L’obésité est une pathologie multifactorielle actuellement considérée comme une maladie des centres régulateurs du poids avec une forte prédisposition génétique dont l’expression est modulée par les facteurs de l’environnement (mode de vie, manque de sommeil, facteurs épigénétiques, etc.).
La contribution de la génétique1, 2 est actuellement schématisée de la façon suivante : les obésités monogéniques non syndromiques et syndromiques (environ 5 % des obésités) et l’obésité dite polygénique (obésité commune) qui est la situation la plus souvent rencontrée (95 % des cas).3 Les déterminants environnementaux interagissent étroitement avec les facteurs génétiques pour conduire au déséquilibre de la balance énergétique.1 Il s’agit de déterminants précoces pré- et post-nataux incluant les phénomènes épigénétiques, sociétaux (mode d’alimentation, niveau d’activité physique) ou psychologiques pouvant provoquer une dysrégulation du contrôle de la balance énergétique et conduire à un excès pondéral. Ces derniers sont le plus souvent un facteur déclenchant qui révèle ou aggrave une prédis- position à l’obésité, en particulier chez l’enfant.

Obésités monogéniques non syndromiques

L’impact de la génétique est ici majeur et très peu dépendant des facteurs environnementaux. Ces obésités sont principalement causées par des mutations dans les gènes de la voie leptine-mélanocortines qui joue un rôle clé dans le contrôle de la prise alimentaire (v. figure).4 Elles sont majoritairement de transmission autosomique récessive et caractérisées par des obésités sévères le plus souvent associées à des anomalies endocrines ou parfois neurodéveloppementales.3, 4 L’évolution pondérale est rapide, avec une obésité se développant dès les premiers mois de vie, le plus souvent sans rebond d’adi-posité, associée à une hyperphagie majeure. D’autres phénotypes y sont souvent associés et notamment des anomalies endocriniennes chez l’adulte (tableau 1).3, 4
Les obésités liées aux mutations du gène MC4R se situent entre les formes exceptionnelles d’obésité monogénique et les formes polygéniques. Elles représentent environ 2 % des obésités de l’enfant et de l’adulte. 3, 4 L’obésité est de sévérité plus variable, soulignant le rôle de l’environnement et d’autres facteurs génétiques modulateurs.5 Récemment, d’autres gènes ont été impliqués comme le récepteur de type 3 aux mélanocortines (MC3R).6-8
Le diagnostic précoce de ces for-mes monogéniques rares est capital dans la mesure où des traitements spécifiques sont maintenant possibles. C’est le cas de la leptine en cas de déficit en leptine et plus récemment de l’alpha-mélanocortine (α-MSH), agoniste pharmacologique de MC4R.9, 10

Obésités syndromiques

Elles sont évoquées en cas d’obésité sévère de début précoce (avant 6 ans) associée à une déficience intellectuelle, des traits dysmorphiques, un syndrome polymalformatif, des anomalies neurosensorielles (ophtalmologiques ou surdité) et/ou des anomalies hypothalamo-hypophysaires.3, 4L’histoire médicale retrouve souvent une hypotonie néonatale, des troubles du comportement (impulsivité, intolérance à la frustration), en particulier alimentaire (impulsivité alimentaire, vols ou chapardages alimentaires) et des troubles cognitifs (retard du développement psychomoteur, difficultés d’apprentissage, déficit intellectuel, troubles du langage) [tableau 2]. Il existe le plus souvent des éléments dysmorphiques, des anomalies des extrémités (polydactylie, brachy-métacarpie par exemple), et parfois des anomalies endocriniennes (insuffisance hypothalamo-hypophysaire le plus souvent). Les syndromes de Prader-Willi et de Bardet-Biedl sont les plus fréquents.3, 4 Une obésité syndromique doit donc être suspectée devant une obésité complexe dans la mesure où une prise en charge spécifique est indispensable. De nouvelles thérapeutiques sont actuellement en développement.11
Devant toute suspicion d’obésité génétique rare, qu’elle soit syndromique ou monogénique (tableau 2), il est recommandé de réaliser un bilan endocrinien (axes hypophysaires) et morphologique (radiographies à la recherche d’anomalies osseuses, imagerie par résonance magnétique cérébrale en cas de déficience intellectuelle et/ou hypophysaire en cas d’anomalies hypothalamo-hypo-physaires, électrorétinogramme si suspicion de dystrophie rétinienne, échographie cardiaque et abdominale à la recherche d’une anomalie développementale). Le diagnostic génétique doit ensuite être discuté et éventuellement confié à des spé-cialistes (généticiens cliniciens ou centres de référence des maladies rares). Nous avons développé un outil web permettant aux cliniciens de les aider dans la démarche diagnostique (tableau 2) d’une obésité génétique chez l’enfant ou chez l’adulte (ObsGen).*

Obésité polygénique

L’obésité polygénique est la situation la plus commune mais aussi la plus complexe sur le plan physiopatho-logique. Elle résulte en effet de l’interaction de nombreux facteurs génétiques de prédisposition avec les facteurs environnementaux. Cependant, l’identification des gènes impliqués reste limitée.3 À ce jour, aucun gène majeur n’a été mis en évidence même si l’exploration du génome par les approches à large échelle a permis d’identifier près d’une vingtaine de gènes associés à la corpulence, comme le gêne FTO.12 L’effet cumulatif de plusieurs variants pourrait avoir un impact négatif sur le phénotype. Ainsi, un travail récent a montré que le développement d’une obésité polygénique est le résultat d’une trajectoire pondérale dès les premières années de vie sous l’influence de multiples facteurs génétiques de prédisposition variables d’un individu à l’autre en interaction avec l’environnement, ce qui expli-que la grande variété des tableaux cliniques.13

Épigénétique et obésité

L’épigénétique se définit comme les modifications, sous l’influence de facteurs environnementaux, de la transcription et de l’expression des gènes sans modifier la séquence de l’ADN (hyper- ou déméthylation de sites CpG) mais entraînant des modifications à long terme des fonctions biologiques.3 Ces mécanismes ont été initialement évoqués pour expliquer les origines fœtales des maladies cardiovasculaires (théorie de Barker). Puis d’autres études ont suggéré l’effet cumulatif de facteurs génétiques et épigénétiques dans l’obésité.14 Ainsi, un variant entraînant une hyperméthylation du gène POMC impliqué dans la voie leptine-mélanocortines a récemment été associé à un risque d’obésité précoce par réduction de l’expression de ce gène.15

Grande variabilité phénotypique

Si l’obésité est reconnue pour être une maladie complexe dans sa prise en charge, la compréhension de sa physiopathologie l’est tout autant. En effet, les facteurs de prédisposition sont multiples, interagissant entre eux mais aussi avec les différents facteurs de l’environnement aboutissant à une grande variabilité du phénotype et à des réponses thérapeutiques personnalisées. L’élucidation de ces différents acteurs et l’identification de nouveaux gènes grâce aux outils de criblage moléculaire de plus en plus performants devraient permettre dans un futur proche d’aboutir à une médecine personnalisée (traitements médicamenteux ciblés selon l’anomalie génétique identifiée et/ou prise en charge globale multidisci-plinaire, voire chirurgie bariatrique selon les situations cliniques). 
Références
1. Tounian P. Programming towards childhood obesity. Ann Nutr Metab 2011;58:30-41.
2. Silventoinen K, Jelenkovic A, Sund R, et al. Genetic and environmental effects on body mass index from infancy to the onset of adulthood: an individual-based pooled analysis of 45 twin cohorts participating in the COllaborative project of Development of Anthropometrical measures in Twins (CODATwins) study. Am J Clin Nutr 2016;104:371-9.
3. Pigeyre M, Yazdi FT, Kaur Y, Meyre D. Recent progress in genetics, epigenetics and metagenomics unveils the pathophysiology of human obesity. Clin Sci (Lond) 2016;130:943-86.
4. Huvenne H, Dubern B, Clément K, Poitou C. Rare genetic forms of obesity: clinical approach and current treatments in 2016. Obes Facts 2016;9:158-73.
5. Dubern B, Bisbis S, Talbaoui H, et al. Homozygous null mutation of the melanocortin-4 receptor and severe early-onset obesity. J Pediatr 2007;150:613-7, 617.E1.
6. Ehtesham S, Qasim A, Meyre D. Loss-of-function mutations in the melanocortin-3 receptor gene confer risk for human obesity: A systematic review and meta-analysis. Obes Rev 2019;20:1085-92.
7. Saeed S, Bonnefond A, Tamanini F, et al. Loss-of-function mutations in ADCY3 cause monogenic severe obesity. Nat Genet 2018;50:175-9.
8. van der Klaauw AA, Croizier S, Mendes de Oliveira E, et al. Human semaphorin 3 variants link melanocortin circuit development and energy balance. Cell 2019;176:729-42.e18.
9. Kühnen P, Clément K, Wiegand S, et al. Proopiomelanocortin deficiency treated with a melanocortin-4 receptor agonist. N Engl J Med 2016;375:240-6.
10. Clément K, Biebermann H, Farooqi IS, et al. MC4R agonism promotes durable weight loss in patients with leptin receptor deficiency. Nat Med 2018;24:551-5.
11. Allas S, Caixàs A, Poitou C, et al. AZP-531, an unacylated ghrelin analog, improves food-related behavior in patients with Prader-Willi syndrome: a randomized placebo-controlled trial. PLoS One 2018;13:e0190849.
12. Choquet H, Meyre D. Molecular basis of obesity: current status and future prospects. Curr Genomics 2011;12:154-68.
13. Khera AV, Chaffin M, Wade KH, et al. Polygenic prediction of weight and obesity trajectories from birth to adulthood. Cell 2019;177: 587-96.e9.
14. Bell CG, Finer S, Lindgren CM, et al. Integrated genetic and epigenetic analysis identifies haplotype-specific methylation in the FTO type 2 diabetes and obesity susceptibility locus. PLoS One 2010;5:e14040.
15. Kuehnen P, Mischke M, Wiegand S, et al. An alu element-associated hypermethylation variant of the POMC gene is associated with childhood obesity. PLoS Genet 2012;8:e1002543.

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Résumé

L’obésité est une pathologie complexe multifactorielle considérée comme une maladie des centres régulateurs du poids. La contribution de la génétique est constante mais variable selon les situations, qui comprennent les formes rares d’obésité monogénique non syndromique et syndromique (environ 5 % des obésités) et l’obésité dite polygénique (ou obésité commune) qui est la situation la plus souvent rencontrée (95 % des cas). Les facteurs environnementaux (déterminants précoces pré- et post-nataux, sociétaux ou psychologiques) interagissent toujours étroitement avec les facteurs génétiques impliqués. La meilleure compréhension de ces différents acteurs devrait permettre d’aboutir dans le futur à une véritable médecine personnalisée (traitements médicamenteux ciblés selon l’anomalie génétique identifiée et/ou prise en charge globale multidisciplinaire, voire chirurgie bariatrique, selon les situations cliniques).