L’herpès simplex virus de type 2 (HSV- 2) est la première cause d’ulcère génital dans de nombreux pays ; l’herpès simplex virus de type 1 (HSV- 1), habituellement limité à la sphère orofaciale, est désormais retrouvé, de manière croissante, au niveau génital.
En France, la séroprévalence est élevée : 18 % chez la femme et 14 % chez l’homme en population générale.
Aspects cliniques
Le diagnostic de l’herpès génital est clinique. La lésion de départ est une vésicule qui s’étend rapidement dans la région génitale (pénis, méat urétral, scrotum, vulve) et périanale (fesse, anus). La confluence de ces lésions primaires donne lieu à des ulcérations génitales.
La primo-infection (PI) – premier contact avec le virus de l’HSV – s’accompagne d’une séroconversion : elle est le plus souvent asymptomatique mais peut s’associer à des symptômes environ 7 jours après le premier contact. Chez la femme, elle se manifeste par une vulvite aiguë œdémateuse, érosive et hyperalgique associée à un risque de rétention aiguë d’urine (fig. 1). L’herpès peut atteindre le col de l’utérus mais les lésions cervicales sont dans 80 % des cas asymptomatiques. Chez l’homme, la symptomatologie est en général moins bruyante, plus proche d’un épisode de récurrence. Fièvre, myalgie, céphalées sont possibles les premiers jours de l’infection. La PI herpétique génitale peut s’accompagner d’une atteinte rectale et/ou anale (fig. 2), majoritairement chez la femme. Chez le patient immunodéprimé, la PI est fréquemment plus sévère et prolongée avec des ulcérations qui persistent et s’étendent en l’absence de traitement.
L’évolution des lésions herpétiques dure d’une à deux semaines. Les lésions disparaissent sans laisser de cicatrice. Il persiste un haut risque de contagiosité jusqu’à la cicatrisation des lésions.
La récurrence de l’herpès génital est définie par la réactivation de l’infection latente localisée dans les ganglions sensitifs sacrés. Elle est favorisée par divers facteurs (fièvre, stress, menstruation, effet mécanique des rapports sexuels…). Le tableau clinique est moins bruyant que la PI et de durée plus courte, d’environ 5 jours. Des prodromes (hypoesthésie, brûlures, prurit) sont fréquents dans les 24 h qui précèdent l’éruption. Cliniquement, on observe un bouquet vésiculo-pustuleux, évoluant vers des érosions (fig. 3). Le siège de la récurrence est en général fixe pour un même patient. Le tableau clinique peut-être moins typique avec des fissures, œdème vulvaire isolé ou discrètes érosions.
Pour rappel, les IST responsables d’ulcérations, comme le virus de l’herpès, majorent le risque de transmission et d’acquisition du virus du VIH et les patients co-infectés par le VIH et l’HSV- 2 ont plus de risque de transmettre le VIH à leur partenaire.
Ces nouvelles recommandations de la HAS concernent le traitement de l’herpès génital et sa récurrence dans différentes populations (adulte immunocompétent, femme enceinte, patient immunodéprimé).
Traitement de la primo-infection
Chez l’adulte immunocompétent
En première intention : valaciclovir per os 500 mg 2 x/j pendant 5 jours, en raison de sa meilleure observance ; en 2e intention : aciclovir 200 mg x 5/j pendant 5 jours.
Le famciclovir n’est pas recommandé en raison de l’absence d’essai clinique randomisé ou de méta-analyse le comparant aux autres antiviraux. Le traitement des formes graves nécessitant une hospitalisation repose sur l’aciclovir IV (fig. 4).
Autres traitements : l’aloe vera topique et l’imiquimod 1 % peuvent être proposés comme alternative en 2e intention lorsque les lésions herpétiques persistent à 5 jours. Les données scientifiques sont insuffisantes pour recommander une posologie précise. En raison d’une littérature scientifique limitée, ne sont pas recommandés : l’interféron alpha- 2 en sous-cutané et l’interféron alpha en IM ; l’aciclovir, la cabexolone 2 %, la cicloxolone 2 %, l’idoxuridine 30 % et l’interféron-béta topiques ; le cotrimoxazole 160/180 mg x 2/j, seul ou en association à l’aciclovir ; le Clinacanthus nutans 5 % topique.
Chez la femme enceinte
Le groupe de travail préconise le valaciclovir 500 mg 2 x/j en 1re intention pendant 5 jours ; l’aciclovir 200 mg x 5/j pendant 5 jours est suggéré en 2e intention.
Chez le patient immunodéprimé
Chez le patient vivant avec le VIH, le valaciclovir est préféré en 1re intention :
- chez l’immunodéprimé non sévère (IDNS) : 500 mg x 2/j pendant 5 jours ;
- chez l’immunodéprimé sévère (IDS) : 1 000 mg x 2/j pendant 10 jours.
En 2e intention, il est proposé l’aciclovir :
- chez l’IDNS : 200 mg x 5/j pendant 5 jours ;
- chez l’IDS : aciclovir 400 mg x 5/j pendant 10 jours (Grade AE).
Pour les autres patients immunodéprimés : valaciclovir 1 000 mg x 2/j pendant 10 jours ; aciclovir 400 mg x 5/j pendant 10 jours en 2e intention.
Traitement de la récurrence
Le traitement de l’épisode de récurrence a pour objectif de soulager le patient en réduisant la durée des symptômes ainsi que leur sévérité. Les patients peuvent bénéficier d’une ordonnance prescrite en amont, ce qui leur permet de prendre le traitement dès les prodromes. En effet, au-delà de 48 h du début des symptômes, l’efficacité du traitement curatif n’a pas été démontrée.
Chez l’adulte immunocompétent :
- en 1re intention le valaciclovir 2 000 mg x 2 pendant 1 jour ;
- en 2e intention : aciclovir 800 mg x 3/j sur 2 jours ou valaciclovir 500 mg x 2/j sur 3 jours ou famciclovir 1 000 mg x 2 pendant un jour (l’aciclovir topique n’est pas recommandé).
L’aloe vera topique et l’imiquimod 1 % peuvent être prescrits en 2e ligne. Traitements non recommandés : l’interféron-alpha et interféron béta, topique ; l’aciclovir, l’edoxubine 3 %, l’idoxuridine 20 %, l’idoxuridine 5 %, le foscarnet 0,3 % topiques ; la ribavirine (100 mg x 8/j), l’isoprinosine (500 mg x 2/j) ; les herbes médicinales chinoises.
Chez la femme enceinte :
- valaciclovir 500 mg x 2/j pendant 3 jours ;
- ou aciclovir 200 mg x 5/j pendant 5 jours.
Chez l’adulte immunodéprimé :
- patient vivant avec le VIH avec un taux de CD4 ≥ 200 mm3 : même traitement que l’adulte immunocompétent ;
- patient vivant avec le VIH avec un taux de CD4 < 200 mm3 et autres patients immunodéprimés : en 1re intention, valaciclovir 1 000 mg x 2/j pendant au moins 5 jours ou jusqu’à la guérison complète des lésions ; en 2e intention : aciclovir 400 mg x 5/j ou famciclovir 500 mg x 2/j pendant au moins 5 jours.
Prophylaxie
Les indications de la prophylaxie antiherpétique (appelée « traitement suppressif de la récurrence ») sont :
- épisodes fréquents de récurrences (≥ 4 à 6 par an) ;
- retentissement important sur la qualité de vie (sociale, sexuelle, professionnelle, psychologique) ;
- risque de transmission au partenaire ;
- sévérité des épisodes (hyperalgie, complications).
Le traitement est prescrit au long cours pour une durée minimale de 6 à 12 mois et doit donc être réévalué au moins une fois par an.
Chez le patient immunocompétent :
- en 1re intention, le valaciclovir 500 mg x 1/j ;
- en 2e intention : aciclovir 400 mg 2 x/j ou famciclovir à 250 mg x 2/j.
En cas de persistance de récurrence herpétique à 6 mois, le groupe de travail propose l’augmentation de la posologie du valaciclovir à 500 mg 2x/j et celle de l’aciclovir à 400 mg x 3/j.
Les traitements suivants ne sont pas recommandés : l’extrait de plante d’Echinacea purpurea, l’isoprinosine 500 mg x 2/j, le pritélivir ; le probiotique L. brevis par voie vaginale ; l’interféron-alpha en sous-cutané et l’interféron en intramusculaire ; l’aciclovir et l’interféron topiques ; les herbes médicinales chinoises.
Chez le patient vivant avec le VIH :
- aciclovir 400 mg 2 x/j ou valaciclovir 500 mg x 2/j pendant 6 à 12 mois, avec une réévaluation clinique annuelle ;
- en cas de persistance de récurrence herpétique à 6 mois : augmentation de la posologie d’aciclovir à 400 mg x 3/j ; il est possible de prescrire le famciclovir à 500 mg x 2/j en 2e intention.
Chez la femme enceinte, l’objectif de la prophylaxie est d’éviter la présence de lésion clinique à l’approche du terme et ainsi de diminuer le risque de césarienne pour herpès génital. En effet, l’herpès néonatal est associé à un risque majeur de décès ou de séquelles neurologiques par septicémie herpétique ou méningo-encéphalite herpétique. La prophylaxie est indiquée à partir de la 36e SA (32e SA si risque d’accouchement prématuré, grossesse gémellaire) chez la femme enceinte qui a eu un épisode d’herpès au cours de la grossesse : aciclovir 400 mg x 3/j ou valaciclovir 500 mg x 2/j de la 36e SA jusqu’à l’accouchement.
Les algorithmes résumant ces recommandations sont indiqués en figure 4 et 5.