Au début d’un traitement antidépresseur, il est fréquent que le patient signale une aggravation de son état, voire l’apparition de nouveaux symptômes. Comment distinguer un « syndrome d’activation » – effet pharmacologique attendu et transitoire – d’un virage maniaque ? Quelle conduite à tenir en médecine générale ?

Les antidépresseurs ont de multiples indications (dépression, troubles anxieux, douleurs chroniques, etc.) avec des preuves bien documentées de leur efficacité. Pour bénéficier de ces effets thérapeutiques tout en minimisant les risques, il faut bien connaître leurs possibles effets indésirables, notamment en début de traitement.

Pour rappel, le délai d’action des antidépresseurs sur les symptômes dépressifs est d’au moins deux semaines, même si certains patients peuvent ressentir des effets positifs plus rapidement. En début de traitement, il est fréquent de constater une aggravation de l’état du patient, voire l’apparition de nouveaux symptômes.

Quand évoquer un syndrome « d’activation » ?

Ces symptômes sont regroupés sous le terme de syndrome « d’activation » ou « nervosité/anxiété » :

  • tension interne, fébrilité (un peu comme quand on a bu trop de café) ;
  • aggravation de l’anxiété, attaques de panique ;
  • insomnie ;
  • irritabilité ;
  • agitation ;
  • apparition ou aggravation d’idées suicidaires.

L’expression « levée d’inhibition » est encore souvent utilisée en France pour décrire un syndrome proche.

Ce syndrome « d’activation » est lié au début des effets pharmacologiques de l’antidépresseur sur la transmission sérotoninergique. Plus fréquent chez les enfants, adolescents et jeunes adultes, il apparaît dès les premiers jours de traitement et disparaît en général rapidement après la première semaine. Il est plus fréquent en cas d’augmentation rapide des doses et peut réapparaître à chaque augmentation de dose.

Il s’agit d’un effet pharmacologique attendu, qui en règle générale ne justifie pas l’arrêt définitif de l’antidépresseur. Il peut nécessiter :

  • une diminution des doses voire un arrêt temporaire de l’antidépresseur le temps que les symptômes disparaissent ;
  • l’association d’un traitement anxiolytique ou hypnotique en début de traitement.

Comment faire la différence avec un virage maniaque ?

Ce syndrome peut être difficile à différencier d’un virage (hypo)maniaque. Si plusieurs symptômes sont communs, certaines caractéristiques diffèrent (cf. figure) :

  • le virage de l’humeur survient plus tardivement, après plusieurs jours/semaines de traitement ;
  • des symptômes maniaques plus spécifiques sont présents : accélération des idées et du débit verbal, hyperactivité motrice, réduction du besoin de sommeil.

Un virage de l’humeur impose en règle générale l’arrêt de l’antidépresseur.

Quels messages pour la pratique ?

En pratique, un syndrome d’activation peut s’associer à/évoluer vers un virage de l’humeur s’il existe une vulnérabilité bipolaire :

  • première dépression avant 25 ans ;
  • dépression avec symptômes psychotiques ou ralentissement moteur ;
  • fluctuations de l’humeur, surtout si caractère saisonnier ;
  • antécédents familiaux de bipolarité ou de suicide.

Ainsi, surtout chez les jeunes, une surveillance au minimum hebdomadaire est indispensable après l’initiation d’un traitement antidépresseur. Les primoprescriptions d’antidépresseurs pour une durée d’un mois voire plus, sans rendez-vous intermédiaire, et sans information sur les signes d’alerte, sont à proscrire.

Références
Sinha P, Shetty DJ, Bairy LK, et al. Antidepressant-related jitteriness syndrome in anxiety and depressive disorders: Incidence and risk factors.  Asian J Psychiatr 2017;29:148-53.
Sinclair LI, Christmas DM, Hood SD, et al. Antidepressant-induced jitteriness/anxiety syndrome: systematic review.  Br J Psychiatry 2009;194(6):483-90.

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