Cette étude observationnelle à large échelle a évalué la mortalité liée à Alzheimer parmi 443 professions aux États-Unis. Les certificats de décès de plus de 9 millions de personnes (National Vital Statistics System), décédées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022, ont été étudiés en tenant compte de l’âge au décès et de facteurs socioéconomiques (ex : niveau d’étude).
Toutes professions confondues, 3,88 % (N = 348 328) d’entre eux sont décédés d’Alzheimer, dont 1,03 % (N = 171/16 658) chez les chauffeurs de taxi et 0,74 % (N = 10/1 348) chez les chauffeurs d’ambulance. Après correction, ces deux groupes présentaient la plus faible proportion de décès dus à Alzheimer : 1,03 % et 0,91 %, respectivement. Le traitement de données spatiales chez les chauffeurs de taxi et d’ambulance, notamment la navigation en temps réel, serait un facteur explicatif clef, ce que corrobore une étude récente sur des cyclistes.2 Bien que ces professions n’empêcheraient pas de développer Alzheimer, elles diminueraient le risque d’en mourir. Cette tendance n’a pas été observée dans d’autres professions liées au transport qui utilisent des itinéraires prédéterminés (conducteurs d’autobus [3,11 % de décès dus à Alzheimer] et pilotes de ligne [4,57 %]) ni pour d’autres types de démences (vasculaire ou non spécifiée).
Ces résultats pourraient s’expliquer par des caractéristiques neurologiques, notamment dans l’hippocampe2 qui est impliqué dans la mémoire spatiale et est aussi la première structure atteinte en cas d’Alzheimer, causant désorientation spatiale et troubles de la mémoire (les premiers symptômes de la maladie). Une étude3 avait d’ailleurs démontré que l’hippocampe des chauffeurs de taxi est significativement plus grand que chez les cas témoins.
Malgré certaines limites (absence de lien de causalité, biais de sélection possible dans ces professions demandant un effort de mémoire intense, facteurs confondants), cette étude ouvre la réflexion sur la mise en place d’activités cognitives à titre préventif pour cette pathologie qui représente un coût de santé publique très lourd en France (32 milliards €, soit 37 000 €/an/patient4). Par ailleurs, il serait pertinent de mener de nouvelles études pour évaluer l’impact des outils d’aide à la navigation (GPS) et de l’IA sur les capacités cognitives des chauffeurs de taxis et d’ambulances et sur la population en général.
2. Hou C, Zhang Y ; Zhao F, et al. Active Travel Mode and Incident Dementia and Brain Structure. JAMA Net Open 2025;8(6);e2514316.
3. McGuire EA, Gadian DG, Johnsrude IS, et al. Navigation-related structural change in the hippocampi of taxi drivers. Pnas 2000;97(8);4398-403.
4. Haut Conseil de la Santé Publique. Prévention de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Décembre 2017.