Une étude parue dans Cell montre que réaliser un rappel vaccinal au même endroit que la primovaccination (même bras, par exemple) favorise une réponse humorale plus robuste, et révèle les mécanismes moléculaires impliqués. Quels enseignements pour la pratique ?

Ce n’est pas la première publication allant dans ce sens. Des travaux précédents dans des modèles murins,1 mais aussi chez l'homme,2 ont suggéré qu’effectuer la deuxièmeinjection d’un vaccin au même endroit que la première pouvait améliorer la réponse immunitaire.

L’originalité de cette étude parue dans Cell réside dans le fait qu’elle en décrypte les mécanismes, en mettant en évidence le devenir et le profil migratoire des cellules B mémoire selon les cas (vaccination de rappel ipsilatérale ou controlatérale).3

Le devenir des cellules B mémoire dépend du site d’injection

Utilisant des modèles murins, les auteurs montrent qu’en cas de rappel ipsilatéral, les cellules B mémoire résidant dans les ganglions drainants – sites de drainage de la primovaccination – réintègrent à nouveau les centres germinatifs et continuent dès lors à réarranger leur BCR, donnant ensuite naissance à des plasmocytes capables de produire des anticorps plus affins. Ce processus est favorisé par l’interaction des cellules B avec les macrophages des sinus sous-capsulaires localisés dans les ganglions drainants. En revanche, en cas de rappel controlatéral, les cellules B mémoire circulants ou présents dans les ganglions non-drainants tendent à se différencier directement en plasmocytes, donc à produire des anticorps moins « performants ».

Pourconfirmer ces résultats chez l’homme, les auteurs ont vacciné 30 volontaires en bonne santé, sans antécédent d’infection par le SARS-CoV- 2, avec le vaccin BNT162b2. Comme attendu, la réalisation du rappel vaccinal dans le même bras que la primovaccination est associée à une réponse humorale plus rapide, à une production supérieure d’anticorps neutralisants dirigés contre les variants Delta, Omicron BA.1, BA.2 et BA.5, et à une diversité clonale accrue des cellules B.

Par ailleurs, les analyses transcriptomiques révèlent des programmes moléculaires distincts entre les cellules B mémoire des ganglions drainants et non-drainants, confirmant une spécialisationfonctionnelle liée à l’anatomie : les premières expriment davantage de gènes impliqués dans l’adhésion cellulaire et l’interaction avec les macrophages (notamment ICAM- 1), tandis que les deuxièmes ont un profil de circulation plus classique (expression de Klf2, Gpr183).

Enfin, la déplétion des macrophages sous-capsulaires via un anticorps anti-CSF1R abolit la capacité des cellules B mémoire à réintégrer les centres germinatifs, sans affecter leur survie, confirmant que ces macrophages, et non la nature intrinsèque des cellules B, orchestrent cette réponse complexe.

Ainsi, ce travail éclaire comment la localisation anatomique du rappel vaccinal influence la qualité de la réponse immunitaire secondaire, en révélant le rôle central des macrophages sous-capsulaires des ganglions lymphatiques drainants. Les auteurs en concluent qu’administrer les doses de rappel au même site anatomique que la primovaccination pourrait significativement améliorer la qualité, la rapidité et la diversité de la réponse humorale, particulièrement face à des pathogènes hautement mutables comme le SARS-CoV- 2.

Quels enseignements pour la pratique ? 

Si ces résultats invitent à reconsidérer la stratégie vaccinale, sont-ils vraiment transposables à la clinique et généralisables à tous les vaccins ?

« Pour ce qui est de la portée pratique de ces résultats, la question est complexe  », nous éclaire le Pr Jean-Daniel Lelièvre (immunologiste, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil) : « Ce type d’approche est sans doute intéressant pour les vaccinations proches (et non dans le cas d’un rappel tous les 20 ans). Pour ce qui concerne les vaccins avec rappels itératifs et rapprochés (grippe, Covid- 19), l’analyse de l’impact clinique est rendue difficile par l’immunité hybride, car on a souvent des infections intercurrentes qui viennent complexifier le tableau. Malgré ces incertitudes, je pense tout de même qu’il est préférable de vacciner dans le même bras, en tout cas lors d’une primovaccination avec des vaccins inertes (en effet, ce mécanisme n’est pas vrai pour les vaccins vivants atténués) ».

Références
1. Kuaroka M, Yeh C-H, Bajic G, et al Recall of B cell memory depends on relative locations of prime and boost immunizationSci Immunol 2022;7(71):eabn5311.
2. Ziegler L, Klemis V, Schmidt T, et al. Differences in SARS-CoV-2 specific humoral and cellular immune responses after contralateral and ipsilateral COVID-19 vaccination.  EbioMedicine 2023;95:104743.
3. Dhenni R, Carey Hoppé A, Reynaldi A, et al. Macrophages direct location-dependent recall of B cell memory to vaccinationCell 28 avril 2025.

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