Ne soyons pas hypocrites, une partie non négligeable de vous – lecteurs – ne va même pas attendre la fin de cet article pour aller me « googliser » (spoiler : je n’ai plus cinq étoiles depuis bien longtemps !). La visibilité sur internet est devenue inévitable, et parfois même difficile à contrôler. Il y a quelques années, c’était d’ailleurs très utile, lorsque l’on venait de s’installer, de bénéficier d’un bouche-à-oreille gratuit, sans effort. Cela permettait de se faire connaître rapidement, même si cela ne remplace jamais d’aller se présenter en personne au pharmacien et aux professionnels de santé du quartier. Le problème, c’est que la subjectivité inhérente à tout avis prend une dimension souvent dérangeante lorsqu’un patient évalue son médecin.

Le besoin, pour certains patients, d’aller alimenter la notation des médecins est déjà surprenant : la consultation médicale, quelle que soit la spécialité, est censée être entourée d’une certaine discrétion. Le secret médical empêche, de fait, le médecin de divulguer toute information sur internet. Le patient, lui, peut certes évoquer ses problèmes de santé avec qui bon lui semble, mais de là à afficher publiquement qui il consulte et pourquoi, au même titre que le dernier restaurant testé… cela me surprend toujours.

L’emballement (négatif ou positif) que l’on observe dans ces avis existe aussi pour les médecins : une majorité d’avis négatifs libère la parole du patient mécontent, qui est inconsciemment encouragé à ajouter son fiel à la liste déjà constituée. En revanche, laisser un avis négatif pour un « médecin cinq étoiles » nécessite de franchir une barrière psychologique et est donc moins fréquent.

Le principal problème de cette notation réside dans la pertinence de l’avis laissé par le patient. Ce dernier arrive souvent avec une idée en tête sur la façon dont le médecin va répondre à sa demande. L’avis de quarante lignes, avec moult détails souvent personnels et médicaux, rempli d’affects et de ressentis négatifs (« mauvais diagnostic », « dommage de ne pas pouvoir mettre zéro étoile », « froide comme une porte de prison », « n’a pas l’air de connaître le serment d’Hippocrate »…) correspond en général à un besoin d’évacuer sa déception au sortir de la consultation et aurait peut-être été rédigé différemment si le patient avait tourné sept fois sa souris avant de cliquer !

Si le médecin a répondu tout sauf ce que le patient avait envie d’entendre, cela en fait-il un mauvais praticien ? Si sa façon de fonctionner ne convient pas au patient, est-ce forcément critiquable ? Ne serait-il pas plus judicieux de trouver un professionnel en adéquation avec ce qui lui convient ? Par exemple, un médecin toujours en retard ne conviendra pas à de nombreux patients, mais un médecin très ponctuel ne satisfera pas non plus un éternel retardataire ! Pour autant, une certaine sincérité se dégage en général de ces évaluations, et certains éléments peuvent être objectifs. Par exemple, lorsque 90 % des avis signalent un manque d’hygiène, une salle d’attente bondée et une heure de retard minimum, il est fort probable que cela soit bien réel.

Alors comment gérer cette notoriété qui existe souvent bien malgré nous ? Ne pas répondre et ignorer reste très probablement la meilleure solution, et celle conseillée par toutes les instances qui se sont penchées sur la question. On peut d’ailleurs relever une certaine ambivalence chez les praticiens qui alimentent parfois le débat : en répondant aux commentaires, on ne fait que cautionner cette pratique et encourager l’escalade potentielle dans un dialogue, souvent, de sourds. De plus, cet échange se fait aux yeux de tous et laisse des traces indélébiles. N’oublions pas que « Les paroles s’envolent, les écrits restent » (Horace), et que le meilleur moment pour s’expliquer (car nous ne sommes pas parfaits, bien sûr !) est lorsque le patient est face à nous.

À l’heure où le docteur est parfois accessible en trois clics à travers une plateforme, où sa photo est en général en ligne (gare aux homonymes et à internet qui mélange tout avec ses algorithmes !), où l’on peut déceler certains travers par les avis d’utilisateurs, essayons de garder le sourire en toute circonstance et de préserver au maximum les échanges non numériques avec nos patients.

Post-scriptum : dommage que la nouvelle convention médicale prévoit de nous rémunérer pour échanger avec les patients par mail sur la messagerie de leur espace santé… (ah non, on arrête avec la CPAM, ce n’est pas le sujet du jour !).