Le diagnostic de syndrome de fatigue chronique est clinique, bien qu’une atteinte dysimmunitaire ait été mise en évidence depuis longtemps. Des scientifiques anglais ont développé un test sanguin prometteur, ayant une sensibilité à 92 % et une spécificité à 98 %. Ce test pourrait aussi permettre d’identifier les patients susceptibles de répondre à certaines thérapies.

Touchant 130 000 à 270 000 personnes en France (surtout des femmes), l’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) est une maladie sans traitement spécifique, qui se caractérise par une fatigue permanente invalidante depuis au moins 6 mois, des malaises survenant après un effort physique (même peu important), un sommeil non réparateur et des difficultés cognitives ou une intolérance orthostatique. Encore mal comprise, cette maladie multifactorielle ne dispose pas de test diagnostique basé sur des biomarqueurs, malgré de nombreuses pistes de recherche impliquant des signatures immunitaires. Les raisons ? L’identification difficile de biomarqueurs universels de cette maladie, au tableau clinique hétérogène ; la faible reproductibilité des études ; le manque de validation des cibles candidates sur de grandes cohortes. Résultat, le diagnostic actuel d’EM/SFC repose uniquement sur des critères cliniques peu spécifiques, avec à la clé un risque de diagnostic retardé, voire inexact.

Conformations chromosomiques

Des chercheurs de plusieurs universités anglaises ont donc travaillé à développer un nouveau test de l’EM/SFC, fondé sur des marqueurs sanguins. Sa particularité repose sur l’utilisation de nombreuses signatures épigénétiques appelées conformations chromosomiques, qui renseignent sur la manière dont le génome est replié sur lui-même en 3D dans la cellule. Certaines variations de ces conformations chromosomiques, en reflétant un contact anormal entre portions d’ADN régulant l’expression génétique, peuvent corréler avec un état pathologique.

Pour rechercher les conformations chromosomiques associées à l’EM/SFC, les chercheurs ont utilisé une cohorte de 47 patients (âge moyen = 45 ans, 83 % de femmes, un sex-ratio fidèle à celui retrouvé dans l’EM/SFC sévère) et 61 sujets contrôle (âge moyen = 50 ans, 36 % de femmes). Les patients inclus devaient avoir 20 à 80 ans et souffrir d’EM/SFC sévère (maintien à domicile). Les critères d’exclusion comportaient tout antécédent de maladie chronique, de cancer, de maladie auto-immune, de thérapie génique et de biothérapie. Les sujets contrôle avaient 20 - 80 ans également, aucun historique d’un des symptômes clés de l’EM/SFC (précédemment listés), ainsi que les mêmes critères d’exclusion que les patients d’EM/SFC.

Une spécificité de 98 %

Les résultats sont parus le 8 octobre 2025 dans la revue scientifique Journal of Translational Medicine. Après avoir analysé la présence d’un million de conformations chromosomiques différentes dans les échantillons sanguins d’une sous-cohorte de 23 patients et de 16 sujets contrôle, les chercheurs ont retenu comme test de l’EM/SFC la recherche de 200 conformations chromosomiques. En fonction de la présence de tout ou partie de ces marqueurs dans l’échantillon sanguin d’une personne, un modèle de classification détermine si elle souffre d’EM/SFC ou non. Les 200 biomarqueurs épigénétiques sélectionnés étaient ceux qui avaient l’abondance la plus marquée parmi les patients atteints d’EM/SFC, en comparaison du groupe contrôle (tous avaient une p-value ≤ 0,01, indiquant une différence significative d’abondance intergroupe, ainsi qu’un score d’abondance > 1,2 en valeur absolue).

En évaluant ce test sur le reste de la cohorte initiale (24 patients, 45 sujets contrôle), une sous-cohorte de validation considérée comme indépendante par les auteurs, car elle n’a pas été employée pour choisir les conformations chromosomiques utilisées dans le test de l’EM/SFC, les chercheurs trouvent une spécificité de près de 98 % (IC 95 % = [88,23 % ; 99,94 %]), et une sensibilité de près de 92 % (IC 95 % = [73,00 % ; 98,97 %]). Pour les auteurs, ce résultat souligne l’intérêt d’utiliser comme test diagnostique des marqueurs épigénétiques répartis sur toute la longueur du génome.

Un besoin de validation à plus grande échelle

Toutefois, la petite taille de la cohorte de validation nécessite d’évaluer ce modèle diagnostique sur de plus larges cohortes, issues d’autres données rétrospectives et prospectives. De plus, le fait de s’être restreint à des patients souffrant d’EM/SFC sévère avec maintien à domicile pour élaborer ce test peut restreindre sa généralisabilité.

Enfin, un autre intérêt de ce nouveau test diagnostique est qu’il permet de distinguer des associations de signatures épigénétiques, impliquées, selon les patients, dans le dysfonctionnement de différentes voies de signalisation. Bien qu’exploratoires, ces informations pourraient permettre à l’avenir de caractériser les patients par les voies de signalisation altérées dans leur EM/SFC, afin de leur proposer un traitement immunosuppresseur selon les résultats du test – par exemple, identifier des patients susceptibles de répondre au rituximab, un candidat traitement qui semble efficace chez certains patients.

Référence
Hunter E, Alshaker H, Bundock O, et al. Development and validation of blood-based diagnostic biomarkers for Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome (ME/CFS) using EpiSwitch® 3-dimensional genomic regulatory immuno-genetic profiling.  J Trans Med 8 octobre 2025.
Pour en savoir plus :
Trautmann A. La fatigue chronique, un symptôme trop souvent négligé.  Med Sci 2021;37(10):910-9.
Ranque B. Replay JNMG 2023. S’orienter devant une plainte de fatigue chronique.  Rev Prat (en ligne) 24 octobre 2023.
Cathebras P, Toinon M. Fatigue chronique.  Rev Prat Me Gen 2024;28(925):549-54.
De Korwin JD. Le syndrome de fatigue chronique, une maladie qui épuise.  The Conversation 10 septembre 2020.

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