère 2.4 - 02).
Santé environnementale et santé publique : un cadre réglementaire pour favoriser la prévention
Les politiques climatiques et environnementales, ainsi que celles visant la neutralité carbone, s’inscrivent pleinement dans le cadre des politiques de santé publique et de promotion de la santé, un phénomène souvent désigné sous le terme de « cobénéfice santé-environnement ». En effet, ces politiques, bien que principalement axées sur la préservation de l’environnement et visant à atteindre des objectifs de neutralité carbone, ont un impact bénéfique direct et indirect sur la santé humaine en réduisant les risques sanitaires liés à la pollution de l’air, de l’eau et du sol, ainsi qu’en améliorant les conditions de vie des populations.11 Cette approche interdisciplinaire est particulièrement évidente dans les domaines de l’alimentation et de la mobilité.
Mobilité : vers des modes de transport durables
Le secteur des transports représente environ 13 % des émissions de GES liées au secteur de la santé.12 Dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, la France s’engage dans le développement de la mobilité bas carbone et annonce l’interdiction des ventes de véhicules thermiques neufs d’ici à 2040. Cette loi vise à favoriser les mobilités actives, telles que l’utilisation du vélo ou de la trottinette, ainsi que les mobilités durables comme le covoiturage et les transports en commun. Une des initiatives concrètes en ce sens est le forfait mobilités durables, qui consiste en une indemnité destinée aux salariés qui utilisent des modes de transport écologiques tels que le vélo, la trottinette, le covoiturage ou un véhicule électrique/hybride en libre-service. De plus, depuis 2022, le remboursement des abonnements de transport en commun est cumulable avec ce forfait.
Cette transition vers des modes de transport durables apporte des cobénéfices importants, notamment dans la lutte contre la sédentarité, la réduction des émissions de GES et la diminution de la pollution de l’air. Par ailleurs, les dispositions de la LOM obligeant les établissements publics, et privés dans une moindre mesure, à respecter des taux de renouvellement de leur parc de véhicules avec des véhicules à faibles et très faibles émissions est en adéquation avec la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) par la loi Climat et résilience de 2021, qui vient pourtant d’être remise en question par les députés. Ces ZFE visent à restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, émetteurs de particules fines et de précurseurs de l’ozone dans les villes de plus de 150 000 habitants afin d’améliorer la qualité de l’air et limiter les risques sanitaires liés à la pollution urbaine.
Alimentation : limiter l’impact environnemental
La loi dite EGalim13 encadre la restauration collective en France, y compris hospitalière et médico-sociale, dans le but de favoriser une alimentation durable, saine et bénéfique pour la santé et l’environnement. Parmi les mesures clés de cette loi, on note l’introduction d’un pourcentage minimal de produits durables et de qualité (identifiés par des labels) dans les repas servis, ainsi que des actions visant à évaluer et réduire le gaspillage alimentaire. Un autre volet important est la diversification des sources de protéines, notamment par la promotion d’alternatives végétariennes, afin de limiter l’impact environnemental de l’élevage.
Par ailleurs, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec)14 inclut une obligation de supprimer progressivement l’utilisation des plastiques à usage unique dans les services de restauration collective (pailles, couverts...) mais aussi l’utilisation de contenants alimentaires de réchauffe et de service en plastique dans les services de pédiatrie, d’obstétrique et de maternité.
Qualité de l’air intérieur
La réglementation relative à la qualité de l’air intérieur devait s’appliquer au 1er janvier 2025 aux établissements médico-sociaux ainsi qu’aux unités de soins de longue durée, mais les textes d’application n’ont pas encore été publiés. Cette réglementation imposera néanmoins des obligations strictes de surveillance et d’évaluation des polluants présents dans l’air, tels que le dioxyde de carbone (CO2), le formaldéhyde et d’autres substances potentiellement nuisibles. Ces mesures, inscrites dans les articles R 221 - 30 et suivants du code de l’environnement, visent à limiter les risques sanitaires associés à la pollution intérieure et à améliorer la qualité de l’air, contribuant ainsi à la protection de la santé des patients et des professionnels de santé. En cas de dépassement des seuils réglementaires de ces polluants, des plans d’action correctifs doivent être mis en place, afin de réduire l’exposition et de restaurer un environnement sain.
Par ailleurs, des obligations relatives à la surveillance des teneurs en radon sont déjà en vigueur depuis plusieurs années.
En parallèle, le ministère de la Santé encourage le recours à des conseillers médicaux en environnement intérieur (CMEI), professionnels spécialisés dans l’évaluation et la gestion des risques environnementaux à l’intérieur des bâtiments. Dans certaines régions, ces experts peuvent être intégrés dans le parcours de soins des patients souffrant de pathologies respiratoires, telles que l’asthme, sur prescription médicale. Leur intervention est particulièrement recommandée lorsqu’une relation entre les symptômes du patient et son environnement intérieur est suspectée, que ce soit en raison de la présence d’acariens, d’allergènes, d’animaux domestiques, de moisissures ou de composés organiques volatils, qui peuvent aggraver les conditions de santé des personnes vulnérables.
Tabac
En 2022, l’OMS a publié un rapport intitulé « Le tabac, un poison pour notre planète », mettant en évidence l’empreinte carbone de l’industrie du tabac, sa contribution à la pollution des eaux, à la dégradation des sols et à la perte de biodiversité.15 Alors que les effets néfastes du tabac sur la santé humaine étaient déjà largement connus, ce rapport a souligné l’impact environnemental grave de sa production et de sa consommation.
La réglementation française, en vertu des articles L. 3513 - 8 et R. 3512 - 2 à R. 3512 - 7 du code de la santé publique, interdit la consommation de tabac dans les établissements de santé, tout en permettant la création d’espaces fumeurs à distance des lieux de soins ou du public. Cette réglementation vise à protéger la santé publique tout en préservant l’environnement intérieur des établissements de santé, pour le bien-être des patients et du personnel.
Réglementation dans le domaine du soin
Les réglementations spécifiques au soin concernent le plus souvent la garantie de sécurité et de qualité ; peu de mesures impliquent des obligations en matière environnementale.
Le code de déontologie français encadrant la pratique médicale, bien qu’il ne soit pas traditionnellement perçu comme axé sur la question environnementale, rappelle néanmoins la responsabilité des médecins envers la protection des conditions de vie et de santé des populations. En effet, l’article R.4127 - 12 du code de la santé publique prévoit que le médecin doit « apporter son concours aux actions entreprises pour la protection de la santé et de l’éducation sanitaire ». Toutefois, il n’existe pas, en France, de texte sur la responsabilité environnementale des soignants ni sur l’usage raisonné des ressources, comme cela est observé dans certains systèmes de santé étrangers, notamment en Belgique.16
Par ailleurs, le ministère de la Santé a adopté puis mis à jour, en décembre 2023, une feuille de route pour la planification écologique du système de santé, s’inscrivant dans la continuité des travaux de la France Nation verte. Ce plan engage différents ministères et organismes tels que l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) ainsi que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), pour ne citer qu’eux. Il fixe des objectifs autour de huit axes clés :
- bâtiment et maîtrise de l’énergie : améliorer l’efficacité énergétique des infrastructures de santé ;
- industries et produits de santé : réduire l’empreinte carbone liée à la production et à la consommation de produits de santé ;
- achats durables : promouvoir des pratiques d’achat responsables et écologiques ;
- soins écoresponsables : intégrer des pratiques respectueuses de l’environnement tout en garantissant la qualité et la sécurité des soins ;
- gestion des déchets : optimiser la gestion et la réduction des déchets issus des activités de santé ;
- formation et recherche en transformation écologique : former les professionnels de santé aux enjeux écologiques et encourager la recherche en santé durable. La feuille de route vise ainsi une formation d’ici à 2025 de 6 500 cadres hospitaliers et d’ici à 2027 de l’ensemble des agents de la fonction publique hospitalière ;
- mobilités durables : favoriser des modes de transport à faible émission pour les professionnels et les patients ;
- impact environnemental du numérique : réduire l’empreinte écologique des technologies numériques en santé.
Pour ce qui est de l’axe des soins écoresponsables, l’Anap et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ont, dans ce cadre, lancé un appel à contributions afin de partager des initiatives de bonnes pratiques écoresponsables dans le soin en 2022.17 Près de 400 initiatives écoresponsables ont ainsi été proposées par des professionnels de terrain dont une partie a pu être validée par un comité scientifique et rendue accessible en ligne sur la plateforme de partage des bonnes pratiques de l’Anap.18 Cet outil, libre et gratuit, permet aux professionnels d’accéder à des solutions concrètes dans leur environnement de travail tout en respectant un cadre éthique et réglementaire de qualité et de sécurité des soins. Ces initiatives incluent des réflexions sur la pertinence du soin, visant à réduire les surutilisations, les sous-utilisations (notamment dans l’utilisation de kits préconçus inadaptés) et le gaspillage des produits de santé.
Après un intense lobbying des fédérations, la réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique s’inscrit dans un cadre expérimental mené par quatre établissements pilotes dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024. Ces établissements expérimenteront le retraitement de ces dispositifs, sa faisabilité et la sécurité du processus.
Le manuel de certification des établissements de santé pour la qualité des soins de la Haute Autorité de santé (HAS) inclut depuis plusieurs années des critères relatifs aux risques environnementaux et aux enjeux de développement durable. La version 2025 du manuel de certification, parue fin janvier 2025, a densifié ses critères :19
- le critère 2.4 - 04 attend de l’établissement un engagement de ses équipes dans une réflexion afin d’assurer des soins écoresponsables : information des équipes sur les actions de l’établissement, réflexion pluriprofessionnelle sur la réalisation de soins écoresponsables, révision des protocoles de soins, évaluation des actions ;
- le critère 3.4 - 02 prévoit que l’établissement s’engage dans des soins écoresponsables : stratégie partagée avec les partenaires du territoire, procédures favorisant les achats écoresponsables, développement d’actions dans tous les pôles, un référent est désigné et les équipes sont sensibilisées à l’impact de leurs pratiques ;
- le critère 3.4 - 03 engage l’établissement à agir pour la transition écologique : stratégie ajustée aux risques environnementaux, promotion des mobilités durables, réduction des déchets à la source et tri par des filières adaptées, plan de rénovation des locaux mis en œuvre.
Si la majorité des secteurs économiques ont dû adopter des stratégies de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), les établissements de santé publics ne sont pas en reste. En effet, ces structures sont désormais tenues d’intégrer des démarches environnementales dans leur fonctionnement, notamment en incluant un volet écoresponsable dans leur projet d’établissement, fixant des objectifs et une trajectoire de réduction de leur empreinte carbone, conformément à l’article L6143 - 2 du code de la santé publique. Cette démarche s’inscrit dans un mouvement global visant à transformer les établissements de santé pour qu’ils deviennent des acteurs de la transition écologique.
Sociétés savantes : bonnes pratiques écoresponsables
Les sociétés savantes médicales, conscientes de l’impact environnemental de leurs pratiques, ont initié plusieurs démarches pour promouvoir des soins écoresponsables, alliant déontologie, éthique et engagement professionnel.
La Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) a été pionnière en la matière en 2016, en créant un groupe de travail dédié à l’écoresponsabilité, baptisé « Green Sfar ». Elle met à disposition des fiches pratiques et une charte d’engagement pour la mise en place de congrès médicaux à faible impact environnemental lors desquels la promotion de la transformation écologique doit être mise en avant par les congressistes, les intervenants et les exposants.
Parallèlement, plusieurs sociétés savantes et associations professionnelles ont uni leurs efforts en 2020 pour créer le Collectif écoresponsabilité en santé (Ceres), présidé par le Pr Patrick Pessaux. Ce collectif a pour objectif de diffuser la culture de l’écoresponsabilité au sein de la communauté médicale, promouvoir l’intégration de plans d’action écoresponsables dans le système de santé et favoriser la collaboration interdisciplinaire pour une approche globale du développement durable.
Pour en savoir plus
- Un hôpital Verdi : aggiornamento ou risorgimento ? Vers un droit de la transition écologique en santé. Rudy Chouvel, Revue Droit & Santé, n° 121, septembre 2024.
- Notes juridiques synthétiques de l’ Anap. https ://urls.fr/7n8Msa
- Notes juridiques FHF. Notes juridiques - Obligations portant sur les établissements | Fédération hospitalière de France. https ://urls.fr/pnP1MC
- Fiches mémo de la Cnam. Soins écoresponsables : de nouveaux mémos pour favoriser l’adoption de bonnes pratiques. Site ameli.fr, Pharmacien. https ://urls.fr/cd3_2v
2. World bank, healthcare without harm, climate-smart healthcare low-carbon and resilience strategies for the health sector, report, 2020. https://noharm-global.org.
3. Organisation mondiale de la santé. Guide E4As pour faire progresser la santé et le développement durable : ressources et outils pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Report, 2021.
4. WHO guidance for climate resilient and environmentally sustainable health care facilities 2020. https://urls.fr/bYeT5u
5. Le pacte vert pour l’Europe. https://urls.fr/YImbNc
6. L’ensemble des directives européennes est disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/
7. Healthcare without harm. Measuring and reducing plastics in the healthcare sector. Rapport 2021. https://noharm-europe.org
8. Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Réalisation d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre, établissements sanitaires et médico-sociaux. Guide sectoriel. 2019.
9. Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la gestion des déchets d’activités de soins dans le cadre de l’épidémie Covid-19. Novembre 2020.
10. Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Base de données Bilan carbone.
11. Whitmee S, Green R, Belesova K, et al. Pathways to a healthy net-zero future: Report of the Lancet Pathfinder Commission. Lancet 2024;403(10421):67-110.
12. The Shift Project. Décarboner la santé pour soigner durablement. Rapport final V2, avril 2023.
13. Loi EGalim. Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
14. Loi Agec. Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
15. WHO. Tobacco:poisoning our planet. 29 may 2022. https://urls.fr/fiF5xZ
16. Belgique. Serment d’Hippocrate de l’Ordre des médecins. « J’utiliserai de manière responsable les moyens que la société met à disposition et j’œuvrerai pour des soins de santé accessibles à tous ».
17. Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap). Webconférence Soins écoresponsables : ensemble à nous d’agir. https://urls.fr/Oqf6wb
18. Anap. Plateforme nationale des bonnes pratiques organisationnelles. https://urls.fr/YFFB2B
19. Haute Autorité de santé (HAS). Manuel de certification des établissements de santé pour la qualité des soins 2025. https://urls.fr/AAoGlu
Dans cet article
- Organisation des Nations unies et ses COP : un objectif en commun
- Organisation mondiale de la santé : des recommandations et des stratégies
- Union européenne : des engagements et un cadre législatif naissants
- Réglementations françaises pour un objectif de neutralité carbone en 2050
- Santé environnementale et santé publique : un cadre réglementaire pour favoriser la prévention
- Réglementation dans le domaine du soin
- Sociétés savantes : bonnes pratiques écoresponsables