Parmi nos missions de médecin généraliste, il y a le lien avec les autres médecins qui sont amenés à donner un avis ponctuel ou à suivre nos patients. Ce rôle a été renforcé depuis la mise en place de la notion de médecin traitant et du parcours de soins coordonnés. Ce lien est précieux et le devient de plus en plus du fait des difficultés d’accès aux soins et des délais qui s’allongent pour obtenir des rendez-vous, toutes les spécialités étant touchées par la pénurie.
Que ce soit par simple politesse, pour exprimer des questions précises concernant le patient ou tout simplement pour respecter le parcours de soins coordonnés, nous rédigeons un courrier à l’attention du confrère. En tant que médecin généraliste « standard », on essaie de prendre le temps nécessaire pour chaque patient et chaque demande. Pour autant, on espère ne pas s’attarder le soir pour la paperasse. Le courrier est donc rédigé durant la consultation. Il en résulte une légère schizophrénie : la lettre est écrite tout en finissant de répondre aux questions du patient et en lui indiquant les coordonnées du spécialiste à consulter, entre autres.
Le contenu dudit courrier est donc souvent truffé de fautes, et parfois trop succinct (au passage, merci aux logiciels qui y intègrent automatiquement des éléments du dossier).
C’est un vrai atout de pouvoir donner au patient les coordonnées précises d’un spécialiste : ce sera plus rassurant et plus motivant pour lui d’être confié à quelqu’un que l’on connaît. Cela peut aussi aider à obtenir un rendez-vous dans un plus bref délai.
Dans ce contexte, l’une des difficultés est de savoir quel est le meilleur moment pour adresser. Lorsqu’on estime avoir fait le bilan de débrouillage et avoir atteint notre limite, il est assez évident – et c’est d’ailleurs important – de savoir passer la main. En revanche, quand c’est le patient qui réclame l’avis spécialisé (ou nous met devant le fait accompli, car il a déjà pris le rendez-vous : « on me réclame une lettre d’adressage, Docteur »), cela peut être plus contrariant. On est alors tenté de laisser transparaître dans la lettre qu’on ne cautionne pas cette demande. Ce n’est peut-être pas une si bonne idée, car le spécialiste risque de prendre moins au sérieux le patient, voire d’être agacé. Et quand on se sent mis en échec dans notre prise en charge (par exemple sur des consultations répétées pour un syndrome de l’intestin irritable), on est parfois bien content de passer la main, davantage pour changer d’interlocuteur que pour une difficulté diagnostique !
Par ailleurs, le retour du spécialiste (reçu pour la majorité des adressages) est toujours utile.
On est parfois déçu lorsque l’orientation avait pour but d’éviter la surenchère d’examens complémentaires (diriger vers l’orthopédiste pour éviter de faire une IRM du genou trop vite, qui est finalement réclamée…). On regrette aussi quelquefois une tendance à ne pas assurer de suivi sur une pathologie bénigne. Le patient, dont les symptômes persistent, revient vers nous quand il sent que le confrère a fait le tour de la question ; on n’est pas toujours plus avancé, alors que de multiples examens complémentaires ont été réalisés, ceux-là mêmes qu’on évitait de prescrire !
Et puis, il est parfois délicat de choisir de poursuivre ou d’interrompre un traitement introduit par un autre médecin. Par exemple, lorsque l’ORL a prescrit deux gouttes d’amitriptyline un soir tous les quinze jours, on se dit qu’à la place on aurait bien parlé de psychothérapie...
Le travail d’équipe, en apparence plus difficile à mettre en place en ville qu’à l’hôpital, y est pourtant tout aussi indispensable. L’expérience et les réunions de médecins de proximité permettent d’améliorer continuellement notre réseau. Les instances dirigeantes l’ont d’ailleurs bien compris, avec la mise en place des Communautés professionnelles territoriales de santé.
En conclusion, pour exercer heureux, exerçons groupés, et surtout en lien avec nos confrères !