Baisse anormale de la PA lors du passage en position debout, l’hypotension orthostatique est un trouble fréquent, touchant près d’un patient sur cinq en soins primaires, mais jusqu’à la moitié des patients à risque (personnes âgées, atteintes de maladies neurologiques, etc.).
Elle résulte d’un défaut du mécanisme de compensation qui vise à contrer l’effet de la gravité sur la volémie lors du passage en position debout. Ce mécanisme active le sympathique (accélération du cœur et contraction des artères) pour contrer la descente d’une quantité importante du sang dans les membres inférieurs : en son absence, la PA baisse anormalement.
L'hypotension orthostatique augmente le risque de chute et est aussi associée à un sur-risque de survenue d’événements cardiovasculaires, démence et décès.
Poser le diagnostic
Les symptômes sont peu spécifiques : fatigue, faiblesse, troubles de la concentration, vertiges ou étourdissements, troubles de la vision, syncopes ou chutes. Plus rarement : douleurs dans le cou et les épaules, douleurs lombaires.
Ils surviennent lors du passage de la position couchée ou assise à la position debout (particulièrement si la station debout est rapide), mais leur apparition est possible après une station debout prolongée, notamment immobile. Les symptômes disparaissent en position assise ou couchée ; ils peuvent être aggravés le matin, après un repas ou la prise d’alcool ou lorsque la température est élevée. L’hypotension orthostatique peut toutefois rester asymptomatique.
Outre le dépistage en présence de ces symptômes, les experts recommandent de la rechercher systématiquement chez les patients à haut risque : patients âgés, sous traitement antihypertenseur ou prenant d’autres médicaments à risque (tableau), atteints de diabète, d’insuffisance rénale, de déshydratation ou malnutrition, de troubles neurologiques. Chez le sujet âgé, les chutes inexpliquées doivent motiver le dépistage répété de ce trouble, même en l’absence d’autres signes évocateurs.
Comment diagnostiquer ?
L’hypotension orthostatique est définie comme une chute de la PAS d’au moins 20 mmHg ou de la PAD d’au moins 10 mmHg dans les 3 minutes suivant le passage en position debout. Pour les patients dont la PAS de base est ≥ 160 mmHg, une réduction de 30 mmHg est souvent considérée comme un critère plus approprié.
Préciser les circonstances déclenchantes est crucial car les symptômes sont peu spécifiques.
En pratique, la mesure peut être réalisée en consultation au chevet du patient, ou éventuellement avec un « tilt-test » réalisé en cardiologie (notamment si la mesure classique est négative alors que les signes sont évocateurs).
Lorsqu’elle n’est pas retrouvée en consultation : s’aider de l’automesure (mesure en position couchée puis debout après 3 minutes) ou de la MAPA des 24 h qui permet d’enregistrer les moments avec une PA très basse.
La répétition des mesures est recommandée car les résultats peuvent varier. Les mesures effectuées le matin sont les plus sensibles.
Enfin, la mesure concomitante de la fréquence cardiaque est recommandée pour différencier une hypotension orthostatique neurogène – caractérisée par l’absence d’augmentation compensatoire de la fréquence cardiaque – des non neurogènes (v. ci-après). Ainsi, calculer le rapport de la différence de fréquence cardiaque entre la position couchée et debout sur la différence de PA entre la position couchée et debout permet d’orienter vers une cause neurogène lorsque ce rapport est inférieur à 0,5 bpm/mmHg.
Chercher les causes
L’hypotension orthostatique peut être d’origine neurologique ou non neurologique (secondaire).
Parmi les causes neurologiques, on retrouve :
- celles touchant le système nerveux central : maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy, l’atrophie multisystémique et l’insuffisance autonome pure ;
- celles touchant le système nerveux périphérique : diabète sucré, insuffisance rénale, carence en vitamine B, syndromes de dysimmunité (Sjögren, autres maladies conjonctives auto-immunes), toxicité (alcool, chimiothérapie).
Parmi les causes secondaires, les médicaments sont la cause la plus fréquente, mais l’origine peut aussi être hypovolémique ou cardiaque (tableau).
Plusieurs causes sont souvent associées chez un même patient. Les causes non neurogènes doivent être recherchées même chez les patients atteints d’hypotension orthostatique neurogène, notamment s’ils sont âgés.
Écarter les diagnostics différentiels
Syndrome de tachycardie posturale : augmentation soutenue de la fréquence cardiaque de > 30 bpm avec symptômes cliniques d’intolérance orthostatique pendant au moins 3 mois ; plus fréquent chez le sujet jeune et les femmes ; multifactoriel, de physiopathologie encore mal comprise (hypovolémie, déconditionnement cardiovasculaire, troubles auto-immuns, augmentation anormale de l’activité sympathique…).
Syncope vasovagale (chute soudaine de la PA avec diminution de la fréquence cardiaque) et autres syncopes à médiation neuronale.
Autres syncopes : par hypersensibilité sinocarotidienne, de nature arythmique…
Prise en charge
L’objectif premier du traitement est de contrôler l’intensité et la fréquence des symptômes et de prévenir le risque de chute, tout en évitant une hypertension en décubitus. Il n’y a pas de cible tensionnelle spécifique.
Mesures non pharmacologiques
Les mesures non pharmacologiques sont fondamentales :
- compression veineuse à l’aide de bas de contention ;
- manœuvres utiles pour augmenter la PA : contracter les muscles du corps entier, croiser les jambes, piétiner ou s’accroupir sur la pointe des pieds, placer un pied sur une chaise en position debout, se pencher vers l’avant ;
- se lever progressivement ; s’asseoir ou s’allonger (de préférence avec les jambes surélevées) permet bien sûr de mettre fin à un épisode d’hypotension orthostatique ;
- surélever la tête du lit d’environ 10 cm pour réduire la natriurèse nocturne et prévenir les épisodes d’hypotension orthostatique matinale ;
- éviter les siestes en position couchée (utiliser un fauteuil inclinable) ;
- installer une chaise dans la salle de bains pour se doucher assis ;
- boire un bolus d’eau avant les événements déclencheurs connus : l’ingestion rapide d’eau (500 mL en 2 ou 3 minutes) provoque une élévation de la PA en quelques minutes, qui peut durer jusqu’à trois quarts d’heure. Par ailleurs, la consommation quotidienne de liquide doit être d’au moins deux à trois litres par jour ;
- des repas fréquents et peu copieux, pauvres en sucres rapides, et une réduction de la consommation d’alcool (notamment si hypotension postprandiale) ;
- augmentation de la consommation de sel alimentaire à 6 g et jusqu’à 10 g par jour, en l’absence de contre-indications ;
- activité physique : les exercices en position assise ou semi-assise (vélo) sont les mieux tolérés.
L’éducation thérapeutique est cruciale, tant pour bien appliquer ces mesures que pour que le patient reconnaisse les symptômes et évite les situations à risque comme : le fait de se lever rapidement ou rester debout pendant de longues périodes, de rester immobile (en particulier après un exercice), les repas riches en glucides, la consommation d’alcool et les environnements chauds (douches chaudes, saunas…).
Adaptation des médicaments
Les médicaments doivent être revus périodiquement et l’ordonnance réadaptée pour écarter si possible les molécules susceptibles d’aggraver l’hypotension orthostatique ou l’hypertension en décubitus dorsal, ou bien pour réduire les doses ou modifier les schémas posologiques.
Pour les patients ayant une HTA : le traitement doit donc être adapté et individualisé. Par exemple, il est possible de diminuer la dose d’antihypertenseurs, d’étaler les prises entre le matin et le soir (chronothérapie). Il est conseillé, si possible, de préférer les IEC et les inhibiteurs calciques aux diurétiques et aux bétabloquants. Si la PA est très variable, il est possible de ne traiter que la nuit, avec des antihypertenseurs de courte demi-vie (une prise le soir). Chez le sujet âgé, il est préconisé d’initier avec de faibles doses d’antihypertenseurs et augmenter éventuellement en fonction de la balance bénéfices/risques.
Traitement pharmacologiques
En cas d’insuffisance des mesures non médicamenteuses, une prise en charge pharmacologique peut être instaurée sous certaines conditions. Elle est fonction des symptômes et des valeurs de la PA et doit prendre en compte les comorbidités ; la balance rapport bénéfices/risques doit être réévalué régulièrement par des équipes spécialisées.
Deux médicaments ont l’AMM pour traiter l’hypotension orthostatique neurogène : la midodrine et la fludrocortisone. D’autres molécules sont utilisées en 2e ligne (inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline, inhibiteurs de l’acétylcholinestérase) mais les données sont très limitées.
Lecrubier A. Hypotension orthostatique : nouveau consensus d’experts. Medscape 2 janvier 2024.
Elghoz JL. Hypotension orthostatique : souvent d'origine iatrogène. Rev Prat Med Gen 2012;26(891):809-10.