Les guidelines actualisées de l’ESC viennent de paraître, avec une nouvelle classification de l’hypertension visant à simplifier la prise en charge, des seuils redéfinis selon le risque cardiovasculaire et des cibles plus strictes. Nouveautés dans le diagnostic et la prise en charge, conséquences pour la pratique et questions en débat…

Une nouvelle classification

Une nouveauté de ces recommandations est la disparition des différents grades d’HTA : fini les HTA de grade 1, 2 ou 3 ! Une classification simplifiée est proposée, avec 3 catégories :

  • PA ≥ 140/90 mmHg : hypertension
  • PA de 120 - 139/70 - 89 mmHg : « PA élevée » (nouvelle catégorie)
  • PA < 120/70 mmHg : « PA non élevée »
 

Ces valeurs correspondent à la pression artérielle de consultation, les équivalences en pression artérielle ambulatoire sont indiquées dans le tableau ci-contre.

D’où une prise en charge simplifiée en fonction de ces catégories (cf. ci-dessous).

Dépistage et diagnostic

La mesure de la PA doit être réalisée grâce à un brassard validé et adapté à la circonférence du bras du patient. Les appareils de mesure au poignet et ceux mesurant la pression artérielle centrale ne sont pas recommandés. Quant aux dispositifs sans brassard (« cuffless  ») et aux montres connectées – prometteurs car non invasifs et faciles d’utilisation –, ils n’ont pas été soumis aux mêmes protocoles de validation que les appareils traditionnels : il n’y a donc actuellement aucun consensus scientifique sur leur utilisation.

Les recos insistent sur le fait que, si la mesure en consultation sert avant tout au dépistage, en cas de suspicion d’HTA (PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg) ou de PA élevée associée à des facteurs de risque (cf. ci-dessous), le diagnostic doit toujours être confirmé par une automesure tensionnelle ou par une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA).

Évaluation du risque cardiovasculaire global

Les recos soulignent que la pression artérielle est une variable continue de risque. La prise en charge doit donc être centrée sur le risque cardiovasculaire global du patient, et non uniquement sur ses chiffres tensionnels.

Les facteurs de haut risque CV évoqués sont : insuffisance rénale chronique moyenne à sévère (DFGe < 60 mL/min/m² et/ou rapport albuminurie/créatininurie > 30 mg/g), maladie cardiovasculaire ou insuffisance cardiaque connue, diabète type 1 ou 2 à haut risque, hypercholestérolémie familiale, risque évalué par SCORE > 10 %. Trois scores permettent d’évaluer le risque d’événements cardiovasculaires à 10 ans : SCORE- 2, validé entre 40 et 69 ans ; SCORE- 2 -OP, validé après 70 ans ; SCORE- 2 -Diabetes adapté aux patients diabétiques.

Selon ces recos, il faut également prendre en compte les modificateurs du risque cardiovasculaire comme les complications gravidiques (diabète gestationnel, hypertension gravidique, prééclampsie), l’existence de maladies auto-immunes ou inflammatoires ou d’une maladie mentale, la séropositivité VIH, les antécédents familiaux d’atteinte d’athérosclérose prématurée, des conditions socio-économiques précaires, une origine ethnique « à haut risque » (Asie du Sud par exemple). Ces facteurs sont particulièrement utiles chez les patients à risque intermédiaire (entre 5 et 10 %) pour les reclasser éventuellement dans la catégorie des patients à haut risque.

Si une incertitude persiste dans l’évaluation du risque cardiovasculaire, d’autres examens peuvent être envisagés (mais avec un niveau de preuve faible) : score calcique coronaire, dosage de la troponine ou des BNP, mesure de la rigidité artérielle par la vitesse de l’onde de pouls, recherche ultrasonore de plaques carotides ou fémorale.

Bilan initial

Le bilan systématique à effectuer en cas d’HTA ou de « PA élevée » confirmées est globalement maintenu par rapport aux précédentes guidelines de 2018 :

  • Hémoglobine / Hématocrite
  • Ionogramme comprenant natrémie et kaliémie
  • Créatinine avec estimation du DFG
  • Rapport albuminurie sur créatinurie (RAC)
  • Glycémie +/- HbA1c
  • Exploration des anomalies lipidiques
  • TSH
  • ECG 12 dérivation
 

Pour la première fois, le dosage en conditions standardisées de l’aldostérone et de la rénine est proposé au diagnostic chez tous les patients hypertendus confirmés. En effet, la prévalence de l’hyperaldostéronisme primaire serait de 6 à 11 % chez les hypertendus.

Prise en charge

Règles hygiénodiététiques : pour tous !

Les règles hygiénodiététiques sont bénéfiques à la fois pour la gestion du contrôle tensionnel et de façon plus large sur la santé cardiovasculaire : elles sont recommandées chez tous les patients. Elles reposent sur un régime DASH ou méditerranéen (évitant boissons sucrées et alcool), une activité physique adaptée, une restriction sodée stricte (< 5 g de sel par jour).

Pour favoriser cette dernière, les recos pointent l’importance de l’enrichissement naturel de l’alimentation en potassium (fruits et légumes) et la possibilité d’utiliser les sels de substitution enrichis en potassium à 0,5 - 1 g/jour en l’absence d’insuffisance rénale chronique modérée ou avancée.

Seuils et cibles

En cas d’HTA artérielle confirmée (PA ≥ 140/90 mmHg), l’instauration immédiate d’un traitement antihypertenseur est recommandée indépendamment du risque cardiovasculaire du patient, en parallèle des règles hygiénodiététiques.

En cas de « PA élevée » confirmée (PAS entre 120 et 139 mmHg ou PAD entre 70 et 89 mmHg), un traitement antihypertenseur peut être indiqué chez les patients à haut risque cardiovasculaire (évalué comme indiqué ci-dessus), si cette élévation persiste malgré 3 mois de mesures hygiénodiététiques.

Toutefois, en cas d’hypotension orthostatique, chez les personnes de plus de 85 ans, fragiles ou ayant une espérance de vie de moins 3 ans, il ne faut traiter que les situations d’hypertension artérielle.

Une fois le traitement instauré, les cibles thérapeutiques sont plus exigeantes qu’auparavant puisqu’elles préconisent de viser une PAS entre 120 et 129 mmHg et une PAD entre 70 et 79 mmHg, idéalement 120/70 mmHg si la tolérance le permet. Cette attitude plus stricte serait justifiée par les résultats de méta-analyses récentes montrant qu’elle est associée à une réduction significative des événements cardiovasculaires.

Bien sûr, les objectifs de contrôle tensionnel sont moins stricts en cas d’espérance de vie limitée, chez les patients très âgés et en cas d’hypotension orthostatique : les recos préconisent de viser une PAS < 140 mmHg en cas d’hypotension orthostatique et chez les plus de 85 ans, et une PA < 140/90 mmHg chez les personnes ayant une fragilité modérée à sévère et une espérance de vie de moins de 3 ans. En cas de mauvaise tolérance, elles recommandent de viser une PAS aussi basse que celle « raisonnablement atteignable ».

L’algorithme de prise en charge est globalement le même.

Une bithérapie fixe associant un bloqueur du SRA, un inhibiteur calcique, ou un diurétique est indiquée d’emblée. Une monothérapie devra être préférée uniquement chez les personnes de plus de 85 ans, ayant une hypotension orthostatique, ou bien chez les patients avec une PA « élevée » à haut risque CV. Les bétabloquants ne sont pas recommandés en première ligne, sauf en cas d’indications cardiaques (syndrome coronarien notamment). En cas de non-contrôle tensionnel après 1 à 3 mois, on envisage une trithérapie combinant ces trois classes à mi-dose, puis – en cas de non-contrôle – une titration à pleine dose, idéalement en un seul comprimé. Pour la première fois, il est fortement recommandé de réaliser la surveillance de la pression artérielle sous traitement et la titration thérapeutique par des mesures de pression artérielle ambulatoire.

Enfin, en cas de pression artérielle non contrôlée malgré une trithérapie à dose maximale tolérée, on évoque le diagnostic d’hypertension artérielle apparemment résistante.

Qu’en retenir ?

La mesure de la PA à domicile par automesure ou ambulatoire est indispensable pour confirmer le diagnostic mais elle est aussi encouragée pour suivre l’efficacité de la prise en charge (médicamenteuse ou non).

L’HTA est définie – et nécessite une prise en charge systématique (pharmacologique et non) – par une PA de consultation ≥ 140/90 mmHg, confirmée par une PA en automesure ≥ 135/85 mmHg.

Une nouvelle catégoriefait son apparition : la « PA élevée », sorte de pré-hypertension. Certains de ces patients dont la PA est élevée ont une indication au traitement pharmacologique (selon le risque CV). Cette notion – qui a pour conséquence de facto d’élargir le nombre de patients susceptibles d’être traités – a été critiqué par plusieurs cardiologues français, qui soulignent également que ces recos ne parlent plus de « pression normale » (la PA < 120/70 mmHg étant définie comme « non élevée »). Les auteurs poussent-ils le bouchon trop loin ? Alors qu’en France, on n’a pas encore atteint les objectifs des recos précédentes : aujourd’hui, plus de la moitié des hypertendus s’ignorent et la moitié des hypertendus traités ne sont pas à l’objectif de 140/90 mmHg…

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