L’augmentation de la prolactine en dehors de la grossesse et du post-partum est une situation fréquente. Sa découverte en médecine générale impose une exploration étiologique rigoureuse, car les causes sont nombreuses. Quand demander un dosage ? Comment interpréter les résultats et orienter la suite du bilan ?

Quand rechercher une hyperprolactinémie ?

Devant des signes cliniques d’hyperprolactinémie

Chez la femme avant la ménopause, les premières manifestations d’une hyperprolactinémie sont en général un trouble du cycle menstruel et une infertilité : aménorrhée secondaire (90 % des cas), ou oligospanioménorrhée (50 %). Des troubles sexuels comme une baisse de libido ou une dyspareunie, liées à l’hypoestrogénie, accompagnent fréquemment l’hyperprolactinémie.

La galactorrhée spontanée ou provoquée (80 %) peut aussi révéler un excès de prolactine, même si dans la majorité des cas les galactorrhées sont normoprolactinémiques ; cependant, l’absence de galactorrhée n’exclut pas une hyperprolactinémie.

Chez la femme ménopausée, la galactorrhée est beaucoup plus rare, en raison de l’hypoestrogénie endogène, et l’excès de prolactine se manifeste par très peu de signes fonctionnels.

Chez la jeune fille, on observe plutôt une aménorrhée primaire et, selon l’âge d’apparition de l’hyperprolactinémie, une absence ou un arrêt du développement pubertaire.

Chez l’homme, l’hyperprolactinémie entraîne essentiellement des troubles de la fonction sexuelle, avec baisse de la libido. À l’examen, on peut retrouver une gynécomastie et, beaucoup plus rarement, une galactorrhée. Chez le garçon, elle se manifeste par un retard ou un arrêt pubertaire. Les retards de croissance qui peuvent être dus à un défaut de sécrétion d’hormone de croissance justifient un dosage de prolactine à la recherche d’un syndrome tumoral hypothalamo-hypophysaire (craniopharyngiome, germinome, voire un macroprolactinome…).

Devant un syndrome tumoral hypophysaire

Une hyperprolactinémie peut accompagner une tumeur intracrânienne, par 2 mécanismes possibles :

  • compression de la tige pituitaire par une lésion hypophysaire (adénome non sécrétant) ou suprasellaire (craniopharyngiome, méningiome…) ;
  • sécrétion tumorale par un adénome à prolactine (prolactinome) ou adénome à sécrétion mixte (GH et prolactine le plus souvent).
 

Les signes cliniques d’un syndrome tumoral hypophysaire peuvent être des céphalées (frontales plus souvent qu’orbitaires ou bitemporales, non pulsatiles) et des troubles visuels plutôt tardifs en cas de compression chiasmatique et extension suprasellaire.

Dans le bilan d’une pathologie hypophysaire

Le dosage de la prolactine est essentiel lors d’un bilan d’hypogonadisme hypogonadotrope (diminution de la LH, FSH, des œstrogènes de la progestérone, de la testostérone) ou lors de la découverte fortuite d’une lésion hypophysaire sur une imagerie cérébrale réalisée pour une raison indépendante de toute pathologie hypophysaire.

Quelles causes ?

Les étiologies sont multiples (encadré). Une démarche diagnostique rigoureuse permet d’éliminer de nombreuses causes avant d’envisager un prolactinome.

Physiologiques

Les augmentations physiologiques sont fréquentes, modérées (souvent inférieures à 2 fois la limite supérieure de normalité [LSN]) et généralement fluctuantes.

La première étiologie à rechercher est une grossesse, qui représente 20 % des cas d’hyperprolactinémie. Les autres causes physiologiques sont :

  • les variations nycthémérales ;
  • l’exercice physique ;
  • les repas riches en protéines ;
  • les causes de stress ;
  • l’allaitement.

Pharmacologiques

Cette étiologie représente 33 % des cas. De nombreux médicaments peuvent provoquer une augmentation des concentrations de prolactine. Les antiémétiques et les antipsychotiques (médicaments impliqués le plus souvent) pouvant entraîner une hyperprolactinémie (jusqu’à 10 fois la LSN) symptomatique dans 40 à 100 % des cas. Leur arrêt doit être discuté. Si cela n’est pas possible, la réalisation d’une IRM hypophysaire est indiquée.

Artéfactuelles

Si l’hyperprolactinémie n’entraîne pas de retentissement sur la fonction gonadique ou si les troubles du cycle peuvent s’expliquer par d’autres causes, il est recommandé de rechercher une macroprolactinémie.

En effet, la prolactine circulante est constituée de 3 isoformes : monomérique ou « little » (seule forme bioactive, majoritaire), dimérique (ou big prolactine) et macroprolactine (ou big big prolactine). Cette dernière est liée à une immunoglobuline formant un complexe de faible affinité pour le récepteur et est donc biologiquement inactive.

Les hyperprolactinémies artéfactuelles correspondent à une interaction de dosage entre la prolactine monomérique bioactive et la macroprolactine.

On doit penser à une « fausse hyperprolactinémie » par interférence avec la macroprolactine dans les situations de discordances clinicobiologiques, c’est-à-dire lorsque :

  • l’hyperprolactinémie est sans retentissement sur la fonction gonadique ;
  • il existe une étiologie plus probable aux troubles du cycle ;
  • on ne retrouve pas d’étiologie ;
  • l’IRM est normale ;
  • il n’y a pas de réponse au traitement.
 

La méthode de référence est la chromatographie, mais elle demeure complexe ; en pratique, on utilise le plus souvent une méthode plus simple de précipitation du sérum au polyéthylène glycol (PEG). Le dosage de la prolactine bioactive simple monomérique se fait alors dans le surnageant.

Autres étiologies non tumorales

Les pathologies suivantes peuvent également être en cause :

  • hypothyroïdie : étiologie classique mais rare, surtout si elle est sévère et prolongée ;
  • cirrhose hépatique ;
  • insuffisance rénale chronique ;
  • syndrome des ovaires polykystiques.
 

Au terme de cette démarche diagnostique, si l’hyperprolactinémie confirmée n’a pas trouvé d’explication, une IRM hypophysaire s’impose.

Causes tumorales

Les adénomes hypophysaires secrétant ou prolactinomes sont les plus fréquents (50 % des cas), le plus souvent bénins. On distingue en fonction de leur taille les microadénomes (< 1 cm), les plus fréquents (15 % des cas), des macroadénomes (> 1 cm).

Le taux de prolactine est corrélé à la masse tumorale. En cas de valeurs de prolactine modérément élevées malgré une lésion volumineuse, il faut évoquer un mécanisme d’hyperprolactinémie par compression de la tige par une lésion non lactotrope.

Les adénomes mixtes, sécrétant le plus souvent de la prolactine et de la GH, doivent être recherchés.

Idiopathique

On parle d’hyperprolactinémie idiopathique lorsqu’on ne retrouve pas d’adénome identifiable à l’IRM ni aucune autre cause malgré une hyperprolactinémie modérée, fluctuante et confirmée sur un nouveau prélèvement.

Dosage de la prolactine en pratique

La sécrétion de prolactine suit un rythme circadien et pulsatile ; son taux est au plus bas une à deux heures après le réveil.

Historiquement, le dosage de la prolactine nécessitait un repos d’au moins 20 minutes avant la prise de sang, voire un pool de prélèvements pour normaliser les pics, ou la mise en place d’un cathéter pour s’affranchir des nombreuses fluctuations possibles.

Actuellement, les différentes recommandations (Société française d’endocrinologie en 2006, consensus international de la Pituitary Society de 2023) préconisent un prélèvement sur tube sérum sans précautions particulières (heure, repas, période du cycle menstruel, prélèvements multiples, cathéter) autre qu’un simple repos.

Toutefois, en cas d’hyperprolactinémie modérée (moins de cinq fois la normale), il est suggéré de ne poursuivre la démarche diagnostique qu’après confirmation de la concentration élevée sur un second prélèvement (en l’absence de toute prise médicamenteuse pouvant influencer ce dosage), avec une trousse de dosage différente (autre laboratoire), voire de rechercher une macroprolactine.

Comment interpréter les résultats ?

Les variations physiologiques, fréquentes, provoquent des hyperprolactinémies modérées et fluctuantes en dehors de la grossesse et du post-partum. Les variations du taux de prolactine liées au stress (exercice physique, ponction veineuse…) ne sont pas significatives.

Le taux varie également chez la femme selon le taux d’œstrogènes : la concentration de base est plus élevée chez les femmes réglées que chez les femmes ménopausées ou prépubères ou les hommes. Les variations au cours du cycle restent modérées et peu significatives.

L’ampleur de l’augmentation oriente vers l’origine de l’hyperprolactinémie.

Augmentation < 5 LSN

En pratique, devant une augmentation faible de la prolactine (< 5 LSN) ou une augmentation inexpliquée (absence de traitement, d’insuffisance hépatique ou rénale, d’hypothyroïdie, de grossesse) ou face à une discordance clinicobiologique, on préconise un contrôle sur un second prélèvement, cette fois-ci avec des conditions préanalytiques plus strictes : après repos, en début de cycle menstruel, en évitant les prélèvements en fin de nuit, à distance de toute prise médicamenteuse et sans exercice physique au préalable.

Augmentation < 200 ng/mL

Devant une augmentation modérée, il faut envisager en premier lieu une grossesse. Les concentrations de prolactine augmentent progressivement avec l’âge gestationnel, dès le premier trimestre pour atteindre, en fin de grossesse, des valeurs jusqu’à dix fois supérieures à celles initiales, du fait des concentrations croissantes d’œstrogènes circulants.

Après l’accouchement, les valeurs restent élevées en cas d’allaitement maternel ; dans le cas contraire, elles diminuent progressivement avec une normalisation en 3 à 6 semaines.

En cas d’allaitement, il faut attendre 2 h après la tétée pour doser la prolactine.

En l’absence de grossesse, il faut rechercher une hypothyroïdie, une insuffisance rénale ou hépatique, une prise médicamenteuse, ou encore une situation de stress.

Augmentation > 200 ng/mL

Les valeurs élevées de prolactine font fortement suspecter le diagnostic de prolactinome, qui doit être confirmé par une IRM.

Encadre

Étiologies des hyperprolactinémies

Physiologique

Grossesse

Allaitement

Rapport sexuel

Activité physique

Stress

Stimulation mammaire

Sommeil

Pathologie non tumorale

Maladie rénale chronique

Insuffisance rénale terminale

SOPK

Cirrhose

Hypothyroïdie

Pharmacologique

Antidépresseurs (tricyclique / inhibiteur de la recapture de la sérotonine)

Antipsychotiques (chlorpromazine / thioridazine / lévomépromazine / rispéridone)

Estrogènes

Antiémétiques

Antihistaminiques (cimétidine / ranitidine)

Antihypertenseurs

Opioïdes

Antidopaminergiques

Agonistes cholinergiques

Atteinte tumorale hypophysaire

Prolactinome

Acromégalie

Macroadénome

Rupture de l'axe hypothalamo-hypophysaire

Craniopharyngiome

Métastase (sein, poumon)

Radiothérapie

Méningiome

Génétique

Mutation PRLR

Idiopathique

Références
Brue T, Delemer B. Diagnosis and management of hyperprolactinemia: expert consensus – French Society of Endocrinology.  Ann Endocrinol 2007;68(1):58-64.
Haidenberg-David F, Sidauy-Adissi J, Moscona-Nissan A, et al. Overview of Hyperprolactinemia: General Approach and Reproductive Health Implications.  Arch Med Res 2024;55(8):103102.
Petersenn S, Fleseriu M, Casanueva FF, et al. Diagnosis and management of prolactin-secreting pituitary adenomas: a Pituitary Society international Consensus Statement.  Nat Rev Endocrinol 2023;19(12):722-40.
Saleem M, Martin H, Coates P. Prolactin Biology and Laboratory Measurement: An Update on Physiology and Current Analytical Issues.  Clin Biochem Rev 2018;39(1):3-16.

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