Compte tenu de son action anti-inflammatoire, la colchicine à faible dose peut être prescrite en prévention secondaire chez les patients ayant eu un syndrome coronaire aigu. Mais les résultats parus dans le NEJM d’un vaste essai portant sur plus de 7 000 patients remettent en question sa place dans cette indication.

L’inflammation joue un rôle certain dans la physiopathologie de la maladie coronaire. Ainsi, ces dernières années, plusieurs études ont évalué l’efficacité et la sécurité de la colchicine dans la prévention secondaire post-syndrome coronaire aigu, avec des résultats hétérogènes. Tout récemment, les résultats d’un vaste essai semblent trancher.

Point sur les études récentes

L’étude COLCOT parue en 2019 dans le NEJM a comparé la colchicine à faible dose (0,5 mg par jour) à un placebo chez des patients ayant eu un infarctus du myocarde dans les 30 jours avant le début du traitement (médiane de 13,5 jours). Le critère de jugement principal était composite : mortalité cardiovasculaire, arrêt cardiaque non fatal, infarctus du myocarde, AVC ou hospitalisation urgente pour angine de poitrine avec nécessité d’une revascularisation coronaire. Après un suivi médian de 22,6 mois, 5,5 % d’événements sont survenus dans le groupe colchicine vs 7,1 % dans le groupe placebo, soit une différence significative (hazard ratio = 0,77 ; IC95 % : 0,61 à 0,96, p = 0,02). Cependant, si l’on examine chaque composant du critère principal, on note une réduction significative des AVC et des revascularisations coronaires en urgence avec la colchicine, mais aucune différence dans la survenue d’infarctus du myocarde ou dans la mortalité cardiovasculaire ou toutes causes.

En 2020, dans une autre étude parue dans Circulation , les patients ayant eu un syndrome coronaire aigu ont été répartis en deux groupes : colchicine (1 mg par jour pendant 30 jours puis 0,5 mg par jour) ou placebo. Le critère principal comprenait mortalité toutes causes, syndrome coronaire aigu, revascularisation coronaire urgente (cause ischémique) et AVC non cardioembolique. Après un suivi de 12 mois, les résultats montrent qu’il n’y avait pas de différence significative dans le critère principal composite entre les deux groupes mais que le taux de mortalité toutes causes était significativement plus élevée dans le groupe colchicine (8 vs 1 ; p = 0,017).

Enfin, en novembre 2024, le New England Journal of Medicine publie une vaste étude randomisée incluant 7 062 patients dans 14 pays différents (CLEAR). L’objectif était d’évaluer le bénéfice au long cours de la colchicine (0,5 mg) en cas d’introduction précoce (moins de 30 h) après un syndrome coronaire. Les patients ont été suivis pendant une durée médiane de 3 ans. Le critère principal était composite : mortalité cardiovasculaire, récidive d’infarctus du myocarde, AVC ou revascularisation coronaire urgente (pour cause ischémique). Aucun effet dans la réduction du critère composite (9,1 % vs 9,3 %) ou de ses composants n’a été retrouvé.

Vers un changement des recommandations ?

Dans les  recommandations européennes de 2024 (European Society of Cardiology, ESC), la colchicine à faible dose (0,5 mg par jour) a une place dans la prévention d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients atteints de syndrome coronaire chronique avec une coronaropathie athéromateuse : les auteurs indiquent que sa prescription « devrait être considérée » (ce qui correspond à une recommandation de classe IIa avec un niveau de preuve A, c’est-à-dire s’appuyant sur des « données issues de plusieurs essais cliniques randomisés » ; tableau ci-contre). Cette position sera probablement nuancée à la lumière des données de l’étude CLEAR.

Par ailleurs, d’après la Société française de pharmacologie et thérapeutique, « il faut aussi prendre en compte le profil de sécurité de la colchicine, surtout chez des patients d’emblée fragiles en période aiguë post-infarctus ». L’étude COLCOT rapporte plus de cas de pneumonie (0,9 % vs 0,4 % ; p = 0,03), nausées (1,8 % vs 1,0 %, p = 0,02) et flatulences (0,6 % vs 0,2 %, p = 0,02) dans le groupe colchicine ; l’étude CLEAR retrouve une augmentation significative de diarrhées (10,2 % vs 6,6 % ; p < 0,001).

Pour en savoir plus
Tardif JC, Kouz S, Waters DD, et al. Efficacy and Safety of Low-Dose Colchicine after Myocardial Infarction.  N Engl J Med 2019;381:2497-505.
Tong DC, Quinn S, Nasis A, et al. Colchicine in Patients With Acute Coronary Syndrome: The Australian COPS Randomized Clinical Trial.  Circulation 2020:142(20).
Jolly SS, d’Entremont MA, Lee SF, et al. Colchicine in Acute Myocardial Infarction.  N Engl J Med 17 novembre 2024.
Vrints C, Andreotti F, Koskinas KC, et al. 2024 ESC Guidelines for the management of chronic coronary syndromes: Developed by the task force for the management of chronic coronary syndromes of the European Society of Cardiology (ESC) Endorsed by the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Hearth J 2024;45(36):3415-37.
Société française de pharmacologie et de thérapeutique. #F022 Pas d’indication de la colchicine dans la prévention secondaire post-syndrome coronaire aigu.  Pharmacofact 19 décembre 2024.

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