L’infection congénitale par le cytomégalovirus, bien qu’asymptomatique dans la grande majorité de cas, peut causer de graves séquelles chez le nouveau-né (déficit auditif, voire neurodéveloppemental). Quand faut-il dépister ? Quels conseils de prévention donner aux patientes en début de grossesse ? Retour sur l’intervention du Dr Hélène Collinot (hôpital Cochin, Paris) aux Journées nationale de médecine générale 2021.

 

Le cytomégalovirus (CMV), virus à ADN de la famille des herpès virus, est responsable d’infections généralement a- ou peu symptomatiques. Il est pathogène surtout chez les patients immunodéprimés et les fœtus. En France, la séroprévalence chez l’adulte est d’environ 50 % ; chez les femmes enceintes, l’incidence varie entre 0,2 et 4 % (avec un risque de primo-infection estimé à 1 % ; celui d’une réactivation est mal connu). S’il s’agit de l’infection congénitale la plus fréquente dans les pays à hauts revenus, deuxième cause de troubles auditifs chez l’enfant, elle reste cependant asymptomatique chez 90 % des nouveau-nés infectés ; parmi eux, seuls 10 % pourront développer une surdité jusqu’à l’âge de 5 ans. Dans quels cas faut-il dépister la mère ? Quels conseils de prévention donner ? Quel suivi en cas de séroconversion pendant la grossesse ?

Quels risques selon l’âge gestationnel ?

L’infection congénitale par le CMV peut être acquise in utero à l’occasion d’une virémie maternelle, au cours d’une primo-infection mais aussi d’une réactivation. D’abord placentaire, elle peut éventuellement être transmise ensuite au fœtus.

La primo-infection maternelle n’entraîne pas forcément d’infection placentaire. Le risque de transmission maternofœtale augmente au cours de la grossesse, mais, à l’inverse, la gravité et les séquelles fœtales diminuent aux 2e et 3e trimestres.

Dépistage systématique : non recommandé

À l’heure actuelle, le dépistage systématique en population générale n’est recommandé ni par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) ni par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en l’absence de balance bénéfices-risques favorable :

– pas de traitement disponible, que ce soit en prophylaxie secondaire, après une primo-infection (même du 1er trimestre), ou en présence de signes d’infection congénitale ;

– interprétation difficile de la sérologie (l’incertitude diagnostique et pronostique pouvant alors être responsable d’une grande anxiété chez les parents) ;

– l’importance des mesures d’hygiène est identique (v. ci-dessous) pour les femmes séronégatives et séropositives, or une sérologie positive entraîne un risque de fausse réassurance.

Quand effectuer une sérologie ?

Au cas par cas, en présence de signes évocateurs :

– chez le fœtus : retard de croissance intra-utérin, microcéphalie, dilatation ventriculaire cérébrale, calcifications périventriculaires, hépatosplénomégalie, intestin hyperéchogène, augmentation de l’épaisseur placentaire ;

– chez la mère (peu spécifiques) : syndrome grippal, fièvre, fatigue et céphalées, à interpréter en fonction du contexte (si non expliqués par une autre infection en cours) et de l’âge gestationnel.

En effet, une sérologie positive peut être difficile à interpréter au 2e et 3e trimestres (séroconversion, réactivation ?), mais aussi au premier, en particulier en l’absence de sérologie positive connue avant la grossesse (une avidité faible des IgG signe une primo-infection du 1er trimestre, v. algorithme ci-dessous).

Figure 1

Quelle surveillance en cas de séropositivité ?

La patiente pourra être adressée vers un Centre de diagnostic anténatal pour confirmer une séroconversion et, le cas échéant, pour un suivi de la grossesse.

Une primo-infection nécessite en effet une prise en charge spécifique :

– surveillance échographie mensuelle par des référents (éventuellement IRM à 32 semaines) ;

– si échographies anormales : amniocentèse à la recherche du CMV par PCR sur le liquide pour déceler une virémie fœtale, détectable au moins 6 semaines après l’infection maternelle (en cas d’anomalie sévère à l’échographie, une IMG peut être discutée) ;

– si échographies et IRM normales : le nouveau-né est testé à la naissance pour guider la surveillance néonatale.

Pour rappel, 90 % des nouveau-nés infectés sont asymptomatiques ; parmi eux, 5 à 10 % pourront ensuite développer un déficit auditif dans les 5 premières années de vie (v. figure ci-dessous).

Figure 2

Mesures d’hygiène : fondamentales

Faute de vaccin (et de traitement), les mesures d’hygiène sont la pierre angulaire de la prévention d’une infection par le CMV : elles doivent être expliquées à toutes les femmes en début de grossesse ou ayant un projet de grossesse.

Salive, larmes et urines des enfants en bas âge (< 3 ans) sont les principaux vecteurs de transmission du CMV. Ainsi, il faut recommander :

– le lavage des mains à l’eau et au savon après chaque change ou contact avec leurs urines, salive ou secrétions nasales (couche, pot, pyjama mouillé, jouets, repas, bain, mouchage…) ;

– de ne pas sucer leur cuillère ou tétine, ni goûter ou finir leurs repas ;

– ni partager leurs affaires de toilette (gant de toilette, serviette, brosse à dents) ;

– de ne pas les embrasser sur la bouche ou les yeux.

Ces recommandations, à respecter jusqu’à l’accouchement, s’appliquent aussi bien à la femme enceinte qu’au conjoint, et sont identiques que la patiente soit séropositive au CMV ou pas, car en cas de transmission maternofœtale, la fréquence, le risque et la gravité des séquelles sont identiques après primo-infection (mère séronégative en début de grossesse) ou infection secondaire (réinfection ou réactivation, mère séropositive en début de grossesse).

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

HCSP. Questions/réponses relatifs à la prévention de l’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte et chez le nouveau-né.  Décembre 2018.

CNGOF. Dépistage prénatal de l’infection à cyto mégalo virus (CMV).  29 novembre 2019.

À lire aussi :

Dussaux C, Picone O. Infection à CMV chez la femme enceinte.Rev Prat Med Gen 2017 ;31(988) ;687-9.

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