Le sujet de ce mois va, je pense, assez facilement faire l’unanimité. Pourquoi ai-je attendu 33 épisodes de cette rubrique pour aborder les « certifalacons » ? Franchement, je n’en sais rien ! Pur déni ? Volonté d’oublier ce sujet ? Manque d’envie d’y consacrer de précieuses minutes de réflexion et de rédaction ? Probablement un peu de tout ça…
Je pense qu’on a tous l’impression que ces demandes de certificats injustifiés sont de plus en plus insupportables. Et pour ma part, le sentiment principal réside en la non-acceptation de la perpétuation de cette part de bureaucratie, malgré l’apparente prise de conscience des décideurs pour éviter cette fameuse perte de temps médical.
Pourtant, ce problème est en fait assez ancien ; en 1970, un arrêté l’affirmait déjà : « la demande de certificats (pour absence scolaire) entraîne une lourde dépense pour le budget social et de grandes pertes de temps pour le corps médical ».
Concernant les certificats d’aptitude au sport, la loi de 2022 qui en supprime la nécessité pour les mineurs est, à mon sens, de mieux en mieux respectée. Nos mois de septembre restent extrêmement chargés par des « visites de rentrée » mais le motif n’en est plus trop le certificat, et c’est bien agréable !
Ainsi, quand, à la suite de la demande récente d’un conservatoire (donc d’un établissement public) de fournir un certificat pour la pratique de la danse, le parent ayant répondu (soufflé par son docteur) que ce n’est pas nécessaire, on lui indique que si, puisqu’il s’agit d’une pratique artistique et non d’un sport… ce n’est plus entendable !
Je passe sur les certificats de mannequinat pour les enfants, les sacro-saints bébé-nageurs, les jeux d’échecs – « car il y a des compétitions » – et autres demandes farfelues, qui nous donnent envie de punir les assurances avec cinquante lignes à écrire « Je ne demanderai plus de certificats non justifiés médicalement »... Et les demandes pour ne pas payer la cantine ou la crèche, qui me donnent parfois plus envie de donner la punition aux parents qu’aux écoles !
Ce qui est parfois très frustrant, c’est que pour les certificats ayant un réel intérêt médical (course à pied pour un patient de 50 ans avec plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire par exemple), il est nécessaire de réaliser un électrocardiogramme. Si on n’en fait pas au cabinet, il faut adresser le patient au cardiologue. Mais comme cet examen n’est pas obligatoire pour délivrer le certificat et que le patient souhaite démarrer son activité sans attendre, on y sursoit, alors qu’il aurait été nécessaire ; le certificat perd donc en pertinence et en intérêt médical…
D’autres sollicitations sont parfois plus dérangeantes. Lorsqu’on nous demande de certifier qu’il faut aménager une salle de bains du fait d’un handicap, ou changer d’appartement car les moisissures aggravent un asthme par exemple, n’ayant pas la possibilité de vérifier le fondement de la demande, ce n’est pas très confortable. Pour autant, je ne refuse quasiment jamais lorsque je connais le patient et que la demande paraît cohérente, mais je n’ai toujours pas compris en quoi ma parole aurait une telle valeur dans un dossier administratif.
Des initiatives existent pour dénoncer cette problématique de notre médecine de ville. Le site Cocori-Crocodile (inspiré d’une action belge – nous ne sommes donc pas les seuls !) encourage à apposer un tampon avec un crocodile bleu sur le certificat pour signaler une demande abusive. Pour ma part, je mentionne sur le certificat un rappel à la loi. Je suis aussi de plus en plus souvent tentée d’écrire, au lieu de « ... ne présente pas de contre-indication pour… », « ... présente une contre-indication pour… » et voir si l’erreur sera remarquée !
Finalement, ce qui me dérange le plus est que nos écrits sont perçus comme un sésame, sans fondement médical.
Mais n’oublions pas que ces motifs de consultation permettent aussi d’alléger les journées et, après un enchaînement de consultations longues et à motifs multiples, une visite où tout le monde va bien et où l’on peut mêler prévention et mise à jour sur les événements de vie du patient, ce n’est pas si mal de temps en temps !