Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) peut être source d’insomnie, d’anxiété, de dépression, de risque de suicide, de somnolence diurne et d’altération de la qualité de vie. Les mécanismes physiopathologiques sont encore mal connus, mais pourraient impliquer une prédisposition génétique, une carence martiale au niveau cérébral et une dérégulation de la dopamine. Le SJSR est fréquemment associé à des mouvements périodiques des jambes (MPJ) qui surviennent pendant le sommeil.
Quand y penser ?
Les patients atteints de SJSR se plaignent rarement d’impatiences de façon spontanée. Le plus souvent, c’est la plainte d’insomnie qui est au premier plan.
Les tableaux cliniques sont très hétérogènes et les patients ont souvent du mal à décrire leurs symptômes. Les principaux signes rapportés sont des décharges électriques, des tiraillements, des fourmillements, des picotements, des sensations d’étau, de chaleur, voire de brûlure. Le registre affectif décrit par les patients est toutefois similaire : ces dysesthésies sont qualifiées d’« agaçantes », « embêtantes », « énervantes », « gênantes ». L’envie de bouger les jambes est toujours présente. La topographie des dysesthésies intéresse les jambes (uni- ou bilatérale), plus rarement les cuisses et les bras. Dans les formes très sévères, ou en cas de syndrome d’augmentation, les symptômes peuvent être généralisés.
Les symptômes surviennent le soir après le repas, lorsque le patient veut se reposer, et peuvent se poursuivre au cours de la première partie de la nuit, jusqu’à 2 ou 3 h du matin. Certains patients rapportent des impatiences dès l’après-midi, lors de la sieste. Le matin est une période qui reste longtemps libre de tout symptôme, sauf dans les formes très sévères.
Comment faire le diagnostic ?
Le diagnostic du SJSR repose essentiellement sur l’interrogatoire (mais celui de MPJ est polysomnographique). Lors de l’enquête étiologique, le clinicien doit rechercher les 5 critères essentiels du SJSR (encadré ci-dessous). Lorsque le diagnostic n’est pas évident, en cas de comorbidités algiques associées ou d’interrogatoire difficile, des critères de support peuvent aider au diagnostic (encadré).
Il est important de distinguer les impatiences légères – entraînant rarement des insomnies et très fréquentes en population générale (environ 10 %) – d’un authentique SJSR sévère – quotidien, avec des répercussions nocturnes et diurnes.
Quelles comorbidités ?
Les deux principales comorbidités du SJSR sont la carence martiale et l’insuffisance rénale sévère. D’autres pathologies peuvent également être associées au SJSR, comme les maladies cardiovasculaires (infarctus, trouble du rythme, insuffisance cardiaque), le syndrome métabolique (diabète, obésité, hypertension), les pathologies neurologiques (migraine, accident vasculaire cérébral, polyneuropathie, syndrome parkinsonien traité) et digestives (syndrome de malabsorption, maladie de Crohn, rectocolite hémorragique).
Le diagnostic du SJSR peut être difficile, surtout en présence de comorbidité algique le mimant. Les principaux diagnostics différentiels sont les radiculopathies et myélopathies, l’insuffisance veineuse des membres inférieurs, la fibromyalgie, l’arthrite, les crampes nocturnes, les myalgies, l’inconfort positionnel, l’anxiété.
Quel bilan complémentaire ?
Le bilan biologique inclut au minimum la ferritinémie, le coefficient de saturation de la transferrine et la protéine C-réactive (CRP).
En cas de carence en fer (ferritinémie ≤ 50 - 75 µg/L, coefficient de saturation de la transferrine ≤ 20 %) et en l’absence d’inflammation biologique (CRP ≤ 5 mg), une supplémentation martiale per os ou par voie parentérale est indiquée.
L’enregistrement du sommeil n’est pas obligatoire, mais recommandé. Des mouvements périodiques des jambes (MPJ) et des troubles respiratoires nocturnes (syndrome d’apnées du sommeil) sont à rechercher, tout en appréciant le comportement algique typique du SJSR à la vidéo.
Prise en charge : d’abord hygiénodiététique
Avant la mise en place d’un traitement pharmacologique, il faut éliminer tout facteur favorisant : carence martiale, théine/caféine, tabagisme, alcool, sédentarité, iatrogénie (alternative aux antidépresseurs sérotoninergiques, neuroleptiques cachés tels que les phénothiazines).
En cas de persistance de symptômes sévères à très sévères, un traitement pharmacologique symptomatique est indiqué. Trois classes thérapeutiques peuvent être prescrites en monothérapie ou en association. Les posologies initiales et maximales recommandées sont reportées dans le tableau.
Les agonistes dopaminergiques sont très efficaces sur le SJSR et les mouvements périodiques des jambes ; ils peuvent néanmoins exposer au syndrome d’augmentation, surtout en cas de fort dosage (extension topographique des impatiences aux cuisses, bras, abdomen et apparition beaucoup plus tôt dans la journée), et, plus rarement, à des troubles du contrôle des impulsions. Ils sont indiqués dans le SJSR associé à des mouvements périodiques des jambes, en cas de dépression, ou de contre-indication aux autres classes thérapeutiques.
Les α2δ ligands sont efficaces sur les dysesthésies et l’insomnie, mais agissent très peu sur les mouvements périodiques des jambes. Ils sont indiqués en cas de plainte d’insomnie disproportionnée, d’anxiété importante, de comorbidités algiques ou de contre-indication aux agonistes dopaminergiques.
Les opiacés sont très efficaces sur le SJSR et les mouvements périodiques des jambes. Les opiacés faibles, pris à la demande, sont indiqués en cas de symptômes fluctuants survenant moins de trois fois par semaine, seuls ou en association avec les autres thérapeutiques. Les opiacés forts (morphine, fentanyl, oxycodone) sont réservés aux formes très sévères et pharmacorésistantes, après une exploration polysomnographique.
Critères diagnostiques du syndrome des jambes sans repos, selon l’International Restless Legs Syndrome Study Group
Critères essentiels (devant impérativement être présents pour poser le diagnostic)
- Une envie de bouger accompagnée d’une sensation désagréable siégeant dans les membres inférieurs, plus rarement dans une autre partie du corps.
- L’envie de bouger et la sensation désagréable débutent ou s’aggravent dans les périodes de repos ou d’inactivité (allongé ou assis).
- L’envie de bouger et la sensation désagréable sont partiellement ou totalement soulagées par les mouvements.
- L’envie de bouger et la sensation désagréable sont ou deviennent plus sévères le soir et la nuit.
- Ces symptômes ne sont pas mieux expliqués par une autre pathologie.
Critères de support (pouvant aider à résoudre un diagnostic incertain)
- Mouvements périodiques des jambes pendant le sommeil.
- Histoire familiale de syndrome des jambes sans repos.
- Réponse favorable aux agonistes dopaminergiques.
Caractéristiques cliniques associées
- Évolution spontanée du trouble.
- Troubles du sommeil fréquents.
- Bilan clinique et examen physique normaux (sauf si SJSR comorbide).