L’hémogramme, ou numération formule sanguine (NFS), est l’examen biologique le plus prescrit en France. C’est un outil essentiel pour dépister, explorer ou suivre de nombreuses pathologies. Le point sur les indications et règles d’interprétation dans cette fiche pratique.

D’après : Choquet S. Comment lire une NFS ? (Rev Prat 2019 ;33(1026) ;613 - 4) et Gauthier N. Item 212. Hémogramme chez l’adulte et l’enfant : indications et interprétations.  (Rev Prat 2023 ;73(8) ;909 - 14).

Quelles indications ?

Les indications de l’hémogramme sont très nombreuses (liste non exhaustive) :

  •  signes d’appel évoquant une baisse d’une ou plusieurs lignées sanguines :
    • syndrome anémique (pâleur, asthénie, dyspnée, tachycardie, souffle systolique…),
    • syndrome hémorragique (hématome, purpura, ecchymose…),
    • syndrome infectieux, notamment inexpliqué, sévère, persistant ou récidivant,
    • ictère ;
  • signes d’appel évoquant une augmentation d’une ou plusieurs lignées sanguines :
    • syndrome d’hyperviscosité (érythrose cutanée, prurit aquagénique, acouphènes, vertiges…),
    • syndrome tumoral, notamment ganglionnaire, hépatosplénomégalie,
    • altération de l’état général (asthénie, amaigrissement, anorexie…),
    • exploration d’une thrombose veineuse et/ou artérielle ;
  • en dehors de toute symptomatologie, il fait partie du bilan :
    • recommandé au 6e mois de grossesse,
    • en médecine du travail ou de dépistage,
    • en préopératoire,
    • en préthérapeutique ou de suivi.

Certaines situations cliniques imposent la réalisation d’un hémogramme en urgence (encadré 1).

Première lecture rapide : 3 règles

1. Dans la section initiale, concernant les globules rouges, ne tenir compte que de l’hémoglobine (Hb) et du VGM, les autres anomalies n’ayant pas d’intérêt ;

2. Ne regarder que les chiffres absolus et oublier les pourcentages. En effet, une NFS peut être considérée à tort comme anormale pour le logiciel du laboratoire (c’est surtout le cas lorsque les valeurs des lignées blanches ou des plaquettes sont dans l’extrême basse ou haute de la normalité) ;

3. En période d’infection, surtout bactérienne, la NFS est souvent perturbée ; un 2e contrôle après l’épisode aigu n’est préconisé qu’en cas d’anémie normo- ou macrocytaire, augmentation des neutrophiles, hausse des monocytes.

Certaines anomalies doivent alerter le prescripteur et orienter le patient en urgence vers un hématologue (encadré 2).

Anomalies de la lignée rouge

Ce sont les plus fréquentes. Premier réflexe : regarder le VGM. En dessous de 80 µm3, l’anémie est microcytaire ; au-dessus de 100, elle est macrocytaire ; entre les deux, elle est normocytaire. En l’absence d’anémie, un VGM bas ou élevé doit conduire aux mêmes explorations.

Anémie microcytaire

Deux grandes causes : le syndrome inflammatoire et la carence martiale. Le bilan doit alors comporter 1 à 2 marqueurs inflammatoires et une ferritinémie. La VS seule n’est pas conseillée, car une anémie en elle-même peut la faire augmenter légèrement.

En cas de syndrome inflammatoire, une ferritinémie normale ou haute ne peut éliminer une carence : il faut doser le récepteur soluble de la transferrine, indépendant de l’inflammation et augmenté en cas de déficit en fer. Explorations digestives et avis gynécologiques ne sont recommandés qu’en cas de carence martiale.

En l’absence de carence et d’inflammation, on s’oriente vers une thalassémie. L’électrophorèse de l’Hb permet de poser le diagnostic. Les formes hétérozygotes ne sont pas considérées comme pathologiques, elles peuvent s’associer à une anémie modérée et stable dans le temps ; l’électrophorèse ne détecte que les traits thalassémiques bêta (augmentation de l’hémoglobine A2) et non les alpha.

Macrocytaire

Le premier réflexe est de demander le taux de réticulocytes. Si ce dernier est > 100 000/mm3, l’anémie est régénérative ; si non, elle est arégénérative. Les formes régénératives sont soit hémolytiques, soit des anémies en voie de guérison (les réticulocytes peuvent donner une macrocytose car ils sont plus gros que les érythrocytes), le VGM est alors < 100 µm3.

Paramètre clé, l’haptoglobine : un taux bas confirme une hémolyse ; si c’est le cas, pour différencier hémolyse immunologique et mécanique, il faut demander un test de Coombs direct (positif = immunologique) et rechercher des schizocytes au frottis (présence = mécanique) ; si ces deux examens sont normaux, on évoque une pathologie du globule rouge, surtout en cas d’antécédents familiaux (anémie, lithiases vésiculaires, ictère chronique, grosse rate…).

Devant une forme arégénérative, on prescrit un dosage des folates et de la vitamine B12, une TSH-us et une électrophorèse des protides sériques (un pic monoclonal peut faire croire à un VGM élevé sur automate, alors qu’il ne s’agit que du passage de plusieurs GR en rouleau ; dans ce cas, le VGM reste < 110 µm3).

Si ces examens sont normaux, il faut adresser le patient à un hématologue, un myélogramme étant en général nécessaire.

Normocytaire

Là aussi, il est nécessaire de demander le taux de réticulocytes. Si l’anémie est régénérative, il s’agit en général d’une anémie en voie de guérison ou d’une hémolyse (cf. supra).

Une anémie normocytaire peut être le résultat d’une forme microcytaire et d’une forme macrocytaire concomitantes. C’est une situation assez fréquente en gériatrie, en réanimation et chez les patients polypathologiques. Les examens cités précédemment sont donc justifiés. Si ces derniers sont normaux, adresser le patient en hématologie (myélogramme).

Anomalies des plaquettes

La thrombopénie est définie par un taux < 150 000 plaquettes/mm3. En cas de baisse modérée (> 100 000/mm3), il faut rechercher au frottis des agrégats plaquettaires ; on peut demander une NFS sur tube citraté afin d’éliminer une agrégation à l’EDTA (non pathologique). Dans les autres situations, il est conseillé de confier le patient à un hématologue ou à un interniste, pour rechercher une infection (VIH, VHB…), un terrain auto-immun, une cause iatrogène et effectuer éventuellement un myélogramme. S’il y a un syndrome hémorragique, cet avis ne doit pas attendre.

On parle de thrombocytose au-dessus de 450 000 plaquettes/mm3. Les deux causes principales à éliminer sont une carence en fer et un syndrome inflammatoire. En dehors de ces causes, un avis spécialisé est indispensable.

Anomalies de la lignée blanche

En cas d’anomalies multiples des blancs, ou d’une anémie et/ou une anomalie des plaquettes concomitante, un avis spécialisé est recommandé. L’exception est le syndrome inflammatoire qui peut associer anémie micro-/macrocytaire, thrombocytose, hyperleucocytose à neutrophiles et monocytose.

Neutrophiles

L’hyperleucocytose, lorsqu’elle est isolée, est rarement inquiétante. Elle reflète le plus souvent une infection, un syndrome inflammatoire ou est secondaire à une corticothérapie.

Les neutropénies modérées (> 1 000/mm3), surtout si chroniques, sont volontiers bénignes, par margination excessive des neutrophiles (adhérents à la paroi des capillaires). En dessous de 1 000 neutrophiles/mm3, il faut arrêter les traitements non essentiels et demander un avis spécialisé ; en dessous de 500 neutrophiles/mm3, toute fièvre est une urgence.

Lymphocytes

Toute hyperlymphocytose nécessite un frottis, notamment pour éliminer une leucémie aiguë ; dans les autres cas, l’immunophénotypage des lymphocytes circulants permet de faire le diagnostic. Les lymphopénies imposent une sérologie VIH et un bilan auto-immun (lupus, PR). Elles peuvent aussi être iatrogènes (immunosuppresseurs, corticothérapie…).

Monocytes

L’hypermonocytose isolée est rarement inquiétante ; elle peut être secondaire à un syndrome inflammatoire ou une infection. En cas de taux élevé ou d’association avec une anémie et/ou une thrombopénie, un avis spécialisé est requis, notamment pour éliminer une leucémie myélomonocytaire chronique.

La baisse des monocytes ne nécessite pas d’exploration, sauf si proche de 0 (éliminer une leucémie à tricholeucocytes et demander un avis spécialisé).

Éosinophiles

Les causes d’hyperéosinophilie (taux > 600/mm3) sont multiples : infections, maladie de système, allergie, hémopathie. Un avis spécialisé est parfois nécessaire, notamment pour en évaluer la toxicité. Aucune exploration n’est recommandée devant une baisse.

Basophiles

Leur augmentation est en faveur d’une hémopathie myéloïde (LMC notamment) et impose un avis hématologique. En cas de baisse, pas d’exploration.

Encadre

1. Quand réaliser un hémogramme en urgence ?

État de choc

Pâleur intense

Angine ulcéronécrotique ou résistante aux antibiotiques

Hyperthermie après une prise médicamenteuse, notamment post-chimiothérapie cytotoxique

Syndrome hémorragique, notamment un purpura pétéchial extensif, des bulles hémorragiques intrabuccales

Purpura fébrile

Syndrome tumoral ganglionnaire

Encadre

2. Anomalie de l’hémogramme : quand adresser en urgence ?

Certaines anomalies doivent alerter et imposent d'orienter le patient en urgence vers un hématologue :

  • hémoglobinémie < 6 g/dL chez l’adulte et l’enfant, ou < 11 g/dL chez le nourrisson, ou toute anémie mal tolérée (dyspnée, douleur thoracique…) ;
  • neutropénie sévère < 0,5 g/L, a fortiori agranulocytose avec un taux de polynucléaires neutrophiles (PNN) < 0,2 g/L (risque infectieux majeur) ;
  • thrombopénie < 20 g/L, même en l’absence de syndrome hémorragique ;
  • hyperleucocytose avec cellules immatures (blastes).
Pour en savoir plus
Choquet S. Comment lire une NFS ?  Rev Prat 2019;33(1026);613-4.
Gauthier N. Item 212. Hémogramme chez l’adulte et l’enfant : indications et interprétations.  Rev Prat 2023;73(8);909-14.

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