Le syndrome de Guillain-Barré (SGB), ou polyradiculonévrite aiguë, relativement rare (environ 0,85 cas pour 100 000 habitants par an en Europe), est la première cause de neuropathie aiguë paralysante dans le monde. Sa gravité potentielle impose un diagnostic et une prise en charge urgentes.
Si sa forme typique est un déficit sensitivomoteur périphérique symétrique ascendant, les symptômes et leur gravité varient considérablement selon les patients (v. encadré), avec des formes atypiques comme la motrice pure (dite AMAN), le syndrome de Miller-Fisher ou la pharyngo-cervico-brachiale.
Les critères diagnostiques ont été simplifiés récemment par la Société européenne de neurologie et la Société des neuropathies périphériques, modifiant ainsi les anciens critères de Brighton qui dataient de 2011.
Trois critères cliniques
Alors que les critères de Brighton associaient des arguments cliniques, biologiques et électrophysiologiques, les nouvelles recos permettent de poser le diagnostic en présence de seulement trois arguments cliniques :
- faiblesse progressive des bras et des jambes (si elle commence classiquement aux jambes, d’autres localisations sont possibles dans les formes atypiques) ;
- abolition ou diminution des réflexes tendineux dans les membres concernés ;
- aggravation progressive sur une durée de moins de 4 semaines (pour la distinguer de la polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique, considérée comme l’équivalent chronique du SGB).
D’autres éléments peuvent venir étayer le diagnostic :
- atteinte relativement symétrique ;
- symptômes sensoriels relativement légers voire absents ;
- atteinte des nerfs crâniens (en particulier paralysie faciale bilatérale) ;
- dysautonomie ;
- insuffisance respiratoire (due à une faiblesse musculaire) ;
- douleur (musculaire ou radiculaire, au niveau du dos ou d’un membre) ;
- antécédents récents d’infection (< 6 semaines) – qui concernent environ deux tiers des patients –, voire d’un autre déclencheur comme une intervention chirurgicale.
L’encadré ci-dessous contient une description détaillée des principaux symptômes des formes typique et atypiques du SGB.
Quelle place pour les examens paracliniques ?
Alors qu’elle était considérée essentielle auparavant, l’analyse du liquide cérébrospinal n’est plus recommandée de façon systématique. Sa réalisation n’est préconisée qu’en cas de doute ou pour exclure des diagnostics différentiels (v. tableau). Une hyperprotéinorachie et un nombre de leucocytes < 50 cellules/µL sont en faveur d’un SGB, mais une protéinorachie normale ne l’exclut pas (elle est fréquente au cours de la première semaine de la maladie) ; un nombre de leucocytes > 50 cellules/µL doit faire évoquer d’autres pathologies (méningoradiculite, par exemple).
Le dosage sérique d’anticorps anti-gangliosides, qui n’est pas conseillé de façon systématique non plus, peut être utile en présence d’un tableau évocateur de certaines formes atypiques. En effet, la présence de ces anticorps, le plus souvent d’isotype IgG, est caractéristique de certains variants : syndrome de Miller-Fisher et encéphalite de Bickerstaff (anticorps anti-GQ1b) ; formes motrices pures (anticorps anti-GM1 et GD1a) ; formes pharyngo-cervico-brachiales (anticorps anti-GT1a et GQ1b).
L’électroneuromyogramme est utile surtout pour exclure des diagnostics différentiels et permet de préciser le type d’atteinte, mais cette dernière utilisation n’est pas jugée utile car elle n’a pas de répercussion sur le traitement. Réalisé trop tôt, il peut apparaître normal et doit être répété par la suite.
Aucun examen d’imagerie n’est recommandé pour diagnostiquer le SGB. Leur intérêt principal est d’éliminer un diagnostic différentiel dans les formes atypiques, en particulier lorsqu’une atteinte cérébrale ou médullaire est suspectée.
Tableaux cliniques du syndrome de Guillain-Barré
Dans sa forme typique démyélinisante, le SGB prend la forme d’un déficit sensitivomoteur débutant aux membres inférieurs et en distalité, de façon globalement symétrique, et remontant en quelques jours au niveau des membres supérieurs, du tronc et de la face. Des signes d’une atteinte du système nerveux central, y compris confusion, aphasie, hémianopsie ou syndrome pyramidal, doivent remettre en question le diagnostic de SGB.
Des signes sensitifs précurseurs peuvent s’y associer : paresthésies distales touchant les pieds et/ou les mains le plus souvent, notamment ; ataxie proprioceptive s’aggravant à la fermeture des yeux. En cas d’atteinte sévère, la pallesthésie, l’examen du sens de position du gros orteil et l’épreuve de préhension aveugle sont altérés.
L’atteinte motrice est typiquement ascendante. En phase de plateau, elle concerne le plus souvent les quatre membres et prédomine au niveau des ceintures. Il s’agit d’une atteinte périphérique, caractérisée par une aréflexie ostéotendineuse et une paralysie dite « flasque » ou non rigide. Sa sévérité peut être quantifiée à l’aide du score MRC (Medical Research Council). L’atteinte de la face (mono- ou diplégie faciale) et les troubles oculomoteurs ne sont pas rares ; celle des muscles respiratoires et/ou oropharyngés peut engager le pronostic vital : une dyspnée en décubitus dorsal, des toussotements à l’ingestion de liquide ou la difficulté à tousser pour dégager ses voies aériennes doivent alerter en ce sens.
L’atteinte du système nerveux autonome, d’intensité variable, se caractérise par des sensations de flushs, des sueurs, une gastroparésie ou des troubles vésicosphinctériens. Les manifestations cardiovasculaires (labilités tensionnelles et de la fréquence cardiaque, arythmie) sont un critère de sévérité.
Les douleurs radiculaires ou musculaires sont particulièrement fréquentes chez les enfants et peuvent compliquer le diagnostic.
Certaines formes rares ou variantes ont un tableau clinique atypique :
- la forme motrice pure sans atteinte sensitive, dite AMAN est une forme axonale plus sévère que la forme démyélinisante. L’AMSAN (Acute Motor and Sensory Axonal Neuropathy) est une forme axonale plus rare qui associe une atteinte sensitive à l’atteinte motrice ;
- le syndrome de Miller-Fisher est une forme le plus souvent bénigne, caractérisée par une ophtalmoplégie, une ataxie et une aréflexie. En cas de trouble de la conscience associée, une encéphalite de Bickerstaff doit être évoquée ;
- la forme pharyngo-cervico-brachiale (dite PCB), rare, se caractérise par une atteinte motrice du pharynx, du cou et des muscles proximaux des membres supérieurs donnant une allure de tête tombante associée à des troubles de la déglutition ;
- la diplégie faciale associe une atteinte faciale périphérique bilatérale et des paresthésies distales des membres.
À lire aussi :
Calligaris C, Mazeraud A, Legouy C, et al. Syndrome de Guillain-Barré. Rev Prat Med Gen 2024;38(1085);139-44.