Une extrasystole est une dépolarisation survenant prématurément par rapport à la dépolarisation prévue par le cycle cardiaque normal. Souvent bénignes, les ESV peuvent être le signe d’une pathologie cardiaque sous-jacente. Ainsi, toute découverte d’extrasystoles doit inciter à rechercher une éventuelle affection sous-jacente. Par ailleurs, les ESV peuvent entraîner une cardiopathie par elles-mêmes si elles sont fréquentes (> 10 000/j).
Causes et facteurs favorisants
Outre les maladies structurelles (fibrose, cardiomyopathie, infarctus, etc.), des pathologies non cardiaques peuvent être en cause : hyperthyroïdie, hypokaliémie, myopathies (ex : dystrophie myotonique), sarcoïdose, maladie de Chagas.
Stress, anxiété (via une hyperactivation sympathique), prise de stimulants (caféine, alcoolisation aiguë, tabac) sont des facteurs déclenchants.
Apnées du sommeil, obésité et usage de drogues sont également à considérer.
Clinique
La raison pour laquelle certains patients ressentent leurs extrasystoles et d’autres non n’est pas clairement comprise. Il s’agit le plus fréquemment d’épisodes de palpitations, de sensations de battement fort ou irrégulier voire plus rarement de dyspnée à l’effort ou malaise. Les symptômes ne sont pas proportionnels à la fréquence des ESV.
Le plus souvent, ces ESV sont découvertes de manière fortuite dans le cadre d’un bilan cardiologique systématique. Dans ce cas, il est essentiel d’interroger le patient sur d’éventuels symptômes passés (palpitations, pauses cardiaques, essoufflement, fatigue, étourdissements) qui auraient pu être minimisés. Une anamnèse minutieuse, y compris familiale, permet d’identifier les signes d’alerte (syncope inexpliquée, antécédents familiaux de morts subites précoces).
Bilan chez un patient asymptomatique
La démarche diagnostique chez un patient asymptomatique est de confirmer ou non l’existence d’une cardiopathie et évaluer le risque de complication.
Le bilan repose en première intention sur un ECG 12 dérivations, qui permet d’identifier l’origine des ESV et d’évaluer d’éventuelles anomalies associées. Certains signes sont en faveur d’une cardiopathie sous-jacente : ESV crochetées (figure ci-contre), larges et polymorphes ; sur les QRS de base (sinusaux) : ondes epsilon ou T négatives en V1 -V3, signes d’hypertrophie ventriculaire gauche, d’ischémie myocardique, aspect évocateur de syndrome de Brugada, repolarisation précoce marquée, QT long…1
Le holter ECG sur 24 heures permet d’estimer la charge en ESV (nombre/24 h) et leur répartition sur le nycthémère.
Au-delà de 500 ESV/24 h, une échocardiographie transthoracique est recommandée pour rechercher une cardiopathie structurelle, suivie éventuellement d’une IRM cardiaque.
Par ailleurs, il faut systématiquement rechercher un facteur général favorisant, comme une hyperthyroïdie (pouvant être favorisée par la prise d’amiodarone), une anémie, une hypokaliémie, une période de stress majeur ou la prise inhabituelle de certaines substances (alcool ou caféine à fortes doses)…
D’autres examens plus poussés sont à demander en fonction de la cause suspectée.
Pronostic
Les ESV sont associées à un risque accru d’événements cardiovasculaires, même chez les patients asymptomatiques.
Le principal facteur pronostique reste la présence d’une cardiopathie. Une charge élevée (> 10 000/j), la largeur du QRS (> 150 ms), leur polymorphisme, une dysfonction ventriculaire débutante et une fibrose myocardique objectivée par IRM sont des facteurs de mauvais pronostic.
Prise en charge
Chez les patients asymptomatiques, sans cardiopathie structurelle ni altération de la fonction ventriculaire gauche, aucun traitement n’est nécessaire. La rassurance est donc de mise, avec des conseils sur la réduction des éventuels facteurs déclenchants : caféine, alcool, stress, tabac...
Il existe deux grandes indications pour le traitement :
- la présence de symptômes ressentis chez les patients (en l’absence de pathologie cardiaque) : un bêtabloquant est généralement prescrit, ou éventuellement un antiarythmique de classe 1C, en tenant compte des CI et de la tolérance ; une ablation peut être proposée si la morphologie des ESV laisse présager une procédure simple, avec un taux de succès très élevé, permettant d’éviter un traitement antiarythmique à vie ;
- présence d’une altération de la FEVG (même en l’absence de symptômes) : au-delà d’une charge d’ESV > 10 000/j, il faut évoquer une relation de cause à effet ; dans ce contexte, le traitement vise à supprimer les extrasystoles, le plus souvent par ablation, dans l’objectif d’améliorer la fonction cardiaque.
Cas particuliers
L’exercice physique est déconseillé en cas de maladie génétique ou ischémique ; dans les autres cas, il est encouragé.
En fin de grossesse, les ESV sont fréquentes, souvent transitoires. Les bêtabloquants (métoprolol, bisoprolol) sont utilisables si besoin.
Chez les sportifs asymptomatiques, une évaluation spécialisée est recommandée.
Qu’en retenir ?
- La majorité des ESV sont bénignes, surtout en l’absence d’une cardiopathie.
- Il est crucial d’éliminer une pathologie cardiaque sous-jacente, même chez les patients asymptomatiques.
- La prise en charge dépend de la charge en ESV, des symptômes, des comorbidités et du risque individuel.
Pour en savoir plus
Lellouche N, Extramiana F. Comment évaluer et prendre en charge les extrasystoles ventriculaires ? Cardio-online 13 janvier 2025.
Elsan. La lettre hôpital privé Saint-Claude. Janvier 2022.
Scorza R. Asymptomatic ventricular extrasystoles. Eur Society Cardiol 4 février 2025.
ESC 2022 Guidelines on Ventricular Arrhythmias and the Prevention of Sudden Cardiac Death. Eur Society Cardiol 26 août 2022.