L’impact de la maladie épileptique est majeur aussi bien sur le plan personnel que sur le plan social ou ­professionnel. Cet impact diffère selon que l’épilepsie vient de se déclarer ou est chronique.
Dans les épilepsies nouvellement diagnostiquées, les principales questions portent sur l’adaptation de la scolarité chez les enfants et les étudiants ou de l’emploi chez les adultes, sur la législation du permis de conduire et sur l’adaptation du mode de vie.
Dans les épilepsies chroniques, les questions concernent le choix du mode d’exercice professionnel (protégé, adapté, ordinaire), chez les adolescents un choix adapté de profession, et dans tous les cas le déclenchement de dispositifs adaptés globaux (reconnaissance en affection de longue durée [ALD], maladie reconnue par la maison départementale des personnes handicapées [MDPH]) ou spécifiques (service d’accompagnement à la vie sociale [SAVS], centres ressources).
Dans tous les cas, l’approche thérapeutique n’est pas seulement médicamenteuse mais elle doit être ­globale : traiter les comorbidités psychiatriques éventuellement associées, rééduquer des troubles cognitifs comorbides, proposer des dispositifs scolaires, sociaux et professionnels adaptés, gérer le stress et améliorer la qualité de vie.
Cette approche globale a été développée dans les travaux de la Haute Autorité de santé sur les recommandations de prise en charge des épilepsies de l’enfant et de l’adulte1 et dans le travail plus récent sur les parcours de soins de l’enfant et de l’adulte.2

Impact d’une épilepsie nouvellement diagnostiquée

Les questions les plus fréquentes des patients avec épilepsie pour leur vie courante concernent la conduite automobile, la scolarité et l’exercice professionnel ­ainsi que l’adaptation de la vie quotidienne.

Permis de conduire

L’aptitude à la conduite des patients avec épilepsie est régie par l’arrêté du 18 décembre 2015, modifié le 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée (annexes I et II de l’arrêté du 28 mars 2022).
Dans tous les cas, le patient doit faire une demande officielle auprès de la commission préfectorale du permis de conduire et consulter un médecin de ville agréé par la préfecture, qui doit être différent de son médecin traitant. Il est nécessaire qu’il se présente muni de son dossier médical et de préférence d’un courrier de son neurologue traitant (informations sur le site Service-­Public.fr).
 

Permis pour véhicules légers

Pour les permis du groupe « léger » (A, A1, A2, B, B1, BE), la conduite automobile est autorisée sous certaines conditions détaillées dans le tableau. En résumé :
  • en cas de crise provoquée, la capacité de conduire est laissée à l’appréciation du neurologue ;
  • en cas de première crise non provoquée et isolée : suspension de conduite de six mois, réévaluation à six mois et compatibilité définitive à la conduite après cinq ans sans crise ;
  • en cas d’épilepsie avérée : suspension de conduite d’un an, réévaluation à un an et compatibilité définitive à la conduite après cinq ans sans crise ;
  • en cas d’épilepsie avérée avec crises exclusivement pendant le sommeil : suspension de conduite de six mois ;
  • en cas d’épilepsie avérée avec crises sans rupture de conscience et ne jouant pas sur la capacité d’action : suspension de conduite de six mois ;
  • en cas de modification ou arrêt de traitement : suspension de conduite de trois mois ;
  • en cas de modification ou arrêt de traitement avec récidive de crises : suspension de conduite de trois mois après réinstauration du traitement précédemment efficace.
Dans tous les cas, le neurologue, s’il estime le risque de récidive négligeable, peut demander une réduction du délai prévu par la loi, qu’il doit justifier. C’est le médecin agréé du permis de conduire qui tranche.
 

Permis « lourds » et professionnels de la conduite

Pour les permis « lourds » (C1, C1E, C, CE, D1, D1E, D, DE) ou les patients conduisant à titre professionnel avec un permis léger (taxi, véhicule de tourisme avec chauffeur [VTC], moniteur d’auto-école, ambulancier), la loi est beaucoup plus restrictive et équivaut le plus souvent à une perte d’emploi :
  • en cas de crise provoquée : incapacité de conduire jusqu’à identification et éradication du facteur déclenchant ;
  • en cas de première crise non provoquée et isolée : suspension de conduite de cinq ans, réévaluation à cinq ans et compatibilité à la conduite si crise unique n’ayant pas amené à traitement ;
  • en cas d’épilepsie avérée : suspension de conduite de dix ans, réévaluation à dix ans et compatibilité à la conduite en l’absence de crise et de traitement (tableau).

Scolarité des enfants et adolescents

Dans la grande majorité des cas, les personnes avec épilepsie suivent une scolarité classique, mais elles ont plus de risques que celles du même âge de rencontrer des difficultés dans leur parcours ; un projet d’accueil individualisé (PAI) est alors mis en place (encadré).3

Aménagement du poste de travail

Il est conseillé au patient présentant une épilepsie nouvellement diagnostiquée de signaler son épilepsie à son médecin du travail, qui juge :
  • si l’épilepsie est adaptée au poste de travail ;
  • si un aménagement du poste de travail est nécessaire ;
  • s’il faut déclarer une inaptitude.
Certaines professions sont réglementairement interdites en cas d’épilepsie :
  • personnel roulant et de sécurité de la SNCF ;
  • aviation civile et métiers de l’aéronautique (personnel navigant technique, professionnel de l’aéronautique civile), sauf s’il est prouvé qu’il s’agit d’une épilepsie de l’enfance associée à un très faible risque de récurrence et dont le traitement a été arrêté depuis plus de dix ans : dérogation par le conseil médical de l’aéronautique civile (CMAC) ;
  • pompier professionnel, qui est alors orienté en activité non opérationnelle ;
  • plongeur professionnel et travail en milieu hyperbare ;
  • service actif et port d’armes dans la police nationale ;
  • marine marchande, de plaisance et de pêche, y compris personnel navigant commercial ;
  • militaires : un profil SIGYCOP est déterminé, dans lequel le coefficient 1 définit la normalité et donc l’aptitude ; les coefficients 4, 5 et 6 traduisent l’existence d’une impotence fonctionnelle majeure ou d’une affection grave avec inaptitude à l’engagement.

Ajustement du mode de vie

Les règles hygiéno-diététiques font partie intégrante du traitement antiépileptique : dormir suffisamment, pratiquer une activité sportive régulièrement, lutter contre le stress, éviter la surconsommation d’excitants (alcool, café, thé)…
Par ailleurs, il est recommandé au patient avec épilepsie d’aménager son domicile et ses habitudes de vie jusqu’à ce qu’il ait un recul sur l’équilibre de l’épilepsie :
  • proscrire les bains, thermostat sur la douche, plaques à induction, ne pas s’enfermer à clé dans une pièce, porte ouvrant vers l’extérieur, pas de lit en hauteur... ;
  • proscrire momentanément tout sport dangereux pour le patient ou son entourage en cas de survenue de crise (sports nautiques, plongée sous-marine, escalade, parachutisme, sports motorisés…).
Il n’y a pas de contre-indications aux activités de loisir.

Épilepsie chronique

Le patient avec une épilepsie chronique doit en tenir compte pour le choix de sa profession. Il peut bénéficier de différents dispositifs d’accompagnement.

Choix de profession

À l’adolescence, le choix des études et de l’orientation professionnelle se pose. Cette orientation doit exclure les professions réglementées lorsque l’épilepsie est non équilibrée ou équilibrée mais de pronostic non défini.
En parallèle des professions interdites aux patients avec épilepsie, d’autres sont déconseillées en cas d’épilepsie active ou de pronostic non défini : besoin de conduite automobile ou d’un engin exigeant un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES) comme un tracteur ou une grue, travail en hauteur non sécurisé, utilisation de machines dont le dispositif d’arrêt ne permet pas l’arrêt immédiat (scie circulaire, taille-haie…), travail isolé ou posté ou avec dette de sommeil.

Dispositifs d’accompagnement globaux

Affection de longue durée

Seules les épilepsies « graves », c’est-à-dire pharmacorésistantes, peuvent ouvrir le droit à une procédure de reconnaissance d’affection de longue durée (ALD). La demande doit être effectuée sur un formulaire spécifique et envoyée à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) par le médecin déclaré comme traitant auprès de la Sécurité sociale par le patient.
 

Maison départementale des personnes handicapées

La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) est une structure pilotée par les conseils départementaux chargée de l’accueil et de l’accompagnement des personnes handicapées et de leurs proches. Il existe aussi maintenant des maisons de l’autonomie dans certains départements. Les MDPH, dans chaque département, fonctionnent comme un guichet unique pour toutes les démarches liées aux diverses situations de handicap, ici l’épilepsie, à savoir : l’évaluation du handicap, celle des besoins de compensation et une éventuelle orientation scolaire, médico-sociale ou professionnelle.
L’évaluation pluridisciplinaire réalisée par la MDPH (médecins, infirmiers, assistantes sociales, ergothérapeutes, psychologues…), après dépôt d’un dossier, débouche sur une prise de décision par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) concernant un taux de handicap, l’obtention d’une éventuelle allocation adulte handicapé (AAH) en fonction de ce taux, une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ou une orientation spécifique vers des établissements médico-éducatifs.

Mode d’exercice professionnel

Pour un patient épileptique, trois conditions d’exercice professionnel sont possibles : le milieu protégé, les entreprises adaptées ou le milieu ordinaire (cas le plus fréquent).
Les patients adultes avec épilepsie dont la capacité de travail est inférieure à un tiers de celle d’une personne valide sont orientés en milieu protégé par la MDPH. Ils travaillent alors en établissement et service d’accompagnement par le travail (ESAT) avec un encadrement pluridisciplinaire médico-social et éducatif. Dans ce cadre, ils bénéficient d’une rémunération, variant de 55 à 110 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) – provenant de l’ESAT et de l’État – toujours complétée par l’AAH.
La MDPH peut également orienter le patient adulte avec épilepsie vers des entreprises adaptées. L’entreprise adaptée (ex-ateliers protégés) est une entreprise dont la majorité des effectifs est en situation de han­dicap. Le patient a alors un statut de salarié, avec un contrat de droit privé et la garantie d’un Smic.
La plupart des patients avec épilepsie travaillent en milieu ordinaire, soit sans démarche préalable auprès de la MDPH, soit avec un statut RQTH orientant en milieu ordinaire mais donnant droit à des aménagements du temps de travail.

Dispositifs spécifiques

SAVS et SAMSAH

Il existe deux services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) spécialisés en épilepsie : le SAVS de Sainte-Anne (Paris XIVe) et le SAVS La Teppe à Tain-l’Hermitage. Les SAVS regroupent des interventions de plusieurs professionnels dans le but d’aider le patient à acquérir de l’autonomie et à se maintenir à domicile. Ils s’adressent aux personnes en situation de handicap à partir de 18 ans.
Un service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) spécialisé en épilepsie existe à Nancy. En plus des missions des SAVS, les ­SAMSAH proposent aux personnes qui en ont besoin des prestations de soins réguliers et coordonnés (ce que ne font pas les SAVS) ainsi qu’un accompagnement ­médical et paramédical en milieu ouvert.
Les structures destinées à l’épilepsie sont uniques.
 

Équipes ressources

Les équipes ressources sont des équipes pluridisciplinaires visant à aider les patients avec épilepsie à identifier les ressources dont ils ont besoin (médicales, sociales, professionnelles, paramédicales) et à leur proposer les ressources locales ou régionales existantes. L’idée est de développer, pour chaque patient, des compétences individuelles et collectives en proposant des informations, conseils, actions de soutien à la mise en place de moyens ou d’outils les aidant à gagner en qualité de vie et en autonomie.
Il existe à ce jour en France deux équipes ressources spécialisées en épilepsie : Erasme en Bretagne et ÉPIcentre en Haute-Savoie.6 
Encadre

Adaptation de la scolarité des enfants et adolescents

Un projet d’accueil individualisé (PAI) est fortement recommandé pour tout enfant ou adolescent scolarisé en milieu normal débutant une épilepsie. Pour cela, la famille doit prendre rendez-vous avec le médecin et l’infirmière scolaire de l’établissement ou de l’académie. Le PAI est un contrat entre les parents, le médecin scolaire, les enseignants et le neuropédiatre ou le neurologue qui suivent l’enfant stipulant la conduite à tenir en cas de survenue de crises à l’école et éventuellement d’autres renseignements comme la gestion des activités sportives et des déplacements scolaires. Une fiche spécifique est complétée par le médecin spécialiste qui suit l’enfant (téléchargeable sur le lien : https://eduscol.education.fr/document/7763/download).

Un aménagement du temps d’examen peut également être demandé par le médecin en charge de l’enfant auprès du rectorat (simple certificat médical) : tiers temps supplémentaire, présence d’un assistant ou mise à disposition d’un équipement adapté.

Enfin, lorsque le maintien en milieu scolaire ordinaire s’avère impossible, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) peut orienter l’enfant avec épilepsie vers des instituts médico-éducatifs spécialisés.

Encadre

Pour en savoir plus

Fiches pratiques de la Ligue française contre l’épilepsie (LFCE) : https://www.epilepsie-info.fr/

Cartographie de la LFCE (recensement des acteurs de soins des patients avec épilepsie) : https://www.epilepsie-info.fr/#section-462-4187

Arrêté du 28 mars 2022 fixant la liste des affections médicales incompatibles ou compatibles avec ou sans aménagements ou restrictions pour l’obtention, le renouvellement ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée : https://urlz.fr/hTMQ

Permis de conduire et visite médicale pour raisons de santé sur le site Service-Public.fr : https://urlz.fr/sE7f

Références
1. Haute Autorité de santé. Épilepsies : prise en charge des enfants et des adultes. Recommandation de bonne pratique. Novembre 2020. https://urlz.fr/mwgC
2. Haute Autorité de santé. Guides du parcours de santé de l’adulte et de l’enfant avec épilepsie. Décembre 2023. https://urlz.fr/mwje
3. Dupont S. Épilepsies de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte. Elsevier Masson, 2020.

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Résumé

De nombreux dispositifs existent et peuvent être mis à disposition des patients, avec néanmoins une disparité de recours à certaines ressources selon le lieu d’habitation.