Ce texte est dédié aux femmes et aux hommes qui ont le courage de vivre voire de dépasser toute forme de handicap survenue au décours d’une infection invasive à méningocoque (IIM), dont les athlètes qui ont participé aux Jeux paralympiques 2024 de Paris. Personne ne sort indemne d’une IIM, ni le sujet ayant fait l’infection,ni sa famille. Cette infection soudaine, imprévisible, concernant des individus le plus souvent en pleine santé auparavant, atteint de plein fouet la personne elle-même bien sûr, mais aussi la vie familiale, quel que soit l’âge auquel l’infection se produit.

En 2023, le taux de décès dû aux IIM a été estimé à 11 % en France1 (ayant fluctué entre 11 % et 14 % de 2019 à 2022). Ce taux est significativement plus élevé pour les IIM de sérogroupe W (19 %) que pour les IIM de sérogroupe B (7 %) ou Y (8 %). Les répercussions familiales d’un décès par IIM sont évidentes, souvent sous-estimées voire négligées par l’environnement. L’aide apportée par les associations de parents est une écoute, une empathie et un soutien de grande qualité. La perte d’un enfant est un événement dont les parents ne peuvent se remettre tout à fait et en conserveront une cicatrice toute leur vie.

Le purpura fulminans constitue la forme la plus sévère des IIM. En 2023, Santé publique France (SPF) a recensé 99 cas parmi les 560 IIM rapportées (18 %) avec des variations selon le sérogroupe : 23 % pour les IIM B, 16 % pour les IIM W, et 11 % pour les IIM Y. Dans ce contexte, le nombre de décès était plus élevé en présence de purpura fulminans (14 %) qu’en son absence (10 %). 

Par-delà ces situations dramatiques, de multiples répercussions sont observées après les IIM chez les sujets survivants. Elles font l’objet de recherches récentes qui démontrent leur fréquence et leur diversité.

Pourquoi observe-t-on des séquelles ?

Les IIM sont des maladies infectieuses et inflammatoires. Lorsque le diagnostic est posé, la composante inflammatoire peut déjà avoir entraîné des lésions tissulaires irréversibles, même si les traitements antibiotiques adéquats permettront d’enrayer l’infection.C’est particulièrement vrai dans le cas du purpura fulminans, qui associe choc septique sévère et thromboses multiples de la microcirculation, conduisant à des atteintes multiviscérales diverses et des nécroses tissulaires cutanées ou viscérales. Une étude française rapportée par Javouhey2 souligne une prise en charge souvent encore sub-optimale de cette forme d’IMM sévère : retard de l’appel du médecin par les parents (33 %), sous-estimation de la gravité (38 %), antibiothérapie retardée (38 %), remplissage vasculaire insuffisant (24 %).

Il est essentiel de souligner l’importance de l’éducation des familles (reconnaissance précoce de signes de méningite, et de sa gravité potentielle) et des professionnels de santé (identification précoce de signes de choc).

Quels facteurs de risque de développement de séquelles ?3

  • Un diagnostic tardif dû à des symptômes initiaux souvent non spécifiques.
  • Des conditions socio-économiques défavorables.
  • La prématurité, reconnue comme augmentant l’incidence des IIM par rapport aux enfants à terme, (18,3/100 000 vs 10,9/100 000) et la fréquence d’au moins une séquelle (35,9 % vs 19,0 %).4
  • Toute morbidité sous-jacente augmentant le risque de survenue d’IIM et, par conséquent, de séquelles. Néanmoins, la majorité des cas d’IIM survient chez des individus antérieurement en bonne santé, qui seront donc le plus souvent porteurs de séquelles.
  • La présence de purpura fulminans.
  • Chez les enfants de moins de 1 an, les signes initiaux d’un trouble de la conscience, de convulsions ou de signes d’hypertension intracrânienne.

Quel est le délai d’apparition des séquelles ?

Certaines séquelles sont déjà évidentes au cours de l’hospitalisation ou à son décours immédiat. Santé publique France, en 2023, a rapporté un taux de séquelles, dites « précoces », de 8 % (séquelles notifiées sur les fiches de déclaration obligatoire). D’autres études avaient évalué une fréquence équivalente. 

Malheureusement, un certain nombre de séquelles ne seront identifiées que plusieurs semaines ou mois plus tard.Ce délai s’explique en partie par le soulagement, pour le patient et sa famille, d’avoir échappé « au pire » pendant la phase aiguë. Cependant, dans les mois ultérieurs, la prise de conscience de difficultés parfois plus subtiles mais incontestables impose souvent une prise en charge à long terme. Une étude menée au Royaume Uni5 a rapporté un délai médian de prise en charge des séquelles psychologiques de 15,5 mois (36,2 mois quand l’IIM se déclare avant l’âge de 1 an), de 8,5 mois pour les séquelles neurologiques et d’un mois pour les séquelles physiques. 

Quelles sont la nature et la fréquence des séquelles ?

Si certaines séquelles sont immédiatement évidentes, d’autres peuvent être plus difficiles à rattacher à un épisode de méningite en raison de leur apparition différée. Par ailleurs, la diversité et la multiplicité des séquelles rendent leur traçabilité souvent délicate : la prise en charge est généralement réalisée par différents spécialistes, ce qui complique le suivi. L’idéal serait de disposer de registres permettant un recueil exhaustif dans le temps. Ces dernières années, néanmoins, de nombreuses études, le plus souvent cas-contrôle, rétrospectives, ont permis d’évaluer plus précisément la nature des séquelles des IIM et leur fréquence.

Dans une étude française,6 avec un suivi médian de 2,8 ans, parmi les survivants, tous âges confondus, 25,4 % présentaient au moins une séquelle et 9,2 % étaient porteurs de séquelles multiples. Les séquelles les plus fréquentes étaient neurologiques : l’épilepsie (5,8 %) et les troubles moteurs (5,5 %), ainsi que des désordres psychologiques, notamment l’anxiété (5,5 %), toutes significativement plus fréquentes (p < 0,0001) chez les cas comparés aux contrôles. Les troubles sensoriels, comme la perte auditive (2,3 %) et des difficultés visuelles 1,4 %), ainsi que des problèmes de communication ou de langage, présentaient un risque-ratio > 20 par rapport aux témoins. Les séquelles physiques les plus évidentes étaient les cicatrices cutanées (2,3 %) et les amputations (1,6 %). En se limitant aux cas d’IIM survenus avant l’âge de 25 ans, ces taux sont peu modifiés et sont similaires à ceux de différentes études.5,7

Les difficultés cognitives, les troubles d’apprentissage scolaire ainsi que des désordres psychologiques, comportementaux ou émotionnels, pour lesquels le délai entre la survenue de l’IIM et le moment du diagnostic se compte souvent en mois voire en années, sont parmi les plus difficiles à identifier et évaluer. Ceci est dû notamment à la nécessité d’un suivi sur le long terme.7 De ce fait, la fréquence de ces séquelles psychologiques est probablement sous-estimée dans les études.

Enfin, une étude suédoise a rapporté un « hazard-ratio » (rapport de risque) ajusté pour les difficultés cognitives, les convulsions, les troubles de comportement ou émotionnels, et les lésions structurelles intracrâniennes significativement plus élevé chez les enfants diagnostiqués pour une méningite bactérienne avant l’âge de 1 an.7

Au global, malgré les divergences dans les méthodologies de recueil de données (bases nationales ou locales), la durée de suivi et les différences possibles des protocoles de prise en charge, toutes les données convergent vers un taux de séquelles de l’ordre de 20 à 30 %, multidisciplinaires, évoluant sur plusieurs années.

Les séquelles sont-elles réversibles ?

Les séquelles s’évaluent sur un temps long après l’hospitalisation index. Certaines sont définitives (amputations, cicatrices cutanées, lésions cérébrales…). D’autres pourront se stabiliser à l’aide de prises en charge multiples et longues. Là encore, la dynamique évolutive propre à chaque séquelle, à chaque contexte familial et social, demandera une analyse plus fine que celle proposée par les bases de données nationales.

Quelles différences de séquelles selon les sérogroupes ?

À ce jour, il est impossible d’avoir une idée précise sur les séquelles respectives dues aux sérogroupes B, W ou Y (le sérogroupe C a été quasiment éliminé grâce à la vaccination) étant donné que dans les différentes études, toutes rétrospectives, la majorité des IIM étaient liées au sérogroupe B. L’augmentation récente nette des IIM de sérogroupes W et Y dans toutes les tranches d’âge et différents pays devrait permettre de préciser cet aspect dans les prochaines années.

Quelle prise en charge médicale, sociale, sociétale ?

Si le médecin traitant est et doit rester le référent principal du patient, beaucoup de spécialistes sont amenés à intervenir et le suivi comme les prises en charge en sont dispersés. En témoigne le grand nombre de publications concernant chacune des séquelles, qu’il est impossible de citer ici, faute de place.

La prise en charge passe en premier lieu par une reconnaissance précise des différents handicaps ou difficultés. Il est essentiel, dans l’intérêt des sujets ayant eu une IMM, que ce suivi soit prolongé et rigoureux. Cela s’avère pourtant souvent difficile, les patients ou leurs familles ayant envie « d’oublier » ou omettent de relier un trouble à une IIM déjà « ancienne ». 

Quel coût pour la famille et la société ?

Le type de difficultés voire de handicaps, leur évolutivité, les prises en charge afférentes et leur durée expliquent la difficulté à évaluer avec précision les couts respectifs et globaux. Citons deux études qui les ont chacune estimés.9,10

En France d’abord, au coût médian (8 045 €) d’une hospitalisation pour IIM, s’ajoute un coût supplémentaire en cas de séquelle précoce.9 En ne prenant en compte que les coûts médicaux directs, ceux-ci étaient plus élevés chez les patients ayant présenté au moins une séquelle à la sortie d’hospitalisation (moyenne : 15 151 € ; médiane : 3 502 €) que chez ceux sans séquelles (moyenne : 2 952 € ; médiane ; 0 €).  Ces coûts évoluaient au cours du temps : 6 premiers mois (3 664 €) ; 7 – 12 mois (986 €) ; 13 – 24 mois (1 224 €) ; 25 – 36 mois (593 €). La modélisation utilisée indiquait qu’au cours de la première année de suivi chez les patients ayant au moins une séquelle, le coût était 2,48 fois plus élevé que chez les sujets sans séquelles. 

Une estimation similaire a été faite en Allemagne.10 Les auteurs rapportent aussi l’évaluation vie entière des coûts selon deux autres études : en Allemagne, de 57 100 € à 171 000 € par cas d’IIM (incluant les coûts directs et indirects dans une perspective sociétale) et, en France, entre 768 875 € et 2 267 251 €, selon les complications initiales et les séquelles, les coûts de la première année comptant pour 8,3 à 21,7 % des coûts vie entière. 

Malgré les structures d’aide existantes, outre la Sécurité sociale, telles les maisons départementales pour personnes handicapées (MDPH), les assistantes de vie et les compléments d’aide financière sur dossier, c’est toute la vie familiale qui risque de se trouver modifiée. L’adaptation ergonomique du domicile a un coût financier ; l’un des parents ou parfois les deux peuvent être amenés à modifier leur vie professionnelle avec des répercussions économiques pour le foyer. Les répercussions conjugales et familiales (notamment sur la fratrie) ne sont pas suffisamment reconnues et prises en charge. Le niveau de qualité de vie, secondaire aux séquelles d’IIM, devrait être pris en compte dans les évaluations médico-économiques des stratégies de prévention.

Conclusion

Tant qu’il y aura des infections invasives à méningocoque, il y aura des séquelles. Plusieurs études récentes estiment qu’entre 20 et 30 % des survivants présentent au moins une séquelle et environ 9 à 10 % en présentent plusieurs. Ces séquelles sont variées, faisant appel à des disciplines médicales différentes ce qui complique leur estimation précise. Certaines séquelles sont précoces (cicatrices cutanées, amputations, troubles neurologiques moteurs, troubles sensoriels, épilepsie, insuffisance rénale) et sont identifiées à la fin de l’hospitalisation ou juste après. En revanche, les séquelles d’apparition plus tardive, survenant parfois des mois, voire des années après l’IIM, risquent davantage d’être négligées ou non associées à l’IIM antérieure, entraînant potentiellement un retard ou une insuffisance de prise en charge. Il s’agit de troubles psychomoteurs, de difficultés d’apprentissage, de difficultés d’élocution, de troubles du comportement, d’anxiété ou encore de modifications relationnelles. Leur retentissement sur le développement personnel et sur la qualité de la vie familiale devrait être pris en compte dans les estimations globales coût économique / efficacité en vie réelle des mesures de prévention.

Pour maîtriser l’apparition des séquelles, deux éléments sont essentiels :  la rapidité de la pose du diagnostic et de la prise en charge initiale qui passent par l’éducation des parents (reconnaissance de signes d’alerte d’une IIM, consultation rapide) et des professionnels de santé (évaluation des éléments d’un choc septique ; début d’antibiothérapie) ;  la mise en place de programmes vaccinaux ciblant les tranches d’âge à risque d’IIM en assurant des taux de couverture élevés et ceci de façon rapide : nous avons maintenant ces moyens à notre disposition !

Cet article fait partie d’un supplément réalisé avec le soutien institutionnel de GSK sans intervention de leur part dans l’élaboration du sommaire, le choix des auteurs et la rédaction des articles.
Références
1. Santé publique France. Méningites à méningocoque en 2023, rapport publié le 9 avril 2024. https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2024/infections-invasives-a-meningocoque-recrudescence-de-cas-en-france-en-2023#:~:text=En%202023%2C%20560%20cas%20d,et%2024%25%20au%20sérogroupe%20Y. 
2. Javouhey E. Purpura fulminans https://aer-congres.com/wp-content/uploads/2018/07/Purpura-fulminans-JAVOUHEY.pdf 
3. Taha MK, Weil-Olivier C, Bouée S, Emery C, Nachbaur G, Pribil C and Loncle-Provot V. Risk factors for invasive meningococcal disease: a retrospective analysis of the French national public health insurance database. Human Vaccines & Immunotherapeutics 2021, 17:6, 1858-1866, DOI: 10.1080/21645515.2020.1849518 
4. Calvert A, Campbell H, Heath PT, Jones C, Le Doare K, Mensah A, and Ladhani S. Risk of meningococcal disease in preterm infants. Open Forum Infectious Diseases, 2024. doi.org/10.1093/ofid/ofae164
5. Guedes S, Bricout H, Langevin E, Tong S, Bertrand-Gerentes I. Epidemiology of invasive meningococcal disease and sequelae in the United Kingdom during the period 2008 to 2017 – a secondary database analysis. BMC Public Health 2022. 22:521. doi.org/10.1186/s12889-022-12933-3
6. Weil Olivier C, Taha MK, Bouée S, Emery C, Loncle-provot V, Nachbaur G, Beck E, and Pribil C. Care pathways in invasive meningococcal disease: a retrospective analysis of the French national public health insurance database. Human Vaccines & Immunotherapeutics. 2022, Vol. 18, n° 1, e2021764. doi.org/10.1080/21645515.2021.2021764 
7. Olbrich KJ, Muller D, Schumacher S, Beck E, Meszaros K, Koerber F. Systematic review of invasive meningococcal disease: Sequelae and quality of life impact on patients and their caregivers. Infect Dis Ther 2018 7:421–438. doi.org/10.1007/s40121-018-0213-2
8. Mohanty S, Johansson Kostenniemi U, Silfverdal SA, Salomonsson S, Iovino F, Sarpong EM, Bencina G, and Gustaf Bruze. Increased risk of long-term disabilities following childhood bacterial meningitis in Sweden. JAMA Netw Open. 2024 Jan; 7(1): e2352402. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2023.52402: 
9. Huang L, Fievez S, Goguillot M, Marié L, Bénard S, Elkaïm A, et al. A database study of clinical and economic burden of invasive meningococcal disease in France. PLoS ONE 2022. 17(4): e0267786. doi.org/10.1371/journal. pone.0267786 
10. Wang B, Afzali HHA, Giles L, Marshall H. Lifetime costs of invasive meningococcal disease: A Markov model approach. Vaccine 2019 Oct 31;37(46):6885-6893. doi: 10.1016/j.vaccine.2019.09.060. 

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Ressources complémentaires

Résumé

Les infections invasives à méningocoques (IIM) affichent encore un taux de mortalité de 11 % en France. Des études récentes, à l’échelle de chaque pays, ont permis de mieux quantifier les séquelles chez les survivants et en préciser la diversité. Au-delà des conséquences immédiates observées à la sortie de l’hôpital, de nombreuses séquelles peuvent apparaître de manière différée, survenant parfois plusieurs mois, voire des années après l’infection. On estime actuellement que 20 à 30 % des survivants présenteront au moins une séquelle, et 9 à 10 % en cumuleront plusieurs. Les plus fréquentes sont de nature neurologique (comme l’épilepsie ou des troubles moteurs sévères) ou psychologique (notamment l’anxiété). Les séquelles physiques, comme des cicatrices cutanées, voire des amputations, bien que moins fréquentes, ont une prise en charge coûteuse. Les difficultés cognitives, les troubles d’apprentissage, ainsi que des problèmes comportementaux ou émotionnels, dont le diagnostic est souvent tardif, sont vraisemblablement sous-estimés. Les troubles de communication ou de langage ont un risque-ratio > 20 par rapport aux témoins. Cette diversité des séquelles contribue à la complexité et au coût de leur prise en charge. Cela souligne l’importance d’une estimation aussi précise que possible de l’impact des IIM et de leurs séquelles, ainsi que de la mise en œuvre des mesures de prévention actuellement disponibles.