Une anamnèse bien conduite et un examen systématique simplifié du pied permettent généralement de classer les douleurs de pied selon leur localisation (postérieure, moyenne et antérieure) et leur origine (mécanique ou non), orientant ainsi vers un diagnostic (tableau) et guidant le choix des examens complémentaires à prescrire.
Que rechercher à l’anamnèse ?
L’interrogatoire permet de détailler l’ancienneté des troubles, les circonstances de survenue, la modification éventuelle des symptômes en fonction du chaussage (chaussures ouvertes, fermées, professionnelles, de sport ou de marche). Chez le sportif, il est nécessaire de faire préciser le sport pratiqué, le statut amateur ou professionnel.
L’analyse du terrain et des antécédents est incontournable : calcul de l’indice de masse corporelle (IMC), recherche d’un diabète, de facteurs de risque cardiovasculaire, d’une artériopathie ou d’une maladie veineuse des membres inférieurs, d’une atteinte nerveuse centrale ou périphérique.
Enfin, les antécédents personnels et familiaux de goutte, de chondrocalcinose, de maladies rhumatismales (spondylarthropathie, polyarthrite), de traumatismes et de chirurgies doivent être recensés.
Observer le pied dans son environnement
Étude de la marche
Le patient doit être examiné en premier lieu pendant qu’il marche, à différentes vitesses, avec et sans chaussures. À noter que la marche est plus spontanée lorsque les pieds sont chaussés et non nus.
Cet examen doit permettre de :
- détecter des anomalies de locomotion (boiterie) ;
- détecter les asymétries de la marche (gauche/droite) ;
- observer la position de l’arche longitudinale du pied pendant la première moitié de la phase d’appui ;
observer un ralentissement ou une accélération de l’une ou l’autre des phases du pas (fig. 1) : lors de la phase taligrade, le pied attaque le sol par le bord postérolatéral du talon. Il peut exister une instabilité du talon en varus ou en valgus. À la phase plantigrade, le déroulement du pas est quelquefois exagérément reporté sur le bord médial ou latéral de la plante. À la phase digitigrade, la propulsion normale se fait sur le premier rayon ; il convient de rechercher un report sur les rayons médians ou latéraux.
Ne pas oublier de regarder les chaussures !
Les chaussures peuvent délivrer un certain nombre d’indices par :
- leur usure : externe (supination exagérée), interne (pronation exagérée) ;
- la présence d’éléments correctifs (des semelles, par exemple) ;
- l’impression de l’avant-pied sur la semelle informe sur la distribution des forces exercées par la plante du pied ;
- leur forme par rapport à celle du pied (pointue, large).
Mettre le patient debout : essentiel !
L’examen du patient en position debout est incontournable.
D’abord de face…
Cette position permet d’apprécier l’arche médiale du pied ainsi que la rotation du pied par rapport au tibia, à la hanche et au bassin : raccourcissement, varus, valgus, flexion, extension et/ou rotation excessive.
… puis de dos
Le but est ici d’observer l’angle entre l’axe de la jambe et celui du talon : il existe un valgus physiologique d’un angle de 5° de l’arrière-pied. La désaxation peut être en valgus ou en varus. Il faut aussi rechercher un comblement des gouttières rétromalléolaires et une modification du relief ou de l’aspect du calcanéum et du tendon d’Achille : tuméfaction, nodosité, bursite.
Examen podoscopique : à quoi ça sert ?
Le podoscope donne une vision directe, bien que statique, de l’appui plantaire et permet de diagnostiquer un pied plat ou un pied creux. Les points d’hyper-pression (correspondant souvent à des douleurs ou à des callosités) ou d’hypopression sont visualisés.
Il est donc utile de pouvoir disposer d’un podoscope en cabinet de médecine générale.
Prendre « le pied en main »
L’examen du pied en positions assise et couchée permet d’observer :
- la présence de varices, télangiectasies, érythème, œdème, ongle incarné, onychodystrophies, intertrigo, portes d’entrée infectieuses potentielles ;
- le tonus général des divers groupes musculaires et leur atrophie ;
- la présence de plages d’hyperkératose autour des talons, à la face plantaire de l’avant-pied (durillon, callosité), à la face dorsale des orteils (cors) ;
- l’existence d’une atrophie du capiton plantaire, donnant l’impression de palper les têtes métatarsiennes directement sous la peau.
Examen articulaire
Arrière-pied
Il convient de palper l’orifice latéral du sinus du tarse, situé 1 cm en-dessous et en avant de la malléole latérale. Une douleur exquise peut témoigner d’une entorse du ligament talocalcanéen inter-osseux ou d’une arthrose de la sous-talienne.On cherche également une laxité ou une ankylose de l’articulation sous-talienne.
Dans les talalgies, les points douloureux sont à rechercher sur la face postérieure, médiale, latérale du calcanéum, ou en couronne.
Médiopied
L’articulation médiotarsienne de Chopart peut être testée de manière globale.
L’interligne tarsométatarsien de Lisfranc est testé par un mouvement de prono-supination ou en mobilisant la base de chaque métatarsien (fig. 2).
Avant-pied
L’examen articulaire de l’avant-pied consiste à s’assurer de sa souplesse par le creusement passif de l’arche antérieure : avec ses deux pouces, l’examinateur exerce une pression par voie plantaire afin d’apprécier la déformation de l’avant-pied.
Dans les métatarsalgies inflammatoires, le squeeze test (ou test de Hopkinson) [fig. 3] permet de déclencher les douleurs lors de la pression transversale de l’avant-pied à hauteur des têtes métatarsiennes.
Le signe de Mulder (fig. 4) est recherché dans la métatarsalgie de Morton : exerçant un appui transversal de l’avant-pied d’une main, le pouce de l’autre main fait contre-appui sur chaque espace intermétatarsien successivement ; le but est de reproduire la douleur et de percevoir un « click » en mobilisant le névrome.
Les espaces intermétatarsiens sont aussi palpés, à la recherche d’une tuméfaction rénitente, évoquant une bursite.
Examen tendineux
Il consiste à explorer les tendons d’Achille, tibial postérieur et antérieur, péroniers ainsi que l’aponévrose plantaire.
Examen neurologique
Il permet d’éliminer une atteinte neurologique périphérique ou centrale, localisée ou diffuse. Il oriente vers une polyneuropathie, une atteinte radiculaire, un syndrome canalaire ou un névrome de Morton.
Examen vasculaire
Les pouls sont palpés, notamment ceux de l’artère dorsale du pied et de l’artère tibiale postérieure. Coloration, chaleur, trophicité et état veineux sont autant d’indices à repérer.
Je ne trouve pas… que faire ?
Certaines douleurs du pied peuvent émaner d’affections à distance dont les douleurs irradient vers le pied. Un des signes d’appel est une douleur localisée au pied dont l’examen est, par ailleurs, normal. Dans ce cas, il est indiqué de réaliser un examen du rachis et du membre inférieur.
2. Noreils F. Une étude de la marche dans le but de concevoir un robot bipède. ArtBot 2014. https://bit.ly/3UWa0Ng
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