Les diagnostics de SII-D et de DF reposent sur la clinique et les critères de Rome IV (encadré ci-dessous). La différence majeure entre ces deux syndromes réside dans la fréquence et la prédominance de la douleur abdominale, mais on constate un chevauchement des symptômes dans environ 25 % des cas, rendant la distinction parfois difficile.
La prise en charge est mal codifiée, surtout dans la DF, où les études sont peu nombreuses. Les dernières recos de la Société européenne de neurogastroentérologie et motricité indiquent une démarche diagnostique simple et font le point sur les thérapies qui ont montré une efficacité.
Un diagnostic positif
Les experts soulignent l’importance de faire un diagnostic positif, basé sur les symptômes, et non un diagnostic d’élimination fondé sur une série d’examens complémentaires.
Tout d’abord, il faut rechercher les signes d’alarme, qui imposent la réalisation rapide d’une coloscopie :
- perte de poids involontaire ;
- selles nocturnes ;
- ténesme ;
- rectorragies ;
- diarrhée de volume élevé et/ou nombre très élevé de selles ;
- signes de dénutrition ;
- antécédents familiaux de cancer colorectal.
Les facteurs psychosociaux (somatisation, catastrophismes…) sont fréquents au cours du SII-D, mais il y a peu de données pour la DF. L’incontinence anale (perte de selles/gaz, port de protection) toucherait un patient sur deux. Elle est à rechercher à l’interrogatoire.
Bilan systématique
En l’absence de signes d’alarme, le bilan recommandé est le suivant :
- NFS-plaquettes, pour rechercher une anémie ou une hyperleucocytose.
- CRP : un taux inférieur à 5 mg/L indique un faible risque de maladie inflammatoire intestinale.
- Dosage des anticorps anti-transglutaminase de type IgA (sauf si le patient suit déjà un régime sans gluten).
- Calprotectine fécale : un taux normal exclut une pathologie organique ; élevé, il oriente vers une atteinte inflammatoire (coloscopie +++).
La mesure du temps de transit colique avec des marqueurs radio-opaques, les tests respiratoires pour dépister la malabsorption de sucres (lactose, fructose) et ceux explorant le microbiote ne sont pas recommandés.
En revanche, un syndrome de malabsorption des acides biliaires touchant près de 30 % des patients SII-D, il faut l’évoquer, en particulier chez les patients avec des selles très fréquentes et impérieuses voire des fuites anales et chez ceux ne répondant pas au traitement de première intention. En France, seul un traitement d’épreuve par chélateur des acides biliaires, la colestyramine (hors AMM dans cette indication), permet de faire le diagnostic (4 à 12 g/j, à prendre à distance de l’administration d’autres médicaments).
Quels traitements ?
Les antispasmodiques musculotropes (pinavérium bromide, citrate d’alvérine) sont indiqués pour soulager la douleur abdominale du SII-D en réduisant les contractions musculaires intestinales. Ils doivent être utilisés de manière ponctuelle (attention, l’huile de menthe poivrée n’a pas fait ses preuves dans des études rigoureuses menées récemment).
Le lopéramide, qui ralentit le transit intestinal, est recommandé pour les troubles du transit liés au SII-D et à la DF. Il réduit la fréquence des selles mais n’a pas d’effet sur la douleur abdominale.
L’association de xyloglucan et xylo-oligosaccharides (Gelsectan), qui agit en formant un film sur la paroi intestinale, a montré une efficacité supérieure au placebo chez les patients ayant un SII-D, et une amélioration significative de la consistance des selles.
Enfin, les probiotiques peuvent apporter un soulagement chez certains patients atteints de SII-D en améliorant les symptômes et la diarrhée (mais le niveau de preuve est faible).
Un régime pauvre en FODMAP est conseillé en cas d’échec des traitements initiaux dans le SII-D. Ce régime contraignant doit être suivi pendant 4 à 6 semaines ; ensuite, une réintroduction progressive des aliments est recommandée en fonction de la tolérance individuelle.
Les thérapies cognitivo-comportementales et l’hypnose ont montré un intérêt dans la gestion des symptômes fonctionnels intestinaux liés au SII-D.
Enfin, les antidépresseurs tricycliques, utilisés à faible dose (en particulier l’amitriptyline et l’imipramine), peuvent améliorer la douleur et les troubles psychologiques associés au SII-D.
En revanche, ne sont pas recommandés par les experts :
- Le régime sans gluten : l’efficacité éventuelle d’un régime sans gluten, ou pauvre en gluten, est probablement davantage liée à une diminution des FODMAP associés au gluten qu’à une diminution du gluten.
- Les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS).
- La transplantation fécale.
Critères diagnostiques
Syndrome de l’intestin irritable à diarrhée prédominante (SII-D) :
Douleur abdominale récidivante : au moins 1 jour par semaine au cours des 3 derniers mois.
Associée à deux critères parmi :
- Amélioration des symptômes après la défécation
- Modification de la fréquence des selles
- Modification de la consistance des selles selon l’échelle de Bristol (figure) :
- Plus de 25 % des selles sont de type 6 ou 7
- Moins de 25 % sont de type 1 ou 2.
Diarrhée fonctionnelle (DF) :
Selles molles, pâteuses ou liquides dans plus de 25 % des cas.
Absence de douleur abdominale prédominante.
Critères du SII-D absents.
Durée des symptômes : ils doivent être présents depuis au moins 6 mois avant le diagnostic.
Coffin B. Troubles fonctionnels intestinaux avec diarrhée : recommandations de l’ESNM. AFMCEH 2024.