L’Académie nationale de médecine, un an après le décès du Pr Alain Cribier, survenu le 16 février 2024, rend hommage à ce cardiologue interventionnel, à l’origine de la technique de remplacement percutanée de la valve aortique (transcatheter aortic_valve implantation [TAVI]), qui a constitué une véritable révolution dans la prise en charge du rétrécissement aortique.
Après ses études de médecine à Paris, Alain Cribier devient interne du CHU de Rouen en 1972 et part au Cedars-Sinai Medical Center à Los Angeles pour son post-internat. De retour à Rouen en 1977, il développe des alternatives à la chirurgie pour les nombreux patients porteurs de rétrécissement aortique récusés pour le remplacement valvulaire aortique (RVA) chirurgical. Il a été à l’origine de trois premières mondiales : en 1985, la première dilatation aortique percutanée avec la « valvuloplastie aortique à ballonnet » pour le rétrécissement aortique (RA) ; en 1992, la « commissurotomie mitrale faisant appel à un dilatateur métallique » pour traiter le rétrécissement mitral ; en 2002, après dix ans de recherche, la technique d’implantation percutanée transcathéter de valves aortiques (TAVI) pour le RA. Le marquage CE du TAVI et l’avis favorable de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la HAS, malgré la difficulté du parcours du TAVI, ont été obtenus en 2007. Reconnu alors par l’ensemble de la communauté médicale, le TAVI a été approuvé en 2019 par la Food and Drug Administration américaine. Plus de 4 millions de patients en ont bénéficié dans le monde et environ 21 000 procédures sont réalisées par an en France.Le rétrécissement aortique, pathologie grave, est la plus fréquente des valvulopathies. Son seul traitement, avant les innovations du Pr Cribier, était chirurgical, avec un risque souvent élevé.Sa physiopathologie, complexe, est proche de celle de l’athérosclérose. Il n’existe pas de traitement préventif. Le RVA constitue le seul traitement. Le RA reste longtemps asymptomatique, puis l’altération de la compliance ventriculaire entraîne une dysfonction diastolique et un effondrement de la performance du ventricule gauche responsable de l’apparition d’une symptomatologie : dyspnée d’effort, angor, syncope, puis insuffisance cardiaque, troubles du rythme, risque de mort subite. Lorsque les premiers symptômes apparaissent, le risque de mortalité à deux ans est de 50 % en l’absence de RVA. Un RA symptomatique est une indication classique du RVA.Le RVA chirurgical constitue le traitement historique. Il impose une anesthésie générale, l’ouverture du thorax, l’arrêt du coeur et la mise en place d’une circulation extracorporelle. Près de 40 % des patients sont récusés pour la chirurgie (grand âge, comorbidités sévères, état précaire…).De nombreuses études internationales donnent ses lettres de noblesse au TAVI dans le RA, d’abord chez les patients inopérables, puis chez les opérables quel que soit le risque chirurgical. La Heart Team (staff médico-chirurgical) est réglementaire pour poser l’indication d’un TAVI. Indiqué chez les patients porteurs d’un RA serré symptomatique récusés pour la chirurgie, le TAVI est devenu une alternative à la chirurgie chez tous les sujets opérables, quel que soit le risque chirurgical.Le TAVI consiste à implanter une bioprothèse valvulaire aortique par voie percutanée, sous anesthésie locale et contrôle radiologique, de façon rétrograde à partir d’une artère périphérique. La voie transfémorale est privilégiée dans plus de 92 % des cas. La voie carotidienne est une alternative. Deux types de bioprothèse sont disponibles : expansibles sur ballon et auto-expansibles. L’hospitalisation dure trois jours. La mortalité due au TAVI est inférieure (moins de 7 %) à celle de la chirurgie. Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), de saignement (voie fémorale), de passage en fibrillation atriale est moindre. Toutefois, le risque d’implantation d’un pacemaker est plus important avec le TAVI par rapport à la chirurgie. Avec un recul d’au moins dix ans, la durabilité des bioprothèses TAVI est identique à celle de la chirurgie.Les recommandations européennes de 2021 indiquent la chirurgie pour un patient de moins de 75 ans à bas risque chirurgical, la pose d’un TAVI chez les patients âgés de plus de 75 ans et TAVI ou chirurgie pour les autres patients. Aux États-Unis, le TAVI est proposé aux patients de plus de 65 ans. Cette activité est strictement encadrée (54 centres médico-chirurgicaux implanteurs autorisés en France).Les améliorations à venir porteront sur la durabilité de la valve, la simplification des procédures, la diminution des complications, l’amélioration du parcours de soins. Certains des patients traités par TAVI nécessiteront la pose d’une nouvelle valve, avec une sélection anatomique rigoureuse dès la première procédure, garantissant l’accès aux artères coronaires pour la deuxième.Les indications du TAVI devraient s’étendre au RA serré mais asymptomatique, aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque et porteurs d’un RA moyennement serré.
Michel Komajda (cardiologie, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, université Paris Sorbonne), Bernard Iung (cardiologie et maladies cardiovasculaires, AP-HP, hôpital Bichat, Université Paris Cité), Martine Gilard (cardiologie, CHU de Brest, université de Bretagne occidentale), Hélène Eltchaninoff (cardiologie, CHU et université de Rouen).
Séance du 11 février 2025 en hommage au Pr Alain Cribier.