Faisant partie des médicaments les plus prescrits, notamment dans la dépression et les troubles anxieux, les antidépresseurs sont souvent associés à une prise de poids, ce qui peut retentir sur la santé à long terme des patients ou sur leur adhésion au traitement. Dans ce contexte, une comparaison rigoureuse entre l’effet sur le poids de différents antidépresseurs en primoprescription aiderait à guider patients et médecins dans leur choix.
Afin de proposer une recherche solide à ce sujet difficile à mettre en œuvre sous la forme d’un essai randomisé, des chercheurs américains ont opté pour un essai randomisé « émulé ». Ce type d’étude définit d’abord un essai « cible », c’est-à-dire l’essai randomisé tel que les chercheurs l’auraient défini pour répondre à leur question, avant d’émuler cet essai à partir de données observationnelles.
Ici, les données observationnelles proviennent des dossiers médicaux électroniques (DME) de patients issus de huit systèmes de santé américains. L’essai « cible » concernait des adultes de 20 à 80 ans, sans antécédents d’utilisation d’antidépresseurs. Il aurait été un essai randomisé à huit bras, un par antidépresseur primoprescrit : sertraline (la référence choisie, car le plus communément prescrit), citalopram, escitalopram, fluoxétine, paroxétine, bupropion (prescrit hors AMM dans la dépression en France), duloxétine et venlafaxine. Son critère de jugement principal aurait été la différence entre la prise de poids des participants de chaque bras et le bras sertraline à 6 mois ; ses critères secondaires, la différence de poids à 12 et 24 mois, ainsi que la probabilité d’un gain de poids cliniquement significatif (≥ 5 % du poids initial) à ces différentes étapes.
Pour émuler cet essai à partir de données observationnelles, les chercheurs ont trié les patients de leur base de données selon l’âge, mais aussi l’histoire médicale évaluée grâce à leur DME. Il en résulte l’inclusion de 183 118 patients, compatibles avec l’essai cible, dans l’essai émulé. Parmi eux, le diagnostic associé à la primoprescription d’antidépresseurs était la dépression dans 36 % des cas, l’anxiété dans 39 % des cas et la douleur neuropathique dans 16 % des cas.
Les résultats de l’analyse en intention de traiter ont été publiés dans Annals of Internal Medicine. Par rapport à la sertraline, le gain de poids à 6 mois était similaire pour la fluoxétine. Il était légèrement supérieur, mais de manière significative, pour les molécules suivantes (classées par prise de poids moyenne décroissante) :
- escitalopram : + 0,41 kg ; IC95 % = [+ 0,31 kg ; + 0,52 kg]) ;
- paroxétine : + 0,37 kg ;
- duloxétine : + 0,34 kg ;
- venlafaxine : + 0,17 kg ;
- citalopram : + 0,12 kg.
En revanche, le bupropion était associé significativement à une moindre prise de poids que la sertraline (- 0,22 kg, IC95 %= [- 0,33 kg ; - 0,12 kg]).
La prise d’escitalopram, paroxétine et duloxétine était associée à un risque 10 % à 15 % plus élevé de prise de poids cliniquement significative à 6 mois par rapport à la prise de sertraline, tandis que le bupropion était associé à un risque 15 % plus faible.
Les effets à 12 et 24 mois étaient plus difficiles à évaluer, en raison de la faible adhésion au traitement.
Globalement, ces résultats montrent de faibles différences entre ces huit antidépresseurs, bien que le bupropion soit celui associé à la plus faible prise de poids.