La fièvre est un symptôme fréquent et n’est pas toujours liée à une infection. La fièvre prolongée est définie par une température centrale supérieure ou égale à 38,3 °C, le soir, à plusieurs reprises pendant au moins trois semaines, mesurée dans de bonnes conditions : à distance des repas et après vingt minutes de repos. Idéalement, la voie axillaire ou buccale est préférée, en majorant la température mesurée de 0,5 °C pour obtenir la température centrale.1 La fièvre prolongée est dite inexpliquée lorsque aucune cause n’est retrouvée après trois consultations ou trois jours d’hospitalisation. Sont abordées ici les hypothèses diagnostiques et les examens complémentaires à réaliser pour s’orienter.2 Le cas du patient immunodéprimé n’est pas traité.

Orientation diagnostique : répéter l’examen clinique !

Il n’existe pas d’algorithme validé permettant de décrire la séquence des signes cliniques et paracliniques à rechercher pour aboutir au diagnostic étiologique de fièvre prolongée. L’examen clinique est une étape essentielle de l’enquête. Il ne faut pas hésiter à le répéter à chaque consultation.

L’anamnèse consigne les éléments suivants :

  • traitements en cours et arrêtés (surtout antibiothérapie et anti-inflammatoires) ;
  • antécédents personnels ou familiaux de cancer, déficit immunitaire, maladie auto-immune ;
  • implantation de matériel étranger (prothèse, pacemaker…), gestes invasifs et dentaires ;
  • exposition (professionnelle ou non) aux animaux, piqûres, morsures ;
  • contact professionnel ou de loisir avec une eau douce ou avec les eaux usées ;
  • séjour en zone tropicale, notion de contage, en particulier tuberculeux ;
  • prise de toxiques ;
  • pratiques sexuelles.
 

L’examen physique doit être rigoureux, à la recherche d’un foyer infectieux, d’une adénopathie périphérique, d’une hépatosplénomégalie, d’une masse palpable. Un examen gynécologique doit être proposé aux femmes, ainsi qu’un examen de la prostate et des organes génitaux aux hommes. 

Il est souvent utile de demander au patient une courbe thermique, avec un relevé de la température pendant plusieurs jours ; cela permet de documenter la fièvre et de rechercher un rythme qui peut orienter vers une cause.

Plus de deux cents causes possibles !

Il existe plus de deux cents causes de fièvre prolongée. Les données épidémiologiques sont indicatives et très variables selon les séries. On distingue trois causes principales : infectieuses, néoplasiques et inflammatoires.

Maladies infectieuses

Les causes infectieuses représentent 40 % des cas.

Infections bactériennes

Il peut s’agir :

  • de la tuberculose ;
  • d’une endocardite infectieuse ;
  • de foyers suppurés d’organes creux ;
  • d’une infection bactérienne intra-cellulaire (fièvre Q, brucellose, maladie de Whipple, bartonellose) ;
  • d’une infection à mycobactérie atypique ;
  • de la syphilis ;
  • de la leptospirose qui est à évoquer devant une fièvre, des frissons et des arthromyalgies chez un patient s’étant baigné en eau douce (pêche, activités nautiques…).

Infections virales

  • La primo-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) doit être évoquée devant toute fièvre chez un sujet ayant des conduites à risque.
  • Devant un syndrome mononucléosique (fièvre, arthromyalgies, adénopathies, asthénie), il faut également évoquer une primo-infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV) ou par le cytomégalovirus (CMV), à rechercher par des sérologies.
  • Les hépatites virales aiguës (A, B, E) peuvent être responsables de fièvre et de cytolyse hépatique. 
  • Enfin, il faut penser à la dengue lorsque le patient a séjourné en zone d’endémie. La fièvre est en général élevée, associée à des céphalées, des nausées et/ou des vomissements. En cas de suspicion de dengue, le patient est adressé en milieu hospitalier. À noter que le nombre de cas croît chaque année en France métropolitaine, notamment sur le pourtour méditerranéen.

Infections parasitaires

Paludisme

Le paludisme est une urgence diagnostique et thérapeutique qu’il faut toujours évoquer devant une fièvre au retour d’une zone d’endémie. Le patient doit être interrogé sur l’existence et l’observance de la prophylaxie antipaludique.

Amibiase

L’amibiase est une infection due à Entamoeba histolytica. Elle est contractée par voie fécale-orale, dans les régions du monde où les conditions d’accès à l’eau potable sont difficiles. Elle peut être asymptomatique. Les infections extra-intestinales comprennent les abcès hépatiques, qui se traduisent par une hépatalgie fébrile, et plus rarement des abcès pulmonaires.

Leishmaniose

Les leishmanioses sont des maladies parasitaires provoquant des affections cutanées ou viscérales très invalidantes, voire mortelles en absence de traitement.

La leishmaniose cutanée est en général bénigne. La leishmaniose viscérale se manifeste par une fièvre, une hépatosplénomégalie, et nécessite une prise en charge hospitalière urgente. C’est une maladie endémique dans une centaine de pays dans le monde, mais les cas augmentent ces dernières années en France métropolitaine, notamment sur le pourtour méditerranéen.

Toxoplasmose

La toxoplasmose est le plus souvent asymptomatique chez le sujet immunocompétent. Elle peut plus rarement se traduire par un syndrome mononucléosique. Le diagnostic est confirmé par sérologie et PCR.

Infections fongiques

Elles sont rares chez le sujet immunocompétent et sont favorisées par l’immunodépression (cancer solide, hémopathie, greffe de moelle, patient greffé d’organe). Il peut s’agir de la candidose, la cryptococcose, l’histoplasmose et l’aspergillose invasive.

Affections malignes : hémopathies et tumeurs solides

Devant une fièvre prolongée, les cancers solides et les hémopathies doivent être évoqués. Ils représentent 20 à 30 % des cas. Les cancers solides les plus pourvoyeurs de fièvre sont les cancers du rein, de l’ovaire, du foie, de l’estomac, du pancréas, du côlon et de la thyroïde. 

Les hémopathies malignes sont une cause de fièvre prolongée, en particulier les lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens ainsi que les leucémies aiguës. Les anomalies biologiques avec cytopénies sont souvent majeures dans la leucémie aiguë, mais sont parfois plus discrètes dans les lymphomes (élévation des lactates déshydrogénases [LDH] non systématique, cytopénies et syndrome inflammatoire biologique inconstants).

Maladies inflammatoires 

Elles correspondent à 10 % des cas.

Vascularites

Les vascularites peuvent s’accompagner de fièvre. Parmi elles, la plus fréquente après l’âge de 50 ans est l’artérite à cellules géantes (encadré 1), avec des céphalées au premier plan, les douleurs inflammatoires des ceintures scapulaires et pelviennes en cas de pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) associée. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Le syndrome inflammatoire biologique est quasi constant.

Les vascularites des petits vaisseaux, notamment les vascularites à anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), peuvent s’accompagner de fièvre, mais les manifestations d’organes sont en général au premier plan.

La périartérite noueuse, vascularite rare touchant les vaisseaux de moyen calibre, doit être évoquée devant une altération de l’état général, avec un amaigrissement et une asthénie majeure, des myalgies et fréquemment de la fièvre. 

Rhumatismes inflammatoires

Les arthropathies microcristallines (goutte, chondrocalcinose articulaire) sont fréquemment fébriles et s’accompagnent d’un syndrome inflammatoire biologique parfois majeur (protéine C-réactive [CRP] autour de 100 mg/L).

À l’inverse, dans les rhumatismes inflammatoires chroniques, dont les spondylarthropathies, la fièvre est rarement marquée. Seule exception : la maladie de Still, rhumatisme inflammatoire rare caractérisé par des épisodes de fièvre associés à une éruption cutanée, accompagnés ou non d’arthralgies. Une pharyngite est fréquemment associée. La fièvre est intermittente et survient fréquemment le soir. L’hospitalisation est souvent nécessaire pour réaliser les examens et poser le diagnostic. 

Maladies inflammatoires chroniques du tube digestif

Elles peuvent s’accompagner de fièvre, mais la symptomatologie digestive est en général au premier plan. 

Maladies auto-inflammatoires

Elles sont à évoquer devant des épisodes de fièvre récurrents associés à un syndrome inflammatoire biologique (élévation de la CRP) lors de la poussée. La plus fréquente est la fièvre méditerranéenne familiale, maladie génétique rare autosomique récessive qui touche les patients originaires du bassin méditerranéen, en particulier Turcs, Arméniens, Juifs séfarades et Maghrébins. Le diagnostic est confirmé par une analyse génétique, réalisée dans un centre spécialisé. 

Connectivites

Les connectivites (lupus systémique, syndrome de Gougerot-Sjögren) et les myosites s’accompagnent rarement de fièvre ; les symptômes cutanés, articulaires et musculaires sont au premier plan. La fièvre chez ces patients doit avant tout faire rechercher une complication infectieuse.

Autres causes

Maladies thromboemboliques

Les thromboses peuvent être responsables d’une fébricule. 

Causes endocriniennes  

L’hyperthyroïdie et le phéochromocytome peuvent être source de fièvre prolongée.

Hématome profond

L’hématome profond est rarement spontané. Le plus souvent, il se produit en contexte d’anticoagulation.

Fièvre factice

Il convient parfois d’hospitaliser le patient quelques jours afin de vérifier l’existence de la fièvre (encadré 2).

Iatrogénie

Cela reste un diagnostic d’élimination. Les médicaments les plus fréquemment incriminés sont les antibiotiques et les antiépileptiques. Il faut rechercher des signes biologiques de gravité (hyperéosinophilie, cytolyse hépatique, syndrome inflammatoire). 

Bilans de première et deuxième intentions

Le bilan à réaliser en première intention est détaillé dans l’encadré 3.

En l’absence de diagnostic après ce premier bilan, le patient est en général adressé en hospitalisation pour des explorations de deuxième intention. Elles comprennent un bilan auto-immun avec anticorps antinucléaires et anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), des sérologies virales selon l’anamnèse et une échographie cardiaque transthoracique. Si le scanner TAP est normal, la réalisation d’un TEP scanner est à discuter.4 L’intérêt du TEP a été démontré dans les fièvres d’origine indéterminée, en particulier chez les patients âgés de plus de 50 ans et ceux ayant un syndrome inflammatoire biologique marqué (CRP élevée).5

L’hospitalisation est aussi l’occasion de surveiller la fièvre et de réaliser une courbe thermique.

Les signes d’alerte devant une fièvre prolongée sont listés dans l’encadré 4.

Devenir des patients

Le pronostic dépend, bien sûr, de la cause de la fièvre. Les facteurs de mauvais pronostic sont, outre la malignité, l’âge, la fièvre continue (par opposition à la fièvre épisodique), l’anémie, la leucopénie, un taux élevé de LDH et la présence d’une hépatomégalie.6 

Encadre

1. Chez le patient de plus de 60 ans, penser à l’artérite à cellules géantes !

En cas de fièvre ou de fébricule avec syndrome inflammatoire persistant, associée ou non à des céphalées, il faut penser à l’artérite à cellules géantes. Le diagnostic est urgent, en raison du risque élevé de complications ophtalmologiques graves, pouvant occasionner une cécité définitive. Il faut prendre contact rapidement avec un centre hospitalier afin de réaliser les examens complémentaires diagnostiques (échographie des artères temporales et/ou TEP scanner et/ou biopsie de l’artère temporale) sans retarder l’initiation de la corticothérapie.

Encadre

2. Un cas particulier de fièvre : le syndrome d’activation macrophagique

Le syndrome d’activation macrophagique (SAM)3 est lié à une stimulation inappropriée des cellules macrophagiques dans la moelle osseuse et le système lymphoïde, ce qui entraîne une phagocytose anormale des éléments figurés du sang et la libération de cytokines pro-inflammatoires. Le SAM associe des signes cliniques peu spécifiques dont fièvre, altération de l’état général, hépatosplénomégalie et/ou adénopathies, et des éléments biologiques évocateurs (bi- ou pancytopénie, cytolyse hépatique, baisse du fibrinogène, augmentation des LDH, de la ferritinémie et des triglycérides sériques, hyponatrémie). Le diagnostic est confirmé par un examen cytologique (myélogramme) ou histologique retrouvant l’hémophagocytose. Chez l’adulte, ce syndrome est essentiellement secondaire à diverses affections :

  • hématologiques (notamment lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens) ;
  • infectieuses : virales (EBV, CMV, HHV8), bactériennes (tuberculose, leishmaniose) ;
  • auto-immunes (lupus systémique, maladie de Still…).
Encadre

3. Premier bilan en cas de fièvre prolongée

Examens biologiques :

  • hémogramme, frottis sanguin (recherche d’un syndrome mononucléosique) ;
  • ionogramme sanguin, créatininémie ;
  • bilan hépatique complet ;
  • protéine C-réactive (CRP) ;
  • ferritinémie ;
  • hémocultures ;
  • sérologies VIH, toxoplasmose, EBV, CMV ;
  • examen cytobactériologique des urines (ECBU) ;
  • calcémie, albuminémie ;
  • électrophorèse des protéines plasmatiques ;
  • thyréostimuline (TSH), créatine phosphokinase (CPK), lactate déshydrogénase (LDH).

Examens d’imagerie : 

  • scanner thoraco-abdomino-pelvien ;
  • scanner des sinus en cas de point d’appel.
Encadre

4. Drapeaux rouges devant une fièvre prolongée

Cliniques :

  • altération marquée de l’état général ;
  • amaigrissement ;
  • adénopathies et/ou hépatosplénomégalie.

Paracliniques :

  • cytopénies ;
  • élévation des LDH et/ou de la ferritinémie.
Références 
1. Durack DT, Street AC. Fever of unknown origin reexamined and redefined. Curr Clin Top Infect Dis 1991;11:35‑51.
2. Carmoi T, Grateau G, Billhot M, et al. Les fièvres prolongées : problématique chez l’adulte jeune. Rev Med Interne 2010;31(12):838‑45.  
3. Karras A, Hermine O. Syndrome d’activation macrophagique. Rev Med Interne 2002;23(9):768‑78.  
4. Bleeker-Rovers CP, Vos FJ, Mudde AH, et al. A prospective multi-centre study of the value of FDG-PET as part of a structured diagnostic protocol in patients with fever of unknown origin. Eur J Nucl Med Mol Imaging 2007;34(5):694‑703.
5. Schönau V, Vogel K, Englbrecht M, et al. The value of 18F-FDG-PET/CT in identifying the cause of fever of unknown origin (Fuo) and inflammation of unknown origin (Iuo): Data from a prospective study. Ann Rheum Dis 2018;77(1):70‑7. 
6. Vanderschueren S, Eyckmans T, De Munter P, et al. Mortality in patients presenting with fever of unknown origin. Acta Clinica Belgica 2014;69(1):12‑6. 
7. Collège des enseignants de médecine interne. Fièvre prolongée. 2021.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

La fièvre prolongée est un motif de consultation qui nécessite une enquête approfondie et un examen clinique complet.

Chez le sujet de plus de 50 ans, en présence d’un syndrome inflammatoire biologique, il faut penser à l’artérite à cellules géantes, dont la prise en charge est urgente.

La présence d’une altération marquée de l’état général, d’un amaigrissement et/ou d’adénopathies avec hépatosplénomégalie justifie une orientation rapide vers un centre hospitalier afin de compléter les explorations.